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MESSE, OBLATION ET IMMOLATION MYSTIQUE

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institué. Cette célébration comporte non seulement

Poblation au sens strict du mot, mais encore l’immolation. Le concile considère.Jésus-Christ à l’autel comme

une victime immolée mystiquement, et ce concept, expressément marqué dans les chapitres doctrinaux, est sous-entendu dans les canons. D’ailleurs, le catéchisme du concile de Trente, qui peut aider à déterminer jusqu'à un certain point la pensée du concile, affirme que les Pères de Trente ont défini que JésusChrist établit prêtres les apôtres, par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi, et leur ordonna, à eux et à leurs successeurs dans le ministère eucharistique,

d’iMMOLER et d’OFFRIR SOU COTpS, lit ipsi ((ipostoli)

et qui eis sacerdotali minière successuri erant corpus ejus immolarent et ofjerrenl. De eucharisties sacramento. a. 74. Au n. 69, le catéchisme nous exhorte à concevoir le sacrifice eucharistique comme éminemment agréable à Dieu, surtout si on compare l’adorable victime qu’est le Christ aux victimes des anciens sacrifices : At vero hsec victima si rite et légitime immoletur, quam grata et accepta Deo sit, ex hoc colligitur. Si enim veteris legis sacrificia… ita placuerunt Domino…, quid nobis sperandum de eo sucrificio, in quo ille ipse immolatur atque offertur, de quo coslestis vox bis audita est, etc. Et, plus loin encore n. 73 : Si puro corde, accensa fide… hanc sanctissimam hosliam immolemus et offeramus, dubitandum non est, quin misericordiam Dei consecuturi simus…

Ces textes si clairs montrent que, tout au moins dans la pensée des théologiens contemporains du concile de Trente, immoler et offrir ne sont pas entièrement synonymes.

e. — Toute la difficulté est de concevoir ce que peut être la réalité objective d’une telle immolation. Et ici encore, avant toute chose, rappelons le sens précis du mot « réel » que nous accolons à l’immolation eucharistique. Réelle ne signifie nullement sanglante, destructive, comme d’aucuns le pensent parfois. Réelle, ici, ne s’oppose pas même à figurative. A la croix, l’immolation réelle, c’est-à-dire sanglante ne saurait être dite figurative ; mais à la messe, l’immolation mystique, bien que figurative de celle de la croix, possède sa réalité propre. Et nous ajouterons, avec Billot, que l’immolation mystique, tout en n'étant pas l’immolation réelle au sens de sanglante et effectivement destructive, n’en est pas moins « un véritable et réel sujet de la signification symbolique qui est la forme propre du sacrifice ». Op. cit., p. 637.

c) Cette confusion dissipée, il nous reste à déterminer la ligne dogmatique, dans laquelle, sans encore descendre aux précisions des opinions théologiques, il faut chercher la réalité objective de l’immolation mystique.

a. L’immolation non sanglante de la messe appartient à l’ordre du mystère. — Les théologiens l’ont appelé mystique, précisément parce qu’elle se rapporte au mystère de la transsubstantiation. Mystique signifie donc ici caché, obscur, impénétrable. Sans doute, ce sens n’est pas exclusif de la représentation que l’immolation de l’autel comporte à l'égard de l’immolation de la croix. Mais, en soi, l’immolation eucharistique est d’abord mystérieuse :

b. La réalité mystérieuse de l’immolation non sanglante comporte une représentation de l’immolation sanglante de la croix. — La foi, nous l’avons vii, enseigne qu’il y a deux immolations de Jésus-Christ : l’une sanglante sur la croix, l’autre non sanglante sur l’autel, et qu’elles ont entre elles un rapport essentiel. Il est donc nécessaire que l’immolation non sanglante de la messe représente l’immolation sanglante de la croix et qu’elle tire de cette immolation sanglante toute son excellence et sa vertu. Il faut toutefois se faire une

idée plus précise du tenue représentation. Représentation est pris ici comme synonyme de ressemblance, de répétition, de renouvellement d’une action passée. Ce terme pourrait donc signifier ou bien une simple image, qui représente d’une manière morte et inanimée un événement ancien, ou bien une action qui ressemble à cet événement passé et qui le retrace et le renouvelle de telle ou telle manière. Or, la représentation qui se fait, à la messe, du sacrifice de la croix, renferme l’une et l’autre de ces deux significations, selon qu’on l’applique au mystère même qui s’opère sur l’autel, ou aux symboles sous lesquels ce mystère s’accomplit. Si l’on considère l’immolation mystérieuse de Jésus-Christ sous les espèces du pain et du viii, ce n’est point une simple image, qui représente l’immolation sanglante de la croix, mais une action très réelle, par laquelle cette immolation sanglante est actuellement retracée et renouvelée sans effusion de sang. Si, au contraire, on ne considère que la séparation extérieure des espèces, c’est un tableau sans action et sans vie, mais qui cependant montre ce qui se passe sous ce voile sacré, qui rappelle la mémoire du mystère de la croix, et qui rend, par cette peinture expressive, le sacrifice de la messe extérieur et sensible. Le concile de Trente réunit ces deux sens sous un seul point de vue. Il établit d’abord que le sacrifice de la messe représente celui de la croix et il explique tout de suite ce qu’il entend par cette représentation. La personne même de Jésus-Christ, dit-il, est immolée sur l’autel sans effusion de sang, et’cette immolation s’opère sous des signes visibles, seipsum sub signis oisibilibus immolandum : paroles qui montrent clairement que la représentation véritable et proprement dite qui, à la messe, se fait du sacrifice de la croix, consiste avant tout dans l’immolation non sanglante de Jésus-Christ même sur l’autel, et que les symboles, par la séparation extérieure qu’ils offrent aux yeux des assistants, ne font que manifester cette représentation, la rendre palpable et sensible autant qu’elle peut l'être.

c. La réalité de l’immolation non sanglante de l’autel ne peut exister que dans l’ordre surnaturel. — L’immolation de Jésus-Christ à la messe étant réelle, au sens où on l’a expliqué, elle doit exister dans un certain ordre. Or, l’ordre naturel est ici impossible, car une immolation réelle dans l’ordre naturel serait une immolation sanglante. Il faut donc que cette immolation existe dans l’odre surnaturel. Ce n’est donc pas seulement une simple figure d’immolation, qui n’a rien de mystérieux, mais une immolation miraculeuse, étonnante et incompréhensible. Ainsi, il faut avant tout éviter de concevoir l’immolation sanglante de la croix et l’immolation non sanglante de l’autel, comme deux espèces d’immolation appartenant au même ordre de choses. Chacune est réelle, mais en son ordre. Dans l’ordre naturel, l’immolation de la croix est réelle, c’est-à-dire sanglante ; et, dans cet ordre l’immolation de l’autel n’est pas réelle, puisqu’elle est non sanglante. Mais dans l’ordre surnaturel, où elle se produit, l’immolation non sanglante possède une réalité mystérieuse, qui se concilie avec l'état glorieux de Jésus-Christ dans le ciel. C’est en s’attachant à ce point de vue surnaturel que les adversaires du P. Le Courrayer affirmaient que « l’immolation non sanglante de Jésus-Christ à la messe est en même temps représentative et réelle ». Voir col. 1215.

d. Cette réalité consiste dans la séparation sacramentelle du corps et du sang de Jésus-Christ. — Celte conclusion n’est pas formulée a priori ; mais elle résulte à la fois des données de l'Écriture et des décla rations du concile de Trente, sur le sacrifice eucharistique. Jésus-Christ, déclare le concile, la veille de sa passion, institua prêtres ses apôtres et leurs suc-