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MESSE, OBLATION ET IMMOLATION MYSTIQUE


Thomas : Una est hostia, quam Christus obtulit. et J quam nos offcrimus ; ita est unum sacrificium. Sum. theol., III* 1, q. lxxxiii, a. 1. A la messe même prêtre et même victime qu’au Calvaire ; donc, même sacrifice. La manière d’offrir le sacrifice est différente sous un triple aspect : d’abord Jésus seul a offert le sacrifice du Calvaire, et il offre le sacrifice de la messe par ses prêtres ; ensuite le sacrifice de la croix n’a été offert qu’une fois, sans pouvoir être réitéré ; la messe se réitère, et surtout enfin le Christ s’est offert sur la croix d’une manière sanglante ; sur l’autel, il s’offre sans effusion de sang. Loin d’être préjudiciable à l’unité du sacrifice du Christ, cette manière différente d’offrir à la messe la même victime qu’au Calvaire explique seule le rapport essentiel, et intime unissant la messe à la croix. Car, si le sacrifice de la messe s’offrait de la même manière que celui de la croix, Jésus-Christ mourrait une seconde fois, il y aurait nouveau sacrifice sanglant, anéantissant celui de notre rédemption, comme insuffisant, inutile. C’est donc, en raison de la manière différente dont se fait l’oblation, que le sacrifice eucharistique peut conserver et marquer son rapport intime et essentiel au sacrifice du Calvaire.

b) Or, cette unité de sacrifice, s’affirmant dans le rapport intime et essentiel du sacrifice de la messe au sacrifice de la croix, ne peut exister que si l’immolation eucharistique, dont le concile de Trente affirme l’existence, est conçue elle-même en relation intime et essentielle avec l’immolation de la croix. Il ne saurait être question à l’autel d’une immolation univoque à celle du Calvaire : le concile de Trente l’exclut expressément : Incruente immolatur, qui seipsum cruente obtulit. Mais il ne saurait être question non plus d’une formule, au sens scolastique du mot, purement équivoque : le rapport intime et essentiel de la messe à la croix s’y oppose, non moins que la déclaration expresse du concile de Trente. Le concile a parlé d’immolation non sanglante : il a marqué par là la réelle analogie qui existe entre l’immolation eucharistique et l’immolation de la croix. Pour éviter cette conclusion, il faudrait donner à un texte formel une interprétation arbitraire, métaphorique, opposée au sens naturel des mots, contrairement à ce que les théologiens ont toujours entendu et exposé.

D’ailleurs toute interprétation excluant l’hypothèse d’une immolation actuelle et présente du Christ au sacrifice de l’autel est éliminée par le texte même du concile :

a. - — La présence réelle de la victime autrefois immolée ne suffit pas, en *ffet, à expliquer les termes de la déclaration conciliaire. L’Assemblée du clergé de 1727 l’expose clairement. Voir col. 1216. La présence réelle, et la présence réelle par la transsubstantiation sous les deux espèces, est le principe d’où suit nécessairement le sacrifice, ainsi que l’explique Bossuet, voir col. 1158. Le concile de Trente distingue nettement la présence réelle, continetur, de l’immolation sacrificielle, incruente immolatur. Paroles décisives, affirmant et l’immolation et la présence réelle, et, par le rapprochement des deux termes dans le même membre de phrase, donnant à l’immolation le sens objectif, réaliste en quelque sorte, que tout le monde reconnaît à la présence.

b. — Pour éviter ce sens obvie, clair et, semble-t-il, indiscutable de l’affirmation conciliaire, il faudrait user de subterfuges que n’autorise pas une saine exégèse du* texte. Aujourd’hui encore on a retrouvé l’interprétation proposée jadis par Plowden et ses partisans : d’après eux, la messe serait une simple offrande de Jésus-Christ autrefois immolé sur la croix. La messe est cela, sans doute, et nul n’y contredit ; mais elle est cela en tant que sacrifice relatif, en mettant

toutefois l’accent sur relatif. Mais, en tant que sacrifice actuel, elle comporte aussi une immolation présente du Christ, ainsi que le marque l’opposition que nous avons relevée dans les termes mêmes dont use Je concile : Idem ille Christus continetur et incruente immolatur, qui in ara crucis semel seipsum cruente obtulit. Non seulement le concile distingue l’immolation sanglante de la croix et l’immolation non sanglante de la messe, mais il avait déjà dit, quelques lignes plus haut, que Jésus-Christ se donne pour être immolé lui-même par les prêtres sous des signes visibles : Seipsum per sacerdotes immolandum sub signis visibilibus. Paroles décisives, dirons-nous derechef, qui marquent expressément une immolation présente et distincte de celle de la croix ; une immolation actuelle qui tous les jours se renouvelle, qui s’opère par le ministère des prêtres et doit se perpétuer jusqu’à la fin des siècles.

c. — Du moins prendra-t-on le terme immolation dans un sens métaphorique, ou tout au plus dans un sens purement figuratif ? « Immolation non sanglante » est-ce le synonyme de « simple figure, rappelant l’immolation réelle qui a été restreinte à la croix » ? Telle était déjà, au xviiie siècle, une des interprétations fournies par les partisans de Plowden. Ceux-ci faisaient remarquer, que dans les textes conciliaires, le terme immolé ne pouvait avoir partout la même signification. L’immolation sanglante, certes, est une immolation réelle ; l’immolation non sanglante est une immolation métaphorique ou simplement figurative. On leur répondit que c’était aller contre la déclaration même du concile de Trente que d’interpréter l’immolation mystique de la messe dans le sens d’une simple figure d’immolation, figure résidant dans la séparation des espèces sacramentelles. Au fait, le concile de Trente déclare que Jésus-Christ lui-même est immolé à la messe par le ministère des prêtres sous des signes visibles, seipsum per sacerdotes immolandum sub signis visibilibus. Il déclare que le même Jésus-Christ qui s’est offert sur la croix avec effusion de sang, est contenu et immolé sur l’autel sans effusion de sang : Idem ille Christus qui in ara crucis seipsum cruente obtulit, in hoc divino sacriftcio continetur et incruente immolatur. Enfin, il déclare que cette hostie vivifiante est tous les jours immolée par les prêtres, vivifua illa hostia quotidie per sacerdotes immolatur. Comment concilier ces paroles avec la prétendue immolation purement figurative ? Si c’est sur le corps et sur le sang même de Jésus-Christ présent dans l’eucharistie que s’opère cette immolation, la restreindre à la seule séparation extérieure des espèces, n’est-ce pas changer la doctrine du concile ? Il dit expressément que c’est sous les signes visibles que se fait cette immolation non sanglante du corps et du sang de Jésus-Christ, sub signis visibilibus et non point dans ces signes mêmes. Sans doute, ces signes rendent sensible l’acte d’immolation qu’ils dérobent à nos yeux, mais ils sont incapables par eux-mêmes d’immolation quelconque.

d. — Enfin — dernière considération nécessaire pour montrer l’insuffisance du système du sacrificeoblation exclusif de l’immolation — il nous paraît difficile d’interpréter le terme immoler dans le sens d’offrir. C’est, tout d’abord, changer sans raison le sens obvie des mots. Sans doute, il faut reconnaître que, dans aucun des canons relatifs au sacrifice de la messe, ne se rencontre le terme immolation, immolé. Ici, seuls les canons 1 et 2 peuvent nous intéresser. On y parle d’oblation du sacrifice, d’oblatiou du corps et du sang du Christ. Mais il est clair qu’en parlant du sacrifice offert, du corps et du sang offerts, le concile entend la célébration du sacrifice du corps et du sang de Jésus-Christ, tel que Jésus-Christ lui-même l’a