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1257 MESSE, DONNÉES THÉOLOGIQUES : ROLE DE LA COMMUNION 1258

un sacrifice. Or, quiconque olïre un sacrifice, doit y participer, parce que le sacrifice extérieur est le signe du sacrifice intérieur par lequel on s’offre soi-même à Dieu. Ainsi, en participant au sacrifice, le prêtre montre que le sacrifice intérieur lui appartient. De même… le prêtre doit lui-même prendre ce sacrement avant de le dispenser au peuple ». Ici, la nécessité de la communion en vue de la destruction de la victime ne se pose plus : il s’agit uniquement de la nécessité de la communion en vue de réaliser l’effet du sacrifice qui est d’unir le prêtre, les fidèles à Dieu dans la participation à la victime. Ht ce complément nécessaire achève de réaliser parfaitement le svmbole exprimé par le sacrifice lui-même. Cette pensée fort juste se retrouve au fond des opinions qui assignent à la communion du prêtre un rôle essentiel dans le sacrifice eucharistique : dégagée de l’idée d’une destination nécessaire au sacrifice, cette conception apparaît pleine de vérité et de profondeur : et c’a été le grand mérite de Viva et de Holtzclau de corriger en ce sens la théorie de Bellarmin. La meilleure formule qu’on puisse donner de cette conception est peut-être celle de Suarez : Ordo ad sumptionem est de essentiel sacrificii eueharislici. Disp. LXXY, sect. v, n. 16. Cet ordre de la consécration à la communion est-il de droit ecclésiastique ou de droit divin"? Certains auteurs" modernes tranchent sans hésiter la question en faveur du droit divin. Cf. Lépicier, De ss. sacrifteio eucharistico, q. ii, a. 4, n. 11. Van Noort est peut-être plus exact en formulant quelques réserves : Ceteroquin, dit-il, non constat, utrum communio celebrantis necessaria sit ex lege divina, an ex lege ecclesiastica cum fundamenlo juris divini tantum, n. 461, note 4. Ce dernier auteur s’appuie sur Suarez, toc. cit. Ce théologien estime que, dans les documents ecclésiastiques, rien n’autorise à relier la communion à la consécration par un précepte divin formel. Le concile de Trente lui-même se borne à déclarer que « la coutume fut toujours dans l'Église que les laïques reçussent la communion des prêtres, et que les prêtres célébrants se communiassent eux-mêmes », et que « cette coutume doit à bon droit être conservée, comme descendant de la tradition apostolique ». Sess. xiii, c. viii. Denz.Bannw., n. 881. Rien, en ce texte, qui déclare de droit divin l’ordre de la consécration à la communion, la tradition apostolique elle-même ne comportant pas nécessairement un droit divin. Le concile entend simplement définir la licéité de la communion du prêtre par lui-même, can. 10, id., n. 892. Certaines indications permettent cependant de conjecturer que le droit divin, contenu dans l’institution positive du Christ, est peut-être ici en jeu. D’abord, jamais l'Église ne dispense le prêtre de communier à la messe qu’il célèbre ; bien plus, si le célébrant vient à manquer, par maladie soudaine ou par mort, immédiatement après la consécration et avant la communion, un autre prêtre, même sans être à jeun, doit se substituer à lui pour achever le sacrifice et communier. Rubricæ missalis, tit. x, n. 3. Mais, même en admettant le droit divin, il ne s’ensuit pas que la communion appartienne à l’essence du sacrifice eucharistique ; car elle demeurerait, de droit divin, liée à la consécration uniquement comme complément nécessaire, mais extrinsèque. Suarez, loc. cit.

c) Les objections sont facilement solubles. — a. — L'Église, dit-on, applique encore le fruit du sacrifice après la consécration, puisqu’elle intercale dans la deuxième partie du canon la mémoire des défunts. Or, si toute l’essence du sacrifice était dans la consécration, il ne serait plus temps de recommander à Dieu les défunts à cet endroit de la messe.

On ne saurait dire que l'Église applique après la consécration le fruit du sacrifice. C’est au prêtre, d’ail leurs, qu’il appartient de faire cette application. En tant que ministre du Christ, le prêtre applique le fruit produit par le sacrifice ex o’pero operato, et il doit faire cette application, non seulement à l’intention qu’il forme lui-même librement, mais encore à toutes les intentions générales exprimées dans l’ordinaire de la messe. Or, cette application est incluse dans la volonté de faire ce que fait l'Église ; aussi, cette volonté présupposée, la messe est appliquée, à l’instant même de la consécration, à toutes les intentions de L'Église, quel que soit le moment liturgique, avant ou après la consécration, où ces intentions sont exprimées. Outre l’application du fruit ex opère operato, il faut aussi dans la messe considérer I’impétration du prêtre, priant soit en son nom personnel, soit au nom de l'Église ; et cette impétration se produit dans toutes les prières publiques et privées qui accompagnent le rite principal. Aussi la rubrique dit-elle expressément : « Le (célébrant) prie quelques instants pour les défunts pour lesquels il entend prier », mais elle ne dit pas : « Il forme son intention pour" appliquer le fruit ex opère operato de la messe. » Suarez, loc. cit., n. 15 ; Billot, op. cit., p. 623.

b. — Les prières liturgiques elles-mêmes semblent exclure l’opinion qui tient que l’essence du sacrifice est réalisée dans la seule consécration. D’une part, en effet, « immédiatement, après la consécration… au souvenir de la passion (unde et memores) nous rappelant la mort…, et aussi la résurrection et la glorieuse ascension dans le ciel, nous offrons l’hostie, le pain très saint de la vie éternelle et le calice du perpétuel salut. » Grivet, op. cit., p. 39. D’autre part, à la messe des présanctifi'és, où n’existe pas la consécration, nous prions Dieu d’avoir pour agréable notre sacrifice. Il faut donc que la communion, tout au moins partiellement, intervienne dans l’essence du sacrifice.

Objection cent fois réfutée, et à la solution de laquelle Bossuet a donné un magnifique commentaire. A la consécration, le sacrifice de Jésus-Christ, l’oblation qu’il fait à Dieu de son corps et de son sang, est accompli. Mais le sacrifice de l’eucharistie n’est pas seulement le sacrifice de Jésus-Christ ; il est encore celui de tout son corps mystique s’unissant à lui et s’immolant avec lui. Le sacrifice extérieur de Jésuseucharistie est l’expression parfaite du sacrifice intérieur par lequel les fidèles doivent témoigner, en union avec la divine victime, leur dépendance et leur amour à l'égard de Dieu. C’est de ce sacrifice intérieur, de ce sacrifice du corps mystique qu’il est question dans les prières liturgiques. Voir le développement de cette pensée, Explications de quelques difficultés sur les prières de la messe, n. 36-37. Ainsi, à la messe des présanctifiés, qui, selon l’avis unanime des auteurs, ne saurait être considérée comme un sacrifice, nous demandons à Dieu d’avoir pour agréable notre sacrifice, lequel, même en l’absence du sacrifice extérieur de Jésus eucharistie, ne doit jamais cesser d’exister, c. — Dans tout sacrifice, la victime doit être d’abord préparée ou amenée, et ensuite immolée. Or, c’est par la consécration qu'à la messe la victime est préparée ou amenée ; il faut donc une autre action rituelle pour achever le sacrifice par l’immolation de la victime. — S’il s’agissait de l’immolation sanglante d’une victime mise à mort, l’argument pourrait avoir quelque valeur. L’immolation sanglante, en effet, présuppose la présence de la victime. Mais le sacrifice eucharistique, quelle que soit d’ailleurs l’opinion qu’on professe sur son essence, ne possède, avec ces sacrifices sanglants, que des rapports lointains et purement analogiques. Lt, à ce sujet, ii convient de rappeler que si la transsubstantiation, en tant qu’elle rend présents le corps et le sang du Sauveur, est une action