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1255 MESSE, DONNÉES THÉOLOGIQUES : ROLE DE LA COMMUNION 1256

tement ; l'élévation de l’hostie et du calice pour les faire adorer au peuple ; les bénédictions qui se font sur le sacrement et autres rites semblables. » Loc. cit., n. 36. Ne retenant que les rites accomplis par le Christ lui-même à la cène, Jean de Saint-Thomas s’arrête à la bénédiction, à la fraction de l’hostie, et à la communion. La question de la communion faisant l’oDJet d’un paragraphe spécial, voir ci-dessous, nous nous contenterons de retenir les deux premiers gestes du Sauveur, reproduits par le prêtre à l’autel, benedixit, fregit.

a. — La bénédiction du pain et du vin à la consécration ne constitue pas une partie essentielle du sacrifice. S’il s’agit, en effet, de la bénédiction qui se fait immédiatement avant la consécration du pain etdu vin, comment ce rite pourrait-il appartenir au sacrifice, puisque le corps et le sang du Sauveur ne sont pas encore présents sur l’autel ? Et si l’on entend par « bénédiction » la consécration elle-même, la difficulté n’existe plus. C’est dans ce dernier sens, d’ailleurs, que saint Thomas expose le récit de saint Paul, Comment, in 7 am Cor., xi, 24, lect. v.

b. — La fraction du pain (laquelle, à la messe, est faite après le Pater) ne saurait, quoi qu’en aient pensé Cano et Grégoire de Valencia, voir col. 1145, 1177, constituer un élément essentiel du sacrifice eucharistique. Au point de vue théologique et spéculatif, ce rite s’exerce à l’endroit de la seule espèce du pain ; il ne peut donc, d’après la raison exprimée en second lieu, constituer une action vraiment sacrificielle. Liturgiquement, ce rite peut être omis sans que le sacrifice en souffre. Rubricee missalis, § 10, n. 10. De plus, Suarez fait remarquer, et ce peut être juste, que la fraction, à la cène, fut antérieure à la consécration, donc, elle ne pouvait appartenir à l’essence du sacri ; fice. Cf. Salmanticenses, loc. cit., n. 24 ; Suarez, loc. cit.sect. iii, n. 3j Mais l’on ne saurait oublier que l’antiquité chrétienne a attaché à ce rite une très grande importance, comme étant l’image de la passion.

5. Reste la seule controverse intéressante : La communion du prêtre fait-elle partie de l’essence du sacrifice ? Nous ne disons plus, comme tout à l’heure : constitue-t-elle, à elle seule, l’essence du sacrifice ? Il s’agit de savoir si le sacrifice requiert essentiellement non seulement la consécration, mais encore la communion du célébrant. Et l’on sait que l’opinion affirmative a rencontré de puissants défenseurs dans la théologie catholique : Bellarmin, les Salmanticenses, De Lugo, saint Alphonse de Liguori, etc.

a) De multiples raisons nous font exclure la communion de l’essence du sacrifice eucharistique (Opinion à notre avis plus probable). — a. — La communion n’est pas faite au nom du Christ, et le prêtre n’y tient pas la place de la personne même du Sauveur. Bellarmin a senti la difficulté : « Peu importe, dit-il, que la consomption de l’eucharistie ne se fasse pas en la personne du Christ, lequel est cependant le prêtre principal. Car, si le Christ ne se mange pas lui-même et ne consomme pas immédiatement le sacrement, il peut cependant être considéré comme s’il le consommait, puisqu’il se livre pour être consommé. C’est ainsi que, dans le sacrifice de la croix, le Christ s’est vraiment sacrifié, parce qu’il s’est offert à la destruction, bien qu’il ne se soit pas lui-même mis à mort de ses propres mains et qu’il ait laissé agir la main de ses bourreaux. » De missa, t. I, c. xxvii. Réponse bien peu convaincante : livrer à autrui un aliment que cet autre doit consommer, ce n’est pas du tout suffisant pour qu’on puisse dire de quelqu’un qu’il consomme, cet aliment. D’ailleurs il est inexact de dire que le Christ a offert son sacrifice sur la croix, parce qu’il s’est offert aux bourreaux. Le Christ a fait plus que s’offrir. Il s’est vraiment sacrifié lui-même, faisant acte

de son pouvoir pour permettre qu’on l’immolât.

b. — Mais il faut aller au fondement même de l’opinion contestée : les théologi ns qui s’y rallient prétendent que la communion est indispensable à la destruction ou immutation requise pour qu’existe le sacrifice. C’est là, nous l’avons vii, la raison fondamentale apportée par Bellarmin, col. 1176 ; les Salmanticenses, col. 1178 ; saint Alphonse de Liguori, col. 1 179, De Lugo, col. 1 185, etc. Or, ce fondement est des plus fragiles. Il est très vrai que le sacrifice doit exprimer publiquement notre dépendance vis-à-vis de Dieu ; mais il n’est pas prouvé que cette signification doive être réalisée au sacrifice de la messe par la destruction ou l’immutation du corps et du sang du Christ. Et puis, de quelle destruction, de quelle immutation pourrait-il être question ici ? On verra bientôt que toute la destruction ou l’immutation concevable porte uniquement, d’après les théologiens que nous avons cités, sur l'être sacramentel de Jésus-Christ ; et nous constaterons aussi que ce point de vue est contestable. De ce chef déjà, le fondement apparaît bien caduc. Mais il y a plus. Il est très certain que, dans le sacrifice, la chose offerte, la victime doit être offerte à Dieu : sans cette oblation, le sacrifice perd sa signification symbolique. Mais si l’oblation est essentielle dans le sacrifice, il la faudrait retrouver dans la communion. « Or, peut-on affirmer qu’une chose est vraiment offerte à Dieu dans l’acte même par lequel cette chose est consommée par l’homme en vue de sa propre utilité? Ce qui est consommé n’est pas, dans l’acte même de sa consommation, offert ; et réciproquement. « Billot, op. cit., th. liv. — Bellarmin, De Lugo, les Salmanticenses tentent de renforcer leur argument par la com paraison de l’holocauste. « L’holocauste réclame essentiellement la consomption de la victime ou de la chose offerte. Donc, le sacrifice eucharistique comporte, comme partie essentielle, la communion. Salmanticenses, n. 30. Mais cette comparaison est plus ingénieuse que solide. La combustion de la victime comportait, certes, un rite bien apte à signifier le sacrifice intérieur de l’homme. Mais où trouver, même initialement, ce rite expressif dans la manducation sacramentelle ?De tous temps, en effet, les hommes ont participé au sacrifice par la communion : Ceux qui mangent des victimes, ne participent-ils pas à l’autel ? dit saint Paul, I Cor., x, 18 ; jamais cependant cette communion n’a été considérée comme l’essence même de l’oblation ; mais, au contraire, l’oblation de la victime une fois faite, on célébrait le banquet sacré en signe de la paix et de l’union qui doit régner entre Dieu et les hommes. Ainsi, à la messe, avant comme après la consécration, les paroles liturgiques expriment l’obla tion ; mais quand arrivent les prières qui précèdent immédiatement la communion, il n’est plus question d’oblation ; la paix seule est annoncée, demandée, donnée, précisément parce que l’homme est admis à la table de Dieu, qu’il est élevé à la participation des choses divines, qu’il est inscrit dans la société de Dieu.

b) Toutefois, la nature même du sacrifice exige que la communion du célébrant soit annexée à la consécration, de telle manière qu’elle ne puisse jamais, même par dispense de l'Église, en être séparée. Les théologiens expriment ordinairement cette vérité en disant que la communion est partie intégrante de la messe : Etsi non sit pars constitutiva sacrificii qua lalis, illud tamen extrinsece complet ac perficil : hinc etiam vocatur pars integralis sacrificii. Van Noort, De sacramentis, t. i, n. 461. La nature même du sacrifice de la messe exige qu’il en soit ainsi ; et les théologiens modernes, sur ce point, ne font que reprendre les multiples affirmations de la tradition et développer la raison théologique apportée par saint Thomas, Sum. theol., III a, q. lxxxii, a. 4 ; « L’eucharistie est