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1253 MESSE, DONNÉES THÉOLOGIQUES : VALEUR DE LA SEULE CONSÉCRATION 1254

une attention plus particulière, bien qu’elle ne puisse revendiquer comme patrons, parmi les grands théologiens, que Dominique Soto, voir col. 11-45, et peut-être Ledesma. Et encore, Soto et Ledesma ne représentent qu’imparfaitement cette opinion, puisque, pour eux, la consécration et l’oblation sont essentiellement prérequiscs à l’acte sacrificiel de la communion.

a) Faiblesse des arguments de la thèse du sacrifice-communion. — a. — Les paroles de l’institution semblent indiquer que prendre, manger et boire le corps et le sang constituent le sacrifice : Prenez, mangez, ceci est mon corps ; buvez, ceci est mon sang. — Ces paroles, qui démontrent directement que l’essence de la messe est dans la consécration, voir ci-dessus col. 1247, prouvent aussi que l’immolation mystérieuse du Sauveur à la consécration a un rapport direct à la communion. La participation à la victime est la suite naturelle du sacrifice.

b. — Saint Augustin, De civitate Dei, t. XVII, c.v, n. 5, a écrit : Ideo id dixit, manducare panem ; quod est in nom Testamento sacrifteium christianum. P. L., t. xli, col. 536. — Ces paroles ne signifient pas que l’essence du sacrifice chrétien réside dans la manducation du pain devenu le corps du Christ. Elles signifient que le pain consacré, devenu corps (et le viii, devenu sang), sont le sacrifice auquel les chrétiens participent dans la communion. Saint Augustin oppose les victimes de l’Ancien Testament que Dieu avait données pour nourriture à la maison d’Aaron, au pain eucharistique qui est la victime des chrétiens et que Dieu leur donre pour nourriture spirituelle. S’il fallait tirer une conclusion de ce texte, elle serait défavorable à la thèse qu’on prétend y rattacher. Car, si les anciennes victimes devaient être, en tant que telles, immolées avant d'être données en nourriture à la maison d’Aaron, le corps et le sang du Christ doivent pareillement avoir été déjà immolés à la messe avant de servir d’aliments à l'âme par la communion.

c. — Un texte de saint Grégoire le Grand n’est pas mieux appliqué. Pro nobis iterum Christus, dit ce Père, in hoc mysterio sacra : oblationis immolatur ; ejus quippe ibi corpus sumitur, ejus caro in populi salutem partitur, e jusque sanguis in ora fidelium funditur. Dial., t. IV, c. lviii, P. L., t. lxxvii, col. 425. — Le saint Docteur propose simplement en ce texte l’une des principales raisons pour lesquelles Jésus-Christ s’immole sur l’autel : « C’est, dit-il, afin que les fidèles participent à sa chair sacrée. » Mais il est si éloigné de croire que c’est dans cette participation à la chair de Jésus-Christ que consiste son immolation non sanglante, qu’ilajoute, dans ce même texte, que le moment où se fait cette immolation est celui de la consécration : Immolationis hora ad sacerdolis vocem.

d. — On en appelle encore à saint Thomas, apportant, pour faire comprendre la notion du sacrifice, l’exemple du pain rompu, béni et mangé. Sum. theol., III a, q. lxxxv, a. 3. — Mais, d’une part, ces exemples du pain, rompu, béni, mangé, ne sont que des exemples apportés pour faire comprendre ce que peut-être l’acte accompli circa rem oblalam pour transformer la simple oblation en sacrifice véritable ; et, d’autre part, la doctrine de saint Thomas, proposée ex professa, est trop nette pour qu’il puisse y avoir le moindre doute.

b) Impossibilités de la tMse du sacr> < fice-communion. — a.. — Si le sacrifice à la messe n'était autre que la manducation, Jésus-Christ ne serait en état de victime qu’au moment de la communion du prêtre et des assistants, et il ne serait non plus en cet état de victime qu’au moment de la communion du prêtre et des assistants. Or, la royance catholique sanctionnée par la liturgie suppose que nous adorons JésusChrist sur l’autel après la consécration, non seulement

comme présent, mais encore comme hostie pure, hostie sainte, hostie sans tache.

b- - — Dans ce système, les prêtres n’immoleraient Jésus-Christ que pour eux-mêmes, et non pas pour les fidèles. Et d’autre part, chacun, en communiant deviendrait consécratcur, soit dans la messe, soit hors de la messe, s’il communiait sans y assister, et JésusChrist s’offrirait lui-même en sacrifice, par le ministère des uns et des autres. Ce qui est contraire à l’enseignement de la tradition tout entière.

c. - — Enfin, la communion pouvant être distribuée par le diacre, on aurait un sacrifice sans l’intervention du prêtre.

3. L’oblation verbale qui précède la consécration, à l’offertoire, ne saurait être considérée comme l’essence du sacrifice. Les théologiens qui croyaient ces prières anciennes ont réfuté à l’envi cette thèse. Il nous suffira de remarquer que ces prières et cérémonies sont relativement récentes et n’appartiennent pas à la partie vraiment traditionnelle de la messe. Voir Suarez, disp. LXXV, sect. iii, n. 1 ; cf. Bellarmin, V, c. xxvii, quarta proposilio ; De Lugo, disp. XIX, sect. iii, n. 38 ; Salmanticenses, disp. XIII, dub. ii, § 1, n. 21 ; Gonet, disp. XI, a. 2, n. 30 ; etc.

4. Il faut encore exclure de l’essence du sacrifice les rites, les prières et cérémonies qui se font à la messe entre la consécration et la communion. Et cela pour des raisons soit communes à tous ces rites, soit particulières à chacun d’eux.

a) Raisons communes. — Trois principes de valeur assez inégale proposés par Jean de Saint-Thomas, disp. XXXII, n. 35-37, peuvent diriger la discussion : Le premier, c’est que le sacrifice de la messe est offert par le prêtre agissant au nom du Christ. D’où il suit immédiatement que devront être réputées non essentielles toutes les actions faites par le prêtre en son nom personnel ou au nom de l'Église. Le deuxième, c’est que la messe est célébrée selon le rite de Melchisédech, qui prit le pain et le vin comme matière de son sacrifice. Aussi faudra-t-il éliminer de l’essence de la messe toutes les actions accomplies sur une seule des deux espèces, par exemple sur le pain. Le troisième et le principal est que l’essence du sacrifice doit se trouver dans le rite qui confère à la célébration eucharistique d'être le mémorial et l’image de la passion. Aussi ne pourra-t-on pas placer l’essence du sacrifice eucharistique, même partiellement, en un rite qui, par l’institution même de Jésus-Christ, ne présente pas une vive image de l’oblation sanglante du Calvaire. Cf. Billot, op. cit., th. liv.

En vertu de ces trois principes, on éliminera facilement tous les rites sans exception qui se rencontrent entre la consécration et la communion, soit parce qu’ils n’ont pas été institués par le Christ, soit parce qu’ils ne sont pas accomplis au nom du Christ ; soit parce qu’ils ne concernent qu’une espèce sacramentelle et non l’autre, telle la fraction de l’hostie ; soit enfin parce qu’ils ne représentent pas la mort sanglante du Sauveur : tel le mélange des espèces. D’ailleurs, il faut considérer que tous ces rites, d’après le Missel romain, peuvent parfois être omis, sans pour cela qu’il manque rien de substantiel au sacrifice. M issale romanum. De defectibus in celebratione missarum occurenlibus, tit. m et iv.

b) Raisons particulières. — Les raisons générales nous font éliminer tout rite dont Jésus-Christ ne serait pas l’auteur. Or, déclare judicieusement Jean de Saint-Thomas, comment connaître l’institution du Christ, sinon par le fail de l’emploi qu’en a fait le Christ à la cène, fait attesté par la narration évangélique ? Dans cette exclusion se trouvent comprises la plupart des actions accomplies par le célébrant après la consécration : « l’oblation verbale, qui suit immédia-