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1249 MESSE, DONNÉES THEOLOGIQUES : VALEl II DE LA CONSÉCRATION L250

oratoires, vi oerborum. Salmanticenses, loc. cit., n. 26 ; Gonet, loc. cit., n. 17.

d. — A ces trois arguments principaux, il faut en ajouter un quatrième tiré de la notion de sacrifice, et

qui se diversifie selon les teridanc.es des ailleurs. Nous avons constaté que beaucoup de théologiens considèrent la notion d’immutatinu effective comme essentielle au concept du sacrifice. De cette notion, ils

déduisent que la consécration du pain et du vin est i telle au sacrifice eucharistique. Ainsi Gonet, loc. cit., n. 46, déclare que cette action appartient à l’essence du sacrifice, qui cause l’immutation de la chose offerte. Cette majeure, dit-il. est certaine, et patet ex defmitione særificii. Or, l’action consécratoire qui sépare virtuellement le corps du sang à la messe, vi verborum, est, de soi, destructive du Christ ; elle réalise dans le Christ une véritable immolation mystérieuse : donc… De I.ugo, toc. cit., n. 67, reprend le même argument, mais en l’appliquant à la théorie du status declioior. La consécration appartient à l’essence du sacrifice parce que, « sans détruire substantiellement le Christ, elle lui confère un état d’amoindrissement tel. que le corps et le sang du Sauveur sont pour ainsi dire dépouillés de toute fonction humaine, et rendus aptes a d’autres usages, transformés qu’ils sont en nourriture et breuvage. <.Même raisonnement chez Rellarmin, 1. Y. c. xxvii, lequel trouve insuffisante l’explication de l’immolation virtuelle.

Ainsi présenté, cet argument mériterait davantage l'épithète d’argument de tendance plutôt que de raison théologique ; il cadre, en effet, avec certaines opinions mais non avec la doctrine générale que tous sont obligés de recevoir. Il serait possible cependant de lui donner une valeur réelle et universelle, si, au lieu de parler de destruction, d’immutation, d’amoindrissement, on se contentait simplement d'établir que, par la consécration, et par la consécration principalement, Jésus-Christ est placé sur l’autel en l'état de vietime. Et par là, nous retrouvons, concrétisé sur la victime eucharistique, l’argument plus général tiré du caractère représentatif et eommémoratif de la messe par rapport à l’immolation du Calvaire.

2. Synthèse des arguments : Jésus, victime et prêtre principal à la messe, s’ofjre lui-même à Dieu dans la consécration. — Si l’on considère attentivement ces divers arguments, on verra qu’ils peuvent être fusionnés en une considération supérieure qui les domine tous et les commande : Jésus, prêtre et victime à l’autel comme sur la croix. Les défenseurs du système sacriflce-oblation, mieux que d’autres peut-être, ont mis en relief cette vérité traditionnelle, que le concile de Trente a consacrée : « Parce que le même Jésus-Christ, qui s’est offert une fois lui-même sur l’autel de la croix avec effusion de sang, est contenu et immolé sans effusion de sang dans le sacrifice divin qui s’accomplit à la messe, le saint concile dit et déclare que ce sacrifice est essentiellement propitiatoire… puique c’est la même et l’unique hostie, et que c’est le même qui s’est offert autrefois sur la croix, qui s’offre encore à présent par le ministère des prêtres, avec différence seulement dans la manière d’offrir. » Ainsi, la messe est décrite comme étant, avant tout et essentiellement, l’oblation faite de lui-même par Jésus-Christ luimême, comme autrefois au Calvaire, avec cette double différence que le sacrifice eucharistique se fait d’une manière non sanglante, et qu’il suppose le ministère de prêtres députés par le Christ. Nos grands théologiens, partisans de l’immolation et de l’immutation dans le sacrifice, n’ont pas manqué, eux aussi, de mettre en relief cette part prépondérante prise par le Christ dans l’oblation du sacrifice de l’autel.

Suarez, par exemple, commence sa dis]). LXXY, De essentia særificii eucharistici, par cette première

DICT. DE THÉOL. CATH.

question : Vtrum totus Christus sit rrs oblata in misse sacrificio ? En affirmant que le Christ es ! bien l’objet premier et principal de l’oblation dans le sacrifice eucharistique, il déclare cette conclusion certaine et

admise par tous les théologiens catholiques. Mais, victime à l’autel comme au Calvaire, le Christ y est aussi et avant tout prêtre et offrant principal. Disp. LXXYII.sect. i. Cette thèse de l’oblation eucharistique faite par le Christ lui-même à la messe est une thèse catholique, que nous retrouvons chez tous les grands auteurs. Ainsi, les Salmanticenses : « Que Notre-Seigneur Jésus-Christ soit le prêtre principal, Offrant à Dieu le sacrifice de la messe, c’est là une doctrine enseignée par l’unanimité des théologiens et à juste litre, car elle est ouvertement proposée par les Pères et par les conciles (l’auteur cite Trente, sess. xxii, c. 1. Denz.-Bannw., n. 938 ; le IVe concile du Latran, can. Firmiter, id., n. 430), et par saint Thomas, Sum. theol. III a, q. i.xxxiii, a. 1. ad 3um. Même assertion chez Vasquez, disp. CCXXV, c. i ; De Lugo, disp. XIX, sect. vii, n. 91 ; Gonet, disp. XI, a. 3. n. 68 ; Billuart, dissert, viii, a. 2 : et, pour passer aux auteurs plus récents et contemporains, Franzelin ; De sacrificio, th. xvi, S 3 ; Billot, De sacramentis, t. i, De sacrificio missæ, $ 3 : de la Taille, Mysterium fidei, el. xxin, p. 295 ; Lepin, L’idée du sacrifice de la messe, p. 714 et 749. Ce principe de l’oblation faite à l’autel par le Christ prêtre principal une fois posé, extrêmement simple devient l’argumentation, qui démontre que la consécration appartient à l’essence du sacrifice eucharistique. Voici comment Suarez la formule : « Le principal offrant en ce sacrifice est le Christ ; donc, cette action appartiendra principalement à l’essence du sacrifice qui sera accomplie au nom du Christ. Or, cette action est la consécration. Le premier antécédent sera longuement prouvé ailleurs. La première conséquence paraît par elle-même évidente, car le Christ ne peut être principal offrant qu’autant que l’action sacrificielle est accomplie en son nom et par quelqu’un qui représente sa personne même. Le second antécédent, outre qu’il représente l’enseignement commun, est suffisamment démontré paries paroles mêmes de la consécration, qui sont proférées au nom même de Jésus-Christ par le prêtre se substituant à la personne du Sauveur… ; tous les autres rites peuvent être accomplis par le prêtre agissant en son nom propre ou au nom de l'Église… » Disp. LXXY, sect. iv, n. 4. L’argument serait plus complet et plus décisif encore si l’on y faisait entrer non seulement l’oblation active du prêtre, mais encore l’oblation passive de la victime. Il synthétiserait alors les arguments de raison théologique exposés tout à l’heure et on le pourrait formuler brièvement ainsi : Le rite par lequel JésusChrist, prêtre principal, exerce son sacerdoce par le ministère du prêtre visible, son délégué, en s’offrant comme victime à Dieu, est certainement le rite essentiel du sacrifice eucharistique, puisqu’il reproduit l’oblation du Calvaire. Or, ce rite est la consécration du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ. Donc, l’essence de la messe est dans la consécration.

L’argument, du moins en ce qui concerne l’oblation active du Christ prêtre principal, prend une force toute particulière chez Je plus grand nombre des théologiens scolastiques. Tandis, en effet, que quelques rares auteurs expliquent que le Christ est prêtre principal à la messe, uniquement parce qu’il a institué lui-même le sacrifice eucharistique et donne aux siens le pouvoir et l’ordre de l’offrir après lui, le plus grand nombre des théologiens entendent que le Christ, à l’autel, offre lui-même et personnellement le sacrifice. Parmi les partisans de la première interprétation, on doit citer, postérieurement, au concile de Trente, et marchant sur les traces de Scot, Vasquez, Gaspard

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