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MARONITE (ÉGLISE), LES PERSÉCUTIONS

qu’il destine aux œuvres, aux aumônes, à l’entretien des paroisses pauvres. Mgr Hoyek, fidèle à la ligne de conduite de ses devanciers, surveille avec soin le dépôt confié à sa garde et sait le faire fructifier.

Il ne se préoccupe pas moins du prestige de son siège. Les nombreuses manifestations populaires organisées en son honneur, l’hommage rendu à sa personne par le monde civil et religieux, les marques d’estime dont il fut l’objet, en 1905 et en 1919, à Rome et à Paris, les distinctions les plus flatteuses, telles qu’aucun patriarche n’en avait obtenues jusque-là, comme le grand cordon de la Légion d’honneur, témoignent de l’éclat qu’il a su donner à la dignité patriarcale. Même dans cette partie de son programme de gouvernement, Mgr Hoyek s’inspire toujours d’une idée de piété : il considère les biens d’église comme les choses de Dieu, le prestige du patriarcat comme l’expression de la gloire du Christ. Cette idée dirige d’ailleurs tous ses actes vers l’œuvre capitale, le maintien de son peuple dans la foi et sa défense contre les dangers de la vie moderne. Mgr Hoyek a souvent exposé ses principes de direction pastorale, surtout dans ses mandements. Non content de donner la pure doctrine évangélique, il y descend aux conseils pratiques, insistant sur les moyens les plus efficaces pour vivre conformément à l’enseignement divin ; il y insiste sur la dévotion au Sacré-Cœur et à la Mère de Dieu. Son zèle pour l’expansion du culte de Marie trouve son symbole dans l’institution d’un nouveau centre de pèlerinage à Harisa, en souvenir du cinquantenaire de la définition du dogme de l’Immaculée-Conception. Il en sera de même pour le culte du Sacré-Cœur. Après avoir solennellement consacré le peuple maronite au Cœur de Jésus, le 29 mai 1921, Mgr Hoyek a recueilli les fonds nécessaires pour lui élever un monument national sur une des cimes du Liban.

Un des moyens les plus propres à développer la vie chrétienne dans un peuple, c’est d’infuser dans les âmes des mères de famille une foi sincère et éclairée. Mgr Hoyek ne visait pas à autre chose quand il fondait, en 1895, la première congrégation féminine enseignante de rit oriental en Syrie : la congrégation maronite de la Sainte-Famille. A elle seule, cette fondation suffirait à illustrer son pontificat. Elle est appelée à rendre au pays les plus grands services. Nous verrons plus loin l’extension remarquable déjà prise par cette congrégation nouvelle. Le même souci du maintien de la foi pousse encore le patriarche à adapter l’éducation des clercs aux nécessités de l’heure présente, à favoriser les missions, l’instruction de la jeunesse et l’ouverture de nouveaux établissements scolaires. Nous avons dit, col. 109, comment il a travaillé pour la restauration du collège maronite de Rome. Le développement de ce collège n’a cessé, depuis, de tenir une grande place dans ses préoccupations. On devine sa joie lorsque Léon XIII en a augmenté les revenus au point de permettre de doubler le nombre des élèves. Bref Quam alte, 19 août 1900, dans Leonis XIII acta, t. xx, p. 244, 245. Pour mettre les fidèles en contact plus étroit avec leur pasteur, Mgr Hoyek a créé, en 1904, le vicariat patriarcal d’Egypte avec un évêque pour titulaire, et a obtenu du Saint-Siège la division de l’éparchie de Tyr et de Sidon. Bref Supremi, du 26 janvier 1906, dans Pii X acta, t. iii, p. 15-17.

Mgr Hoyek ne se contente pas d’enseigner ; il prêche d’exemple. L’auréole de sa sainteté frappe les incrédules eux-mêmes. Et que dire de sa charité ? Elle a trouvé des occasions de s’affirmer, notamment aux heures douloureuses qu’a vécues le Liban pendant la guerre de 1914-1918. Ceux qui se trouvaient alors dans ce pays se rappellent les libéralités qu’elle répandit, les détresses qu’elle soulagea, les plaies qu’elle adoucit, les larmes qu’elle essuya. Nombreuses sont les familles qui lui doivent de survivre à cette épouvantable tempête.

De tels actes ont encore rehaussé le prestige du patriarche maronite. Après la tourmente, les populations du Liban, chrétiennes ou non, se tournèrent vers lui pour la défense de leur cause. Il n’hésita pas à répondre à leur appel ; et, malgré ses soixante-seize ans, il s’imposa, en 1919, les fatigues d’un long voyage à Paris, pour demander à la Conférence de la paix, avec le mandat de la France, la reconnaissance de l’autonomie et des frontières géographiques du grand Liban. Voir le mémoire présenté par lui à la Conférence de la paix sous le titre : Les revendications du Liban, Paris, 1919.

Mgr Hoyek continue de présider aux destinées de l’Église maronite, entouré du respect et de la vénération non seulement de ses fidèles, mais de tous ses compatriotes.

2. Les persécutions.

La période ottomane vit s’accomplir, sous forme pacifique, la reprise de l’œuvre des croisés ; elle vit se rétablir le patronage traditionnel de la France sur les catholiques d’Orient. « La première (capitulation), signée par François Ier en 1536, avait jeté les bases du protectorat économique, politique, religieux de la France, tel qu’il se développera, à la suite de laborieuses négociations diplomatiques, au cours des trois siècles suivants. » Lammens, La Syrie, t. ii, p. 83. C’est aux missionnaires et aux négociants que revient l’honneur d’avoir préparé le nouvel état de choses. « Au commencement du xviie siècle, l’influence française s’établit donc solidement au Liban sur une double base, religieuse et commerciale. D’une part, la protection du culte catholique et les secours accordés à ce titre aux populations maronites molestées par les Turcs, de l’autre, le développement de nos relations commerciales avec le Levant, le trafic des soies du Liban en particulier, furent l’origine de nos fréquents rapports avec cette région, puis la cause de la rapide expansion de notre influence. Aux consuls et aux missionnaires incombait la tâche de collaborer à l’œuvre que Louis XIV s’était fixée comme but de sa politique orientale : développer le commerce français et protéger la religion catholique. Animés d’un profond esprit patriotique, ils concertèrent leurs efforts pour la remplir. Nulle part peut-être mieux qu’au Liban, il n’est possible de suivre cette double action menée parallèlement. Rapports des consuls, relations des missionnaires, récits des commerçants et des voyageurs, travaux des savants, contribuèrent à faire connaître en France les maronites. On s’y intéressa à ce petit peuple qui, dans son infortune, plaçait tout son espoir en nous. Tant de malheur et de confiance touchèrent le cœur des Français. La cour s’émut de la détresse des Libanais en même temps qu’elle se montra sensible à leurs témoignages d’attachement. S’efforcer d’améliorer le sort des catholiques d’Orient en intervenant en leur faveur fut toujours une tradition de nos rois. A vrai dire, rien dans les Capitulations ne leur conférait un tel droit. Elles se bornaient à accorder à la France la protection des Lieux saints et des religieux étrangers. Mais, depuis longtemps, par une extension du droit de protectorat, celui-ci s’était également exercé au bénéfice des catholiques indigènes eux-mêmes. Sans jamais le reconnaître formellement, la Porte l’avait admis en fait. C’était pour nos représentants dans le Levant une question de tact, de mesure et de circonstance. A condition de ne pas être invoqué abusivement, le patronage de la France sur les catholiques orientaux était peu à peu passé dans les usages… Les maronites avaient tout particulièrement besoin de cette assistance à laquelle ils firent main