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1241 MESSE, LE S ACRIFICE-OBLATION : THÉORIES CONTEMPORAINES 1242

695 ; M. Lepin, L’idée du sacrifice, Paris, 1926, p. 670672, 698 sq.

d) Le sacrifice de la messe. - — Deux éléments essentiels composent le sacrifice unique offert par le Christ : l’immolation de la victime sur la croix ; l’oblation de cette même victime à la cène. Or, ce n’est pas sur la croix que Jésus a dit : Hoc facile in meam commemoralionem, mais à la cène. Ce que la messe renouvelle, ce n’est donc pas l’immolation sanglante de la victime sur la croix, mais Voblation rituelle de la victime, telle que le Christ la fit à la cène. Or, la victime, actuellement, est glorifiée dans le ciel où elle est constamment en présence du Père, prolongeant virtuellement l’oblation du sacrifice du Calvaire. C’est donc cette victime-là, telle qu’elle est présentement dans le ciel, que l’oblation de la messe doit atteindre. El. xxi. passim, mais surtout p. 271, 273, 280, 285. Dans une controverse avec le P. d’Alès, Le sacrifice céleste et l’ange du sacrifice, dans Recherches de science religieuse, 1923, p. 218-242, le P. de la Taille accentue ce point de vue particulier : « Quiconque, dit-il, parle d’offrir dans la messe la mort du Christ (à quoi nous invite d’ailleurs toute la tradition) fera bien de ne pas négliger, ni laisser dans l’ombre et, pour ainsi dire, sans emploi, cet autre élément, cet élément complémentaire, que la tradition nous offre aussi…, le terme final et glorieux dans lequel seul survit, immortalisée et sublimisée, la qualité d’offrande et de don sacré, jadis revêtue par le Christ, et portée par lui au travers de sa passion jusque sur la pierre du tombeau, pour y recevoir d’en haut le sceau et le paraphe de la ratification divine. C’est à cette condition seule que nous intégrons dans notre rite liturgique l’essence d’un véritable et actuel sacrifice : c’est à savoir, sous forme d’immolation mystique, l’oblation d’une victime véritablement telle, l’éternelle victime de l’unique sacrifice offert par notre Rédempteur. Nous offrons la mort du Christ, et nous l’offrons réellement, en ce sens que ce que nous offrons est le théotype éternel de cette mort par laquelle Jésus-Christ se dévoua à Dieu. Si nous offrons sur terre un sacrifice, c’est parce qu’il y a un sacrifice céleste, le sacrifice que Jésus-Christ porta au sommet des cieux en ressuscitant de la croix. Il y est et il y reste : le même qui pendit pour notre salut après avoir été dédié dans le rite du pain et de la coupe, qui continue de le dédier jusqu’au dernier des jours. » Art. cit., p. 235-236.

La conséquence immédiate de cette conception, c’est que, dans la messe pas plus qu’au ciel, Jésus-Christ ne réitère son oblation. Le Christ n’a jamais fait qu’une seule oblation rituelle, celle de la cène ; au ciel, il ne fait pas de nouvelle offrande ; il est en état d’offrande acceptée ; à la messe donc, il ne réitère pas davantage son oblation. Il demeure, à l’autel comme au ciel, « sacrifice passif ». L’oblation active, nouvelle, chaque fois réitérée, dont la messe tient sa qualité de sacrifice propre et véritable, cette oblation est faite uniquement par l’Église, par le prêtre, son chargé d’affaires. Le P. de la Taille développe cette idée, assez nouvelle en théologie, dans Tel. xxiii : De habitudine missæ ad oblationem dominicam. Il se demande comment expliquer la raison sacrificielle de chaque messe. Chaque messe suppose une action sacrificielle qui lui est propre et lui confère la qualité de sacrifice. Cette action sacrificielle, nouvelle pour chaque messe, est-elle l’action du Christ intervenant chaque fois d’une manière particulière ? Déjà les Salmanticenses, disp. XIII, dub. iii, n. 49-50, avaient agité la question : Ulrum Christus in singulis quæ offerimus sacrifiais sit immédiate offerens peculiari aclu elicito ? Et la réponse la plus probable, de beaucoup la plus vraie comme la plus commune, paraissait à ces théologiens devoir être affirmative : Sicut Chris tas seciindum humanilatem concurrit instrumentaliter ml mânes et singulas conversion.es, sive transsubstantiationes, qmv in Ecclesia fiant, ila etiam cogitât de omnibus et singulis sacrifiais, et ea uult, el Deo offert ; alijæ ideo est immediatus offerens in ratione prsecipua sacerdotis, oblatione formali, aetuali et elicita. Cf. Suarez, disp. LXXYlll, sect. t, n. 6. (’.die réponse, déclare le P. de la Taille, s’impose à ceux des théologiens qui considèrent comme nécessaire que le Christ revête à l’autel une condition nouvelle de victime..Mais, si nous concevons qu’un nouveau sacrifice est offert à la messe, parce qu’à l’égard de l’éternelle victime nous avons des offrants nouveaux, prenant part à l’oblation sacerdotale autrefois accomplie par le Christ, il faudra dire que le Christ ofîre présentement le sacrifice, dans la mesure où mon oblation à moi prêtre procède virtuellement de lui. Elle en procède, en vérité, en tant que son oblation, immuable pour l’éternité, domine toutes les nôtres en se les incorporant, et leur communique la force de produire devant Dieu le corps et le sang du Christ comme notre propre hostie. Le Christ ne fait qu’un avec l’Église, dont il est la tête. Or, cette tête communique à son corps la vertu qu’elle a manifestée, lorsque, dans la cène, le Christ s’est livré à Dieu jusqu’à la mort pour la vie du monde. C’est pourquoi nous offrons le corps du Christ mort et remonté dans la gloire de Dieu. Donc, notre pouvoir sacerdotal a pour cause le pouvoir sacerdotal principal du Christ…, et notre action sacerdotale dépend également de l’exercice du pouvoir sacerdotal du Christ, exercice qui s’est produit une fois. L’oblation du Christ est cause principale et universelle en son ordre ; notre oblation est cause subordonnée et particulière. Le Christ offre par notre offrande, sans pour cela faire en sa propre personne une nouvelle ofïrande. Toute la nouveauté du sacrifice de la messe est du côté de l’Église, bien que toute la vertu de l’offrir vienne du Christ ». El. xxiii, p. 295290 ; cf. p. 299. Le Christ n’a donc jamais fait qu’une seule oblation, celle de la cène ; au ciel il ne fait pas de nouvelle offrande, il est en état d’offrande acceptée. A nos messes, il ne réitère pas son oblation du cénacle : c’est nous qui réitérons nos" oblations faites comme des répétitions de la sienne, qui est unique, mais que nous faisons nôtre par des actes multipliés, mais accomplis en vertu du pouvoir ministériel communiqué par le Christ lui-même à ses prêtres.

Il reste à déterminer la raison formelle du sacrifice eucharistique en fonction de ces principes. L’auteur s’en explique au début de Tel. xxiv : « Le sacrifice de la messe ne consiste donc pas dans le simple mémorial du sacrifice du Christ, et cependant, en dehors de ce mémorial, la messe n’introduit pas dans le Christ un changement réel qui de non victime le rende victime. Mais le mémorial du sacrifice du Christ devient à la messe un véritable sacrifice pour deux raisons : d’abord dans le sacrement, qui est l’image et la commémoraison de la passion, est contenu le Christ lui-même, demeuré depuis sa passion en état de victime, état consommé par la gloire ; ensuite l’immolation sacramentelle, par nous renouvelée, renferme et accomplit une véritable oblation, faite par nous, de la victime qu’elle symbolise. Or, est véritablement sacrifice l’oblation véritable et sensible d’une victime vraiment immolée. Donc, notre messe est un sacrifice véritable, bien qu’aucune immolation réelle, c’est-à-dire sanglante, ne s’y rencontre, sinon celle dont les Juifs déicides ont été les auteurs, et dont le Christ, s’oflrant en holocauste, fut le sujet. Dans la victime de notre sacrifice aucun changement n’est introduit par nous, si ce n’est un changement tout extrinsèque, consistant en ce que, grâce au signe