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1233 MESSE, LE SACRIFICE-OBL ATION : THÉORIES CONTEMPORAINES 1234

il n’y a cependant pas d’immutation réelle du Christ.

Cette Immutation réelle n’existe qu’au Calvaire, et c’est donc l’immolation sanglante de la croix qui scia la raison formelle du sacrifice de la messe. Cet argument, déclare Mgr Paquet, détruit toutes les opinions dos théologiens modernes (depuis le concile de Trente), selon lesquelles la raison formelle du sacrifice eucharistique serait, non pas l’immolation sanglante de la croix, mais une nouvelle immolation, ou toute autre forme du sacrifice. Et cependant, à la messe, l’immolation mystique par la consécration séparée du corps et du sang est nécessaire, pour spécifier l’oblation sacrificielle : « L’essence du sacrifice ne requiert pas que l’oblation et l’immolation de la victime coexistent physiquement ; il suffît entre elles d’une union morale. Or, dans l’eucharistie, cette union morale existe certainement . car elle résulte et de l’intention de l’offrant, et de l’unité de victime, et de la représentation sensible, par laquelle, sous les espèces séparées du pain et du viii, l’ell’usion du sang et sa séparation d’avec le corps est commémorée. D’où il apparaît que cette représentation de l’immolation du Christ, cette destruction mystique, bien que ne constituant pas la raison formelle du sacrifice, est cependant la condition nécessaire par laquelle la victime sacrée, en tant qu’immolée sur la croix, est rendue rituellement présente sous une apparence visible. » Disput. theologicse…, De sacramentis, disp. VIII, q. viii, a. 4, Québec, 1922, p. 408. Ainsi donc, il n’y a pas de différence spécifique entre le sacrifice du Calvaire et celui de l’autel, mais une simple répétition numérique de la même oblation. Id., ibid. Et par là, on doit dire que « la raison propre du sacrifice de la messe est, simpliciter et spécifiée, la même que celle du sacrifice de la croix ; secundum quid ou quoad modum, elle consiste dans la mactation mystique. » Id., ibid., p. 404.

Le cardinal Lépicier s’inspire visiblement de Mgr Paquet dans son Tractatus de sanctissima eucharistia, part. II, De sacrosancto sacrificio eucharistico, Paris, s. d. (1917), a. 3-6. Il établit tout d’abord que le sacrifice eucharistique est substantiellement le même que le sacrifice de la croix, dont il ne diffère que par le mode d’obation : même prêtre offrant, même victime offerte, même oblation sacrificielle. A. 3. Puis, il démontre, a. 4, que « la raison essentielle du sacrifice eucharistique consiste dans la consécration de l’une et l’autre espèce ». Rien ne manque à la consécration à cet égard : elie est par excellence la représentation de la passion du Seigneur ; elle en contient au moins implicitement l’oblation ; enfin, elle implique la mutation essentielle au sacrifice. Cette mutation existe de plusieurs chefs : mutation dans le changement du pain et du vin au corps et au sang ; mutation dans le mode d’existence sacramentel qu’acquiert le Christ ; mutation surtout, en ce que, par la vertu des paroles, le corps et le sang sont placés et manifestés séparément l’un de l’autre, comme ils le furent en réalité à la croix. L’auteur conçoit cette immolation mystique à la façon de Lessius et de Gonet, dont il rapporte l’explication. Il admet donc pleinement la théorie do l’immolation virtuelle. P. 93-94. Aussi la double consécration lui semble-t-elle nécessaire’pour réaliser le sacrifie ! —, n. 11, p. 98. Dans l’article 5, l’auteur serre de plus près la question de la raison formelle du sacrifice eucharistique, et prend pour thème le début du c. n de la sess. xxii du concile de Trente : In divino hoc sacrificio quod in missa peragitur, itlrm ille Christus continclnr et incruente immolât ur, qui in uni crucis semel sripsum cruentr obtulit. Il estime que ni l’opi lion de Vasquez, ni celle de Suarez, ni celle de Lessius, ni celle de De Lugo, ni celle de Cienfuegos ne peuve il expliquer le sacrifice eucharistique, et il expose sa solution, n. 8, résumée dans la proposition suivante :

Ratio essentialis sacrifuii eucharistici eadem substanlialiter et spécifiée est ac ratio essentialis sacrificii crucis, sola existente différent ia quoad modum. < Le sacrement de l’autel est identique substantiellement au sacrifice de la croix, dont la raison formelle fut l’immolation faite une fois pour toutes au Calvaire. Donc, la raison formelle du sacrifice de l’autel consiste, non dans une immolation quelconque, mais dans cellelà même qui fut faite sur la croix. L’immolation mystique cependant, qui est réalisée à l’autel, parfait le sacrifice quant à sa signification, ce qui ne pourrait se soutenir, si elle n’était un signe ou un symbole affirmant l’immolation faite jadis sur la croix. Cette immolation mystique est réalisée par la consécration distincte du pain et du vin. Mais il ne faut pas placer la raison formelle du sacrifice dans l’immolation mystique, puisque, ainsi qu’on l’a affirmé, cette raison essentielle consiste en ce que, sur l’autel comme au Calvaire, nous avons même victime, même offrant, même oblation. Donc, la consécration de l’une et l’autre espèce doit être tenue, en vertu de l’institution du Christ, comme la condition requise, dans l’économie présente, pour qu’existe le sacrifice et sans laquelle il n’y a pas de sacrifice possible. Donc, l’immolation du Christ sur la croix demeure virtuellement dans le sacrifice de l’autel, de la même manière que la semence demeure dans la plante ; et de cette immolation de la croix, le sacrifice de la messe tire sa propre raison formelle. Et par là, la mort du Christ sur la croix, par suite de l’intention même qu’a eue le Christ, possède une véritable influence actuelle sur chacun des sacrifices eucharistiques qui se célèbrent au cours des âges : ainsi, la vertu sanctificatrice que le Christ a donnée à l’eau, une fois pour toutes, dans la collation du baptême, influe virtuellement sur l’eau, chaque fois que le rite sacramentel est accompli. » P. 112-113.

De cette explication assez nouvelle, il ressort que la messe est essentiellement, constituée par l’offrande de l’immolation passée du Christ, et que cette offrande est rendue possible par le fait de l’immolation virtuelle du corps et du sang eucharistique.

9° Très voisines sont, les idées exposées, souvent avec feu et poésie, par Mgr Mac-Donald, ancien évêque de Victoria, dans The sacrifice of the New Law, publié par The ecclesiastical Rewiew, décembre 1905, et surtout dans The sacrifice of the Mass, in the light of Scriplure and Tradition, Londres et Saint-Louis, 1924 (Préface de Mgr Lépicier). L’immolation ou la destruction de la chose offerte paraît à Mgr Mac-Donald un élément essentiel du sacrifice ; mais l’élément formel doit être placé dans l’oblation. Et, puisque le sacrifice est un acte de culte public, l’oblation devra être liturgique ou rituelle. Le sacrifice, en conséquence, doit se définir : « L’offrande à Dieu par un prêtre d’une victime immolée. » The sacrifice of the Mass, p. 11. Ainsi, dans le sacrifice de la croix, l’immolation du Christ est l’élément matériel ; l’élément formel, l’oblation liturgique ou rituelle qui donne à l’immolation d’être un sacrifice ne se rencontre qu’à la cène. De telle sorte que c’est l’oblation liturgique de la cène qui fait de l’immolation du Calvaire un sacrifice véritable. P. 93.

La messe étant un seul et même sacrifice avec la cène et la croix, il faut y trouver une seule et même action sacrificielle. Dans la messe, on trouve la même immolation qu’a la croix. C’est, en clïel. l’immolation du Calvaire qui y est offerte ; et l’on trouve également la même oblation qu’a la cèm ! icration re nui

vêlant l’offrande du cénacle : i La messe, aux yeux de l’Église qui l’offre, n’est pas un nouveau sacrifice, un sacrifice autre que celui du Calvaire, m lis c’est l’offrande renouvelée (the offering again i du même sacrifice une fois offert sur la croix, d P. 80. Donc, la messe « est un sacrifice en vertu de l’offrande liturgique