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1231 MESSE, LE S ACRIFICE-OBL ATION : THÉORIES CONTEMPORAINES 1232

de la messe, et c’est à savoir : 1° qu’il n’est pas simplement une prière (en d’autres termes un sacrificium laudis ou une gratiarum actio) ; ni 2° une pure commémoraison du sacrifice consommé sur la croix, mais 3° vraiment et proprement un sacrifice offert à Dieu. Ces trois principes posés, les théologiens ont eu libre carrière pour déterminer de leur mieux, et en n’engageant qu’eux seuls, l’essence de ce verum et proprium sacrificium qu’est le sacrifice de la messe ; on sait que leurs opinions sont nombreuses à souhait. Elles vont à donner une définition du sacrifice en général et à la vérifier dans le sacrifice de la croix d’une part, dans le sacrifice de la messe d’autre part, mais elles négligent de la vérifier dans le sacrifice qu’est aussi et d’abord la cène. Il n’est pas possible cependant que ces discussions n’aient pas serré de près la solution que’la liturgie suggère. » « Le sacrifice de la messe est appelé par les théologiens un sacrifice relatif, en tant qu’il se réfère au sacrifice de la croix ; mais il n’est pas le seul, puisque la cène célébrée par le Sauveur est déjà un sacrifice relatif, en ce sens que la cène anticipa le sacrifice de la croix comme la messe le commémore, unum sacrificium cujus nunc memoriam celebramus (S. Augustin, Contra Faust, minich., t. VI, c. v). Ne disons pas que la présence réelle du corps et du sang sur l’autel suffit à représenter, commémorer, reproduire le sacrifice de la croix, comme si la présence réelle était une oblation. La théorie classique (et l’auteur cite en note, comme représentant de cette théorie, Gh. Pesch, voir plus loin, col. 1235), qui voit dans la consécration une sorte d’immolation, du fait de la distinction des espèces sensibles sous lesquelles le Christ est présent, et présenté tanquam occisus, a le tort de ne pas impliquer assez nettement dans la consécration une oblation formelle, l’offrande que, par le ministère du prêtre, le Christ fait à Dieu de son corps immolé et de son sang versé. La consécration fait le sacrement, mais le sacrement n’est pas par lui-même le sacrifice : or toute l’essence du sacrifice est dans l’offrande. La liturgie met l’accent sur cet acte sacerdotal, quand elle enferme dans le mot offerre l’essence du sacrifice de la messe : offrir à Dieu le corps et le sang du Sauveur crucifié, le corps et le sang présents dans le sacrement de l’autel, l’offrir comme le Christ à la dernière cène a offert et institué que nous offririons, l’offrir sur son ordre et avec l’assurance que, quand nous prononçons les paroles sacramentelles, le Christ par nos lèvres s’offre à nouveau à son Père. » Op. cit., p. 187-189.

6° De la manière dont il expose le dogme du sacrifice de la croix dans son ouvrage Le dogme de la rédemption, Étude théologique, Paris, 1914, il était facile de déduire que M. J. Rivière adopterait, sur la question du sacrifice de la messe, la thèse de l’oblation. Cet auteur nous a donné d’ailleurs sur ce sujet, à l’occasion d’une recension du livre de M. Lamiroy, un excellent article : Un nouveau système sur l’essence du sacrifice de la messe, dans la Revue des sciences religieuses, janvier-mars 1921, p. 69 sq., article où il trace de la thèse du sacrifice-oblation une esquisse aussi forte que cohérente. Il se rallie nettement à « la doctrine de ces grands théologiens mystiques français, vers laquelle un nombre toujours croissant de théologiens modernes revient avec une visible sympathie. » Il en rappelle les traits essentiels et en tente la synthèse qu’il estime leur manquer encore. Cette synthèse a comme point de départ l’idée même du sacrifice de la croix : « La valeur du sacrifice eucharistique est de même ordre et de même sens que celle du sacrifice de la croix. Or, n’est-ce pas l’évidence même que, dans l’oblation du Calvaire, l’effusion du sang et la mort qui en fut la suite n’étaient qu’un élément accessoire et » pour parler avec l’École, le matériel du sacrifice,

tandis que l’abnégation dévouée de la sainte victime en constituait l’élément principal et formel ? D’où une logique élémentaire conduit à dire que l’essentiel du sacrifice eucharistique doit consister dans le fait que le Christ, rendu présent par la consécration sur nos autels, y affirme et renouvelle devant Dieu les mêmes dispositions d’amoureuse obéissance. Quant à la séparation sacramentelle des espèces, elle ne saurait être autre chose qu’un rappel symbolique de la séparation réelle de son corps et de son sang. Ainsi, sous les dehors visibles du sacrement, se reproduit dans une invisible réalité l’oblation définitive du Fils de Dieu sur la croix, aussi infiniment glorieuse pour Dieu qu’indéfiniment bienfaisante pour nous. » Loc. cit., p. 88-89. De ces affirmations, nous retiendrons principalement deux points : celui qui a trait à la distinction d’un élément matériel et d’un élément formel dans le sacrifice ; et celui qui concerne le renouvellement par le Christ des dispositions d’amoureuse obéissance qu’il eut jadis au moment de mourir sur la croix. L’auteur signale ensuite, fort à propos, l’union de l’Église au Christ dans l’oblation du sacrifice, d’où « l’on pourrait conclure, ajoute-t-il, qu’en dernière analyse, l’essence du sacrifice eucharistique est l’acte par lequel l’Église s’approprie pour les offrir à Dieu, sous les signes sacramentels qu’elle tient de son divin fondateur, les dispositions permanentes en vertu desquelles le Christ ne cesse de prolonger devant son Père le sacrifice unique de la croix ». P. 91. Cf. Dictionnaire pratique des connaissances religieuses, art. Messe, t. iv, col. 917918. — M. Rivière estime ces données assez certaines pour ne point demeurer le patrimoine d’une école ; il lui semble qu’elles expriment « plutôt des données essentielles qui s’imposent à tous les systèmes et le critère qui en mesure la valeur. »

7° La distinction des éléments formel et matériel du sacrifice se retrouve à la base du commentaire donné par le P. Bover, S. J., sur Hebr., vii, 23-25 ; viii, 1-3 ; ix, 21-24, dans Verbum Domini, juin 1921, p. 162 sq. : De oblatione Christi cselesti secundum Epislulam ad Hebrxos. Le Christ a un sacerdoce éternel ; il a donc nécessairement quelque chose à offrir éternellement à Dieu." Cette hostie ne peut être que lui-même, et puisque « sur la croix l’immolation de cette hostie a été consommée et son oblation achevée’, il ne reste donc plus au Christ dans le ciel qu’à continuer moralement à jamais son oblation de la croix ». P. 163. Vérité clairement affirmée dans le c. ix, où le Christ est montré pénétrant dans le ciel même, pour s’y présenter maintenant devant Dieu en notre faveur. L’auteur marque ensuite le rapport étroit entre cette oblation céleste du Christ et le sacrifice de la messe. Et il en met en relief deux aspects principaux : 1° A la messe, le Christ est le prêtre principal ; 2° la messe reproduit, ou pour ainsi dire, s’incorpore l’oblation céleste du Christ. A vrai dire, cette double affirmation ne fait qu’effleurer le problème qui nous occupe ; mais elle semble bien montrer que, d’après le P. Bover, l’essence du sacrifice de la messe est dans l’oblation même du Christ, que le Christ lui-même, comme prêtre principal, continue à l’autel.

8° On trouve chez Mgr Paquet et le cardinal I.épicier j une position théologique, au premier abord assez déconcertante, mais dont l’analyse montre que ces i deux auteurs tentent une conciliation entre la doctrine de l’immolation mystique, même virtuelle, et la doctrine de l’oblation.

Cette conciliation n’est qu’ébauchée par le recteur de l’université Laval. Sa définition du.sacrifice est celle de Bellarmin : il admet que l’enseignement commun de tous les théologiens exige que « la raison formelle du sacrifice soit un acte destructif ou immutatii 1 de la victime ». Mais, à la messe, s’il y a vrai sacrifice,