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terre l’offrande de la même immolation du Calvaire. » Revue du Clergé français, t. xav, p. 466. Si l’on dit que le Christ est immolé sur l’autel (et saint Thomas n'éprouve aucun embarras à ce sujet », c’est (nie la messe, image de la croix, prend le nom de la chose représentée par l’image ; c’est que, par la messe, nous participons aux fruits de l’immolation sanglante du Christ ; et l’on fait prendre à l’effet le nom de la cause. La messe de la terre…, p. 30. Si le concile de Trente dit que le Christ est immolé au sacrifice de la messe, entendons que « les mots immolare. immolari deviennent synonymes d’offrir ou d'être offerts en sacrifice ». P. 32. Par cette thèse de l’oblation se comprend l’unité du sacrifice de Jésus-Christ : « La messe et le sacrifice du Calvaire sont le même sacrifice… Au Calvaire, Notre-Seigneur offre à Dieu le Père son humanité qui souffre. A l’autel, Notre-Seigneur offre à Dieu le Père son humanité qui a souffert. Même offrant, même offrande, que veut-on de plus pour que ce soit le même sacrifice ? Omnis vis sacrificii in eo est ut ofjeratur. Au Calvaire, Notre-Seigneur offre son obéissance allant jusqu'à la mort de la croix. A l’autel, Notre-Seigneur olîre cette même obéissance allant jusqu'à la même mort sur la même croix. Mais, au Calvaire, la mort était luture d’un futur immédiat, réalité acceptée ; à l’autel, cette mort est passée, elle est souvenir rappelé… La question sera simplifiée le jour où l’on reconnaîtra que l’acte des bourreaux, l’acte qui met la victime dans l'état de mort, l’acte destructeur, ne fait pas partie du sacrifice, puisqu’il n’est pas l’acte du prêtre sur l’autel de la croix. Cet acte écarté, il ne reste plus, pour constituer le sacrifice, que l’offrande. » Op. cit., p. 33-34.

Jusqu’ici nous retrouvons chez le P. Grivet l’idée fondamentale mise en relief par M. Lepin. Mais cet auteur ajoute une note caractéristique qui lui est personnelle : La messe, sacrifice du Calvaire, commence à l’autel après l'élévation. La transsubstantiation est la dernière préparation au sacrifice, et, « comme telle, en dehors de ce qui constitue l’essence du sacrifice ». Si la messe, en effet, n’est que la représentation de l’action sacrificale du Christ sur la croix, « la transsubstantiation est un sacrum faclum, oui sans doute, mais non une action du Calvaire ; » elle n’a donc pas, par elle-même, de quoi représenter l’action sacrificale du Christ sur la croix. « Par la consécration, le sacrement de l’eucharistie est constitué. Une fois constitué il est offert. Cette offrande, c’est la messe… La transsubstantiation n’est donc que la dernière préparation de ce qui sera essentiellement la messe. » P. 37-39. La messe commence à la prière : Unde et memores : « Au souvenir de la passion, nous rappelant la mort — comme un fait appartenant au passé — et aussi la résurrection et la glorieuse ascension dans le ciel, nous offrons l’hostie, le pain très saint de la vie éternelle et le calice de perpétuel salut. Voilà la messe. Voilà le commencement de la messe… Le rappel de la résurrection et de l’ascension dans le ciel… facilite l'élévation de la pensée vers celui qui, toujours vivant, s’est offert et s offre lui-même pour nous, dans une intercession qui ne cesse pas. L’offrande, l’hostie, c’est l’humanité de Notre-Seigneur dans son union a ses fidèles, les membres de son corps mystique. P. 39-40. La messe se continue par le Pater, et trouve son achèvement et sa perfection dans la communion. P. 42. L’essence de la messe, c’est donc « l’ascension de l'âme vers Dieu, en s’appuyant sur l’hostie : c’est la pleine soumission de notre cœur au Maître souverain par l’incorporation à l’hostie. » Id.

Ces principes nous conduisent naturellement à considérer le sacrifice céleste et ses rapports avec le sacrifice de l’autel. Que Jésus offre au ciel un sacrifice, c’est la doctrine de l'Épître aux Hébreux, développée par

les Pères de l'Église. Quel rapport unit donc la messe du ciel et celle de l’eucharistie ? Ces deux messes sont one messe. Pour toute l'Église, triomphante et militante, il n’y a qu’une messe à laquelle on assiste et de la terre et du ciel. Il ne faut pas dire : messe du ciel et messe de la terré ; mais plutôl : messe unique qui se prolonge éternellement au ciel et a laquelle participent différemment les voyageurs ici-bas et les arrivés en paradis… « Seule, à la fin du monde, subsistera sans fin la messe du ciel, qui « sera la communion du l'ère, recevant dans son sein et son Fils bien-aimé et avec lui le genre humain, le corps mystique du Christ, racheté, purifié, sanctifié par le sang du Calvaire et gardé par le prêtre-hostie dans la vie éternelle. » P. 5f-52.

Après avoir analysé l’opuscule du P. Grivet, M. Lepin, op. cit., p. 635, ajoute cette remarque : « La doctrine qui y est exprimée, dit-il, est incomplète. Le sacrifice du ciel est lié à la présence du Christ, et le Christ demeure présent dans le tabernacle : il s’en suivrait qu’il n’y a pas de distinction entre la présence eucharistique et le sacrifice de la messe. Pour avoir une explication plus satisfaisante, il est nécessaire de faire entrer en compte, en les coordonnant entre eux, les passages épars où l’auteur a soin de joindre à l’idée de présence celle de représentation sensible de la passion, et d’oblation propre faite par le Christ. » Sur la doctrine du P. Grivet, d’abord exposée dans un article de la Revue pratique d’apoloqétique, 1916, t. xxii, p. 733-748, voir quelques explications de l’auteur, insérées dans la brochure, même revue, 1916, t. xxiii, p. 310-312.

5° Mgr Batiffol, dans ses Leçons sur la messe, Paris, 4e édit., 1919, coordonne les mêmes idées en une synthèse impressionnante.

Après avoir rappelé que la dernière cène constitue le sacrifice même que le Christ voulait laisser à son Église, sacrifice qui représenterait le sacrifice sanglant qu’il allait offrir sur la croix, Mgr Batiffol continue ainsi : « L’oblation de la cène et l’oblation de la messe ont ceci de commun qu’elles sont l’oblation d’une victime immolée en un autre point de l’espace et du temps : à la cène, l’oblation est faite de la victime qui sera immolée sur la croix ; à la messe, l’oblation est faite de la victime qui a été immolée sur la croix. De plus, à la cène, le Christ fait lui-même l’oblation de son corps et de son sang, tandis que, à la messe, le prêtre offre vice Christi le corps et le sang immolés du Christ. » « Il n’est pas indifférent, ajoute l’auteur, que le pain et le viii, symboles sensibles du corps et du sang (réellement, mais invisiblement présents), symbolisent la passion du Christ dans laquelle le sang fui séparé du corps, et constituent ainsi ce que saint Thomas apppellera une imago quædam reprsesentativa passionis Christi (III », q. Lxxxin, a. 1). Si, en effet, le Sauveur a choisi ces symboles, c’est que le signe s’accordait à la chose signifiée. Mais ce qui importe ici, c’est l’intention que le Sauveur a eue d’offrir et de faire offrir, tout en représentant. Car par là, la messe n’est pas plus une commémoraison verbale ou figurée que la cène n'était une annonce verbale ou figurée : le Sauveur a fait à la cène une oblation réelle et véritable de son corps et de son sang, et il fait à la messe une oblation aussi réelle et véritable, encore que par les lèvres et les mains du prêtre, parce que dans la messe se perpétue sur son ordre sa volonté de s’ollrir. n Op. cit., vi : Les traits essentiels du saint sacrifice, p. l"'.i 180.

Cette doctrine, continue l’auteur, a l’avantage d'être la doctrine même de la liturgie… « Le concile de Trente, fidèle a sa méthode de laisser aux théologiens le soin de tirer au clair les questions d'écoles, n’a voulu définir que ce qui est de foi sur l’article du sacrifice