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1227 MESSE, LE SACRIFICE-OUL ATION : THÉORIES CONTEMPORAINES 1228

qu’il a réalisé ici-bas. Le Christ ressuscité n’est plus dans la condition de serviteur ; il ne peut plus souffrir ; il ne peut plus mériter. Mais il peut offrir ses souffrances passées et ses mérites acquis, qui demeurent à jamais efficaces. » P. 745. M. Lepin justifie son assertion par le fondement scripturairc et théologique du sacerdoce éternel du Christ. Voir Jésus-Christ, t. viii, col. 1338 sq. L’oblation du Christ céleste n’est, à proprement parler, ni rituelle, ni pragmatique. Néanmoins la permanence en sa chair sacrée des cicatrices de la passion donne à son oblation un certain caractère sensible qui permet de parler d’un sacrifice du Christ au ciel.

d) Parallèlement au sacrifice du ciel, l’oblation eucharistique constitue le sacrifice de la terre. -Par l’eucharistie, « le Sauveur se rend présent, tel qu’il est au ciel, donc, comme prêtre et victime, et dans l’acte perpétuel de son oblation. C’est le sacrifice du ciel, rendu présent sur notre autel : non pas d’une façon pure et simple, mais dans des conditions toutes spéciales. Le Christ s’offre présent, en ce moment du temps bien déterminé, en ce point de l’espace nettement circonscrit, pour cette portion de l’Église que constitue la génération qui vit actuellement, et plus particulièrement l’assistance qui est là. Ainsi, le sacrifice du ciel est adapté à nos conditions terrestres… Mais justement, parce qu’il s’agit d’un sacrifice adapté à nos besoins et fait nôtre, il est indispensable qu’il soit relié d’une manière propre au sacrifice central de la croix. C’est pourquoi le Christ ne se contente pas de se rendre présent et de s’offrir ; à quoi aurait pu suffire la consécration sous une seule espèce. Il se rend présent et s’offre, sous deux espèces distinctes, où apparaît un signe de son immolation rédemptrice… L’immolation rédemptrice est signifiée tout d’abord par la double consécration, considérée comme acte, non de transsubstantiation, mais d’immolation mystique. La consécration du sang, venant après celle du corps, semble tirer l’un de l’autre, et renouveler ainsi sensiblement l’immolation sanglante. Il serait vain de prétendre avec Cajétan et d’autres, que cet acte de mystique immolation constitue proprement l’acte sacrificiel. Le sacrifice de la messe ne consiste pas plus dans l’acte d’immolation figurative que le sacrifice de la croix dans l’acte d’immolation réelle. La raison formelle du sacrifice étant dans l’oblation, la véritable essence du sacrifice de la messe est dans l’offrande que le Christ fait de lui-même à ce moment de la double consécration, sous la pression des mêmes sentiments, des mêmes désirs, du même amour, qu’au cours de sa vie mortelle et particulièrement lors de sa mort effective. La représentation figurative de l’immolation sanglante n’est qu’une condition de la forme présente de son sacrifice… » P. 750-751.

é) L’oblation du Christ dans l’eucharistie est intimement liée à une intervention active de l’Église. Le Christ n’est rendu présent sur l’autel que par le prêtre. L’immolation mystique du corps et du sang est faite par le prêtre. Mais il ne suffit pas au Christ que l’Église, en le consacrant et l’immolant mystiquement, fournisse à son oblation personnelle les conditions dans lesquelles elle s’accomplit. Il veut encore être offert par elle ; il veut que l’Église s’offre elle-même avec lui… Et ainsi, le sacrifice de la messe peut se définir : « l’oblation que le Christ fait de lui-même et que l’Église fait du Christ sous les signes représentatifs de son immolation passée. » P. 754. Ainsi le sacrifice de l’Église complète le sacrifice du Christ.

3. Si l’on veut marquer en peu de mots l’unité réelle qui, sous les différences modales, relie le sacrifice de la croix, celui du Calvaire, et le sacrifice céleste, il faut en venir au concept d’oblation : « Le sacrifice consiste essentiellement dans l’oblation que le Christ

fait directement de lui-même. Mais cette oblation personnelle du Christ revêt divers modes, suivant les circonstances et les conditions dans lesquelles elle s’opère. A la croix, le Christ s’offre réellement immolé ; à la cène, sous les signes représentatifs de l’immolation future ; à la messe, sous les signes représentatifs de l’immolation passée ; au ciel, avec un certain rappel de cette même immolation en sa chair et en son sang. Ainsi l’unité d’oblation constitue ce fond commun qu’il faut certainement admettre dans ce qu’on appelle : sacrifice de la cène, sacrifice de la croix, sacrifice de la messe, et qui paraît s’étendre à l’ensemble de la vie terrestre du Christ et à sa vie au ciel. Sous cette unité foncière d’oblation se laissent reconnaître aisément les divers « modes d’oblation » dont parle le concile de Trente, et qui permettent de distinguer réellement, avec l’ensemble des théologiens : un sacrifice de rédemption et de mérite : l’oblation sanglante de la croix ; un sacrifice de prélude à la rédemption, et d’inauguration par rapport à l’eucharistie : l’oblation non sanglante de la cène ; un sacrifice d’application du mérite rédempteur : l’oblation non sanglante de la messe ; et l’on peut ajouter un sacrifice de pure glorification : l’oblation éternelle du Christ dans le Ciel. » (Communiqué personnel de l’auteur.)

4° La thèse du P. Grivet, S. J. — Dans sa brochure, La messe de la terre et la messe du ciel, Paris, 1917, le P. Grivet reprend, avec moins de coordination, la thèse du sacrifice-oblation. Rejetant le concept du sacrifice-destruction, l’auteur critique les opinions théologiques qui s’appuient sur le fondement commun d’un changement introduit dans l’hostie elle-même : Suarez et Scheeben, Lugo et Franzelin, Vasquez et Perrone, Lessius et Bossuet. A ce sujet, Grivet fait une observation assez juste, qui a échappé à beaucoup de théologiens : ces opinions qui impliquent la thèse de la reproduction ou de l’adduction du corps du Christ dans l’eucharistie, ne correspondent pas à l’explication théologique donnée par saint Thomas de la transsubstantiation. Aussi, saint Thomas semblet-il .avoir placé l’essence du sacrifice, non dans une mutation ou dans une destruction, mais dans l’oblation. Sum. theol., III a, q. lxxxv, a. 1-3 ; cf. I a -ll æ, q. en, a. 3. Sur cette idée fondamentale, le P. Grivet greffe son concept du sacrifice : « Est sacrifice tout acte du culte de Dieu, acte de la religion ou inspiré par elle » (p. 25) ; « Une offrande faite à Dieu pour reconnaître ses droits de Maître souverain » (p. 20) ; ou encore : « Une oblation dans un geste religieux. » P. 21.

Quoi qu’il en soit du concept du sacrifice, l’auteur en fait les applications suivantes. A la « messe du Calvaire », le sacrifice existe parce que le Christ s’y est donné avec une obéissance et un amour que n’a pu ébranler la perspective de la mort. Dans l’eucharistie, le sacrifice existe « puisqu’elle symbolise et tend à réaliser l’union dans la soumission parfaite de l’homme à Dieu », p. 25 ; « parce qu’elle représente la passion par laquelle le Christ s’est offert en hostie, .et c’est là l’essence du sacrifice de l’autel » ; « parce que dans les mains du prêtre, comme gage de sa soumission et de la soumission du genre humain dont il est la tête, Jésus offre à son Père son humanité qui a été immolée sur la croix ». P. 27. Ainsi donc, à la messe, Jésus offre un mémorial de son immolation passée ; mais actuellement, il n’y a pas d’immolation à la messe ; il n’y a qu’oblation. Toutefois, la messe n’est pas une commémoration pure et simple du Calvaire, « car le souvenir du Calvaire évoqué à l’autel en applique la vertu salutaire ». P. 27. C’est le rôle des espèces sacramentelles de rappeler à la messe la séparation du corps et du sang au Calvaire ; ou, plus exactement, « les espèces séparées du corps et du sang rendent sensible à la