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1225 MESSE, LE S ACRIFICE-OBL ATION : THÉORIES CONTEMPORAINES 1226

En considérant, non plus l’ensemble, mais ce qui constitue la nature intime de chacun de ces sacrifices, l’auteur y trouve essentiellement une offrande, la donation d’un présent agréable au Seigneur ». L’acte même de donation, il est vrai, est fait par une sorte de destruction, absolue ou moralement équivalente, de la matière offerte. « .Mais si nous regardons bien, dit-il, cette destruction n’est pas seulement pour marquer l’anéantissement de la créature devant Dieu son créateur, elle est aussi, et surtout… pour la représentation sensible de la donation du présent au Seigneur. Le présent est matériel : l’acte même de donation doit être matériel et symbolique. On détruit la matière du présent, afin de marquer, en quelque sorte, sa donation à Dieu, son passage en Dieu, comme nous détruisons un alimentrpour en jouir, en le faisant passer en nous, comme nous détruisons les grains de l’encens et les résolvons en fumée pour nous délecter de son parfum. Aussi bien, l’acte sacrificateur paraît être moins une destruction qu’une transformation. Il fait périr la matière du sacrifice à son premier état, mais pour la faire passer comme à un état supérieur. Il anéantit son être naturel, mais pour l’absorber, en quelque sorte, en l'Être même de Dieu. » L’auteur conclut : « En un mot, le caractère essentiel du sacrifice mosaïque ne semble pas être de représenter la disposition de l’homme prêt à donner sa vie au Créateur en reconnaissance de son souverain domaine et de sa rigoureuse justice. Il semble plutôt exprimer sensiblement la volonté qu’a le fidèle d'être lui-même une offrande agréable au Seigneur, et de s’unir d’une union intime avec lui. » Dès lors, « le sacrifice mosaïque, d’après son idée fondamentale, commune à toutes les espèces », est défini : « la donation officielle à Dieu, par un acte d’anéantissement symbolique, d’une matière propre à représenter l’homme et censée apte à charmer le coeur du Très-Haut. » Op. cit., p. 63-65.

Interprété d’après ces notions premières, le sacrifice du Verbe incarné se présente comme étant avant tout un acte de donation, inséparable de lui-même. « Au premier instant de son incarnation, en effet, et depuis lors sans interruption aucune jusque dans l'éternité même, la sainte humanité de Jésus-Christ est tout entière, dans son corps et dans son âme, un acte de religieux anéantissement devant la Majesté divine, et de donation d’un prix infini à son Père. » D’autre part, cet acte d’anéantissement et de donation parfaite se poursuit à travers diverses phases correspondantes aux parties trouvées dans le sacrifice figuratif : « C’est la consécration de la victime au premier jour de l’incarnation ; c’est son oblation, commencée dans le sein de sa mère, et rendue extérieure au temple ; c’est son immolation sur le Calvaire ; sa consommation au jour de la résurrection ; enfin la communion de Dieu et de l’homme, réalisée, d’une part au ciel, pour l'éternité entière, de l’autre parallèlement sur nos autels eucharistiques jusqu'à la fin des temps. » Ibid., p. 78-79.

Après avoir décrit le sacrifice du ciel par lequel « de l'âme du Christ s'élève incessamment vers son Père l’hommage infini de son adoration réparatrice », l’auteur passe au sacrifice de la messe. Celui-ci n’est qu>- le sacrifice même du ciel, amené sur l’autel par la production de Jésus-Christ sous les espèces eucharistiques, mais reproduit sous une forme particulière qui en fuit un sacrifice vraiment propre à l'Église militante. » P. 230. L’auteur la défi lit : « l’offrande que Jésus-Christ souverain prêtre, par le ministère extérieur du prêtre visible, y fait de son humanité sainte, anéantie sous les espèces, mais aussi revêtue des marques sensibles de sa passion et de sa mort : oblation extérieure et sensible, destinée à faire agréer de Dieu l’hommage spirituel de son adoration, de sa

réparation, de son action de grâces et de sa prière poulies hommes. » P. 22 1.

Après la consécration successive du pain et du viii, « où se trouve la reproduction mystique de l’immolation du Calvaire », le Sauveur « ne cesse de s’offrir sous les deux espèces séparées » qui continuent d’apparaître comme une marque réelle de sa mort. En conséquence, et tout en voyant dans la consécration, le moment principal du sacrifice, l’auteur croit pouvoir dire que le sacrifice « ne se borne pas à cet acte momentané, mais s'étend, comme un acte continué, jusqu'à la communion. » P. 226.

Enfin, il s’efforce de mettre en lumière l’union étroite de l'Église au sacrifice du Christ, et montre dans le sacrifice du corps mystique, soit ici-bas, soit dans le ciel, une extension et un achèvement du sacrifice unique du chef. Lepin, L’idée du sacrifice de la messe, p. 627-630.

2. Dans l’ouvrage paru en 1926, M. Lepin esquisse la synthèse de l’idée du sacrifice-oblation appliquée à la messe. On peut condenser cette synthèse en cinq points :

a) Il faut distinguer, après saint Augustin, entre « sacrifice personnel ou direct » et « sacrifice rituel ». Le sacrifice personnel est celui que l’homme doit de lui-même et de ses œuvres à son Créateur. Ce sacrifice ne saurait être un acte de destruction, qui attenterait à l'œuvre de Dieu, mais un acte de vie, donnant au Très-Haut la vraie gloire de son œuvre. Ce sera un acte à'oblation ou de donation, qui le fera entrer en communion intime avec son Dieu. Mais ce sacrifice d’oblation ne suffit pas ; il doit être marqué par une cérémonie rituelle extérieure ; nous aurons ainsi le sacrifice rituel, dont la victime est prise hors de l’homme, mais représente néanmoins l’homme, et dont l’oblation, sous le symbole d’un acte extérieur, signifie l’acte intérieur de religion par lequel l’homme s’offre lui-même. Il sera, lui aussi, essentiellement un acte significatif d’oblation ou de donation ; l’expiation n’y entrera que comme élément partiel ou secondaire.

b) En dehors de l’eucharistie, il ne saurait être question pour le Christ de sacrifice rituel. Sou sacrifice s’est particulièrement réalisé sur la croix ; il s’est offert lui-même personnellement et directement. Immolation, ce sacrifice ? Pas précisément. L’immolation de Jésus fut l'œuvre des soldats et des Juifs, œuvre d’impiété et d’irréligion. Le sacrifice de Jésus sur la croix, c’est bien plutôt l’offrande spontanée qu’il a faite de sa vie par obéissance au Père. L’idée de donation, d’oblation entre donc essentiellement dans la note caractéristique du sacrifice de la croix. Ce n’est pas seulement au moment de la passion et de la mort que Jésus s’est offert : son oblation a commencé, pour lui, avec la vie. Sa vie tout entière a été un sacrifice perpétuel, parce que toujours Jésus a offert son immolation future : « A la cène et à la messe, l’oblation s’accompagne d’un rite, parce que le Christ est rendu présent sous le voile d’un sacrement et qu’il s’agit d’un sacrifice sensible destiné à l'Église. Mais il n’y a aucune raison de chercher cet élément rituel dans le sacrifice direct du Sauveur. Il peut donc y avoir une oblation de son immolation sanglante, séparée de cette immolation elle-même et antérieure à elle, qui, sans revêtir la forme d’un rite extérieur, soit néanmoins réellement et proprement sacrificielle. » P. 742.

c) « Le motif pour lequel le sacrifice du Christ doit être étendu a l’ensemble de sa vie terrestre, c’est donc que, dès le premier instant, il n’a cessé de s’offrir, victime vouée à l’immolation sanglante… Or, la même raison semble-t-il, oblige a l'étendre à la partie de sa oie qui suit lu tombeau, c’est-à-dire à sa vie glorieuse et éternelle au ciel. Évidemment, il ne peut être question d’un sacrifice identique de tout point à celui