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1223 MESSE, LE SACRIFICE-OBLATION : THEORIES CONTEMPORAINES 122'.

Cf. Die Opferlchre des Hebràerbriefes und die kuth. Lettre vom h. Messopfer, Dillingen, 1855. Sur la concep tlon du sacrifice céleste d’après Thalhofer, voir Jésus-Christ, t. viii, col. 1339. « Dans cette triple phase de la croix, du ciel et de l’autel eucharistique, écrit M. Lepin exposant la thèse de Thalhofer, qu’estce qui fait l’unité essentielle du sacrifice ? Comme Veith, Thalhofer la place surtout dans la pérennité des sentiments qui animaient le Christ en sa première oflrande, et qui continuent de l’animer en son offrande actuelle. Dans le sacrifice du Christ, en effet, il distingue l’intérieur et l’extérieur. La forme intérieure est constituée par la disposition intime d’obéissance et d’absolue livraison qui remplissait ici-bas l'âme de Sauveur à l'égard de son Père. La forme extérieure est l’acte par lequel a été traduite cette disposition, savoir la mort sur la croix et l’effusion du sang. Or, dit-il, la disposition intérieure d’obéissance est inséparable de l'âme du Christ, et il continue de la traduire extérieurement sur l’autel par une représentation sensible de sa mort sanglante, c’est-à-dire la double consécration séparée de son corps et de son sang. » Cf. Lepin, op. cit., p. 576.

3. En France, le jsulpicien Bonal († 1904) rejette expressément les opinions de Vasquez, de Lessius et de De Lugo, pour adopter celles de Suarez (?), Bossuet, Thalhofer, etc. La critique des trois premières opinions est vive ; mais elle ne semble pas reposer sur un concept exact de la doctrine de l’immolation mystique. Bonal se rallie à la thèse du sacrifice-oblation : « Selon d’autres (théologiens), le Christ, au sacrifice de la messe, n’est pas constitué à nouveau prêtre et victime par une nouvelle immutation et immolation de lui-même ; mais, demeurant à jamais dans le ciel prêtre et victime d’une façon non sanglante, il est comme tel rendu présent sur l’autel, sous les espèces du pain et du viii, par la consécration, c’est-à-dire (par) l’action d’un prêtre ministre. Par là-même le sacrifice du Christ, offert d’une façon permanente dans le ciel, est accommodé aux conditions de l'Église militante, et lui devient propre… C’est cette opinion, si supérieure à toutes les autres par sa simplicité admirable et par sa sublimité doctrinale, que nous avons toujours défendue. » Inst. theol., t. iii, n. 18C. La messe est un sacrifice véritable, parce que le Christ, offrant son sacrifice dans le ciel d’une façon invisible pour nous, est rendu visible sur l’autel sous les signes de son immolation passée, signes marqués dans la consécration séparée du corps et du sang, et qui rappellent à la fois le sacrifice intérieur du Christ, toujours existant, et son sacrifice extérieur autrefois accompli sur la croix. Ibid., n. 188.

Mgr Bouvier († 1854) se rallie personnellement à la thèse de Vasquez, Institutiones theologicæ, Paris, 1868, t. iii, p. 167-168. Néanmoins, il accueille favorablement l’opinion du P. de Condren, qui « se recommande par l’ampleur et la sublimité de l’exposé », mais surtout « convient merveilleusement à résoudre les difficultés qui entourent un si grand mystère. ». Ibid., p. 169-170. A la thèse de Condren, ou plus exactement à la thèse du sacrifice-oblation, M. Lepin rattache encore, dans une large mesure du moins, Gossclin (j 1858), supérieur du séminaire d’Issy.

2° Deux courants dans la thèse du sacrifice-oblation à la fin du XIXe siècle. — L’idée si grande, si sublime et si juste à la fois de la pérennité du sacrifice de Jésus-Christ, commencée avec l’incarnation et se perpétuant dans l'éternité, est reprise, avec une insistance toute particulière, par des écrivains encore plus récents. M. Lepin, op. cit., p. 623 sq., a cité autour de cette idée fondamentale un grand nombre d’auteurs. « Mais ici, dit-il, deux courants sont dessinés… Les uns

mettent plus directement à la base du sacrifice l’oblation que le Christ fait de lui-même rendu présent sur l’autel. Les autres font valoir avant tout l’oblation du Christ par l'Église.

Au premier courant se rattachent plus ou moins explicitement les systèmes des théologiens allemands : Hermann Schell, Katholisclie Dogmalik, Paderborn, 1893, t. m b, p. 513 ; Thomas Specht, Die Wirkungen des eucharislischen Opfers, Augsbourg, 1876, p. 2 sq. ; J.-Th. Franz, Die eucharistische Wandlung und die Epiklese der griechischen und orientalien Liturgien, "Wurtzbourg, 1880, t ii, p. 61 sq. ; Siinar, Lchrbuch der Dogmalik, Fribourg-en-B., 1899, t. ii, § 155 ; G. Pell, Jesu Op/erhandlung in der Eucharistie, Passau, 1910 (sur cet auteur, voir Ch. Pesch, Prælecliones dogmatica, t. vi, n. 916), et plus ou moins complètement les considérations ascétiques et mystiques d'écrivains spirituels français : Mgr Gay, Entretiens sur les mystères du saint Rosaire, Mystères joyeux, iv, La purification de la sainte Vierge et la présentation de X.-S. au temple, Paris, 1888, t. i, p. 243 ; le P. Gautrelet, S. J., Le prêtre à l’autel. Méditations pour servir de préparation au saint-sacrifice de la messe, Lyon, 1874, considérations préliminaires, p. 17 et vie méditation, p. 59 ; L. Bacuez, S. S., Du divin sacrifice et du prêtre qui le célèbre, Paris, 1888, ciii, a. 1, p. 61 ; le cardinal Manning, Le sacerdoce éternel, Lille, 1884, c. i ; et, nonobstant la thèse de l’immolation mystique, dom Columba Marmion († 1922), Le Christ, vie de l'âme, Paris, 1920, part. II, c. xvii, p. 383, 390 ; £e Christdans ses mystères, Maredsous, 1922, c. v, p. 92 sq., 101-102. Pour tous ces auteurs, on consultera Lepin, op. cit., p. 625 sq. D’autres noms appartenant à ce premier courant retiendront plus spécialement notre attention : M. Lepin lui-même, le P. Grivet, S. J., Mgr Batiffol, M. Bivière, le P.J.-M. Bover, S. J., Mgr Paquet, le card. Lépicier, Mgr Macdonald.

Parmi les théologiens qui font valoir surtout l’oblation du Christ par l'Église, on retiendra les noms du P. Ch. Pesch, S. J., et du P. M. de la Taille, S. J.

3° La thèse de M. Lepin. — Cette thèse est une première fois formulée en 1897, dans L’idée du sacrifice dans la religion chrétienne, principalement d’après le P. de Condren et M. Olier, Paris, et Lyon. En 1926, l’auteur reprend une seconde fois le même thème, mais en étendant ses investigations positives dans toute l’histoire de la théologie. La conclusion doctrinale du nouvel ouvrage : L’idée du sacrifice de la messe, d’après les théologiens depuis l’origine jusqu'à nos jours, demeure la même que celle de la thèse de 1897. Mais l’auteur la fait précéder d’une riche moisson de textes, glanés chez près de cinq cents auteurs.

1. Voici comment M. Lepin lui-même résume sa thèse de 1897 : « L’auteur cherche à définir l’essence du sacrifice en partant de l’analyse des sacrifices de la Loi ancienne. Or, ces sacrifices figuratifs lui apparaissent d’abord comme un ensemble complexe, dont les diverses parties se complètent les unes les autres. Pour en donner « une sorte de vue générale et de représentation synthétique », l’auteur fournit du sacrifice ancien une première définition. C’est « un acte religieux composé de rites symboliques, officiellement institué pour exprimer les rapports de religion qui unissent l’homme à Dieu : à savoir, pour représenter l’offrande personnelle du fidèle (rite de l’oblation), reconnaître sensiblement ses obligations vis-àvis la justice divine (rite de l’immolation et de l’oblation du sang), marquer son désir de plaire au Seigneur et de ne faire qu’un avec lui (rite de la consommation), exprimer enfin la satisfaction du Très-Haut et l’union que le fidèle acquiert avec son Créateur (rite de la communion). L’idée du sacrifice dans la religion chrétienne… », p. 66.