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MESSE, LE SACRIFICE-OBLATION : LE XIX* SIÈCLE


A la messe, une métaphore, une simple figure ; mais il l’appelle une Immolation non san ; lante, qui s’opire par un mystère Infiniment élevé au-dessus de no- ; faibles connaissances. Voilà le sens propre et naturel du concile. En eSet, c’est la personne même de Jésus-Christ, dit-il, qui est immolée sur l’autel. Cette immolation rend le sacrifice vraiment propitiatoire, et renferme un grand mystère. Or, Jésus-Christ serait-il im n : >lé lui-même par une simple figuie ? Cette figure… rendrait-elle le sacrifice vraiment propitiatoire ? Renfermerait-elle un mystère effrayant par sa profondeur, tremendum mysterium ? Que l’on dise, A la bonne heure : Jésus-Christ est conme mort sur nos autels. C’est l’expression de l’Écriture et des Pères. Il est de foi qu’il ne meurt pas une seconde fois. C’est aussi l’expression du concile de Trente, qui déclare que l’immolation de Jésus-Christ dans le sacrifice de la messe s’opère sans effusion de sang. Mais c’est un faux raisonnement de conclure que ce n’est qu’une espèce, une apparence, une simple figure d’immolation. Le concile la considère comme une action réelle et mystérieuse, et définit, sess. xxii, c. ii, en termes absolus que Jésus-Christ est immolé lui-même tous les jours par le ministère des prêtres d’une manière surnaturelle, qui surpasse les bornes étroites ds 1 notre intelligence. Dissertation, p. 53-5-1.

La conclusion de Rivière est "que l’immolation mystique de l’autel n’est pas une simple figure sacramentelle, m lis une sorte de réalité mystérieuse se référant à l’immolation sanglante de la croix.

3. Un écho de cette controverse : Mgr du Pressy. — Faisant allusion à la controverse dont on vient de parler, -Mgr du Pressy, évêqæ de Boulogne († 1789) soutient que « la consécration… immole (Jésus à l’autel), parce qu’elle l’y mst en état de mort, puisque le corps est séparé du sang par la vertu des paroles ». Mais il ajoute une autre explication, selon laquelle on p2ut dire qu’il y est immolé, dans le même sens qu’on dit qu’il s’est immolé sur la terre, et qu’il s’immole encore dans le ciel.

Dès le moment de son incarnation, il a exercé son sacerdoce ; il a continué de l’exercer A chaque instant jusqu’à sa mort ; il a continué depuis lors A chaque moment, et il continuera ainsi durant tous les siècles l’exercice de ce même sacerdoce… Dès son entrée dans ce monde, Jésus-Christ s’est mis en la place des victimes ; il s’est offert, dévoué, sacrifié A Dieu… (Le) bon plaisir divin lui fut manifesté dès l’instant de l’incarnation. Dès fors Dieu luFcommanda de mourir pour les hommes et de verser son sang sur la croix pour leur rédemption… Il lui déclara encore qu’il voulait que, lorsque en conséquence de l’institution de l’eucharistie, son corps et son sang seraient présents dans quelque endroit de la terre, il lui offrirait en cet endroit cette même mort, dont l’image serait retracée et le souvenir rappelé aux assistants… Le Fils de Dieu se soumit dès le moment de son incarnation au commandement de son Père : en conséquence il a offert sans interruption, il offre sans cesse, il offrira sans fin son obéissance jusqu’à la mort de la croix. Quoique l’oblation de cette obéissance puisse être regardée sous différents rapports, soit A divers temps, au passé, au présent, au futur ; soit A divers lieux, au ciel, A la terre et A ime multitude d’autels ; soit A divers ministres qu’il s’associe pour la faire avec lui sous les espèces du pain et de viii, cette diversité de ministres, de lieux, de temps, d’espèces n’empêche pas… l’identité physique, l’unité numérique de cet acte d’oblation. Il subsiste toujours le même en son fonds, que cette diversité ne touche pas, lui étant tout à fait extrinsèque… Il n’y a qu’un seul pontife, une seule victime, une seule immolation, une seule oblation, soit sur le Calvaire, soit sur l’autel… (Instruction pastorale sur l’eucharistie, dans Œuvres, édit. Migne, t. i, col. 1240-1212.)

TV. LES IDÉES DE L’ÉCOLE 0RA.T0MENNE REPRISES AU XIX’SIÈCLE. — La synthèse esquissée à la fin du xviir siècle par Plowden ne devait attirer l’attention que du petit cercle des appelants, dans lequel elle trouva, en la personne de Rivière, un âpre contradicteur. Il semble qu’elle ait été ignorée « les auteurs du xixe siècle qui, tout en se rapprochant de l’idée générale du sacrifice-oblation, .n’en tirent pas complètement ou expressément toutes les conclusions.

1° Avant 1870, — 1. François Palrik Kenrick, archevêque de Baltimore († 1871), tout en met tant l’accent, dans sa définition du sacrifice, sur l’oblation, reconnaît dans le sacrifice eucharistique une immolation mystique, qui rend le corps et le sang de Jésus présents sur l’autel, et les oiïre à Dieu, pour reconnaître sa divine majesté. L’auteur ne dit nulle part que la raison formelle du sacrifice se trouve réalisée uniquement dans l’oblation, et que l’immolation mystique de la messe n’est qu’une condition du sacrifice. Fit myslica mictatio, quum distincta elementorum consecratione corpus et sanguis ponantur, veluti a se invicem separata, ut separationis retilis in cruce, quando jusus est sanguis, imago quxdam habealur… Immolatur Christus incruente, et mtjsticc, vere tamen, quia corpus ejus et sanguis præsentia plant, et Deo offeruntur, ad divinam majestatem rccolendam… Theologia dogmatica, Malines, 1859, tract, xiii, part. II, c. i, n. 83, 85. 2. En Allemagne, on rencontre chez Môhler, Klee, Veith et surtout Thalhofer, certains traits caractéristiques de la thèse du sacrifice-oblation. —Môhler († 1838) présente le sacrifice du Christ comme étendu à sa vie entière et ayant son fondement dans l’amour avec lequel Jésus veut d’une façon permanente s’abaisser j usqu’à nous. La messe et le Calvaire appartiennent à cette réalité une et indécomposable. Symbolik, Mayence, 1831, p. 301 sq. Voir les textes dans Lepin, op. cit., p. 573. — Klee († 1840) souligne le parallélisme du sacrifice du ciel et du sacrifice de la messe : « La mort du Christ en croix n’est pas réitérée ni multipliée en elle-même ; mais sa représentation est bien réitérée et renouvelée constamment pour nous d’une manière sacramentelle ; ainsi le Christ dans le ciel se présente incessamment à son Père comme prêtre et victime pour nos péchés. » Katholische Dogmutik, Mayence, 1841, t. va, p. 262, trad. Lepin, op. cit., p. 574. — Veith († 1876) insiste, comme de Condrcn, sur la continuation du sacrifice de Jésus-Christ après le Calvaire. L’oblation unique, Hebr., x, 12, 14, comprend « comme moment essentiel l’acceptation faite par Dieu de la victime, donc la glorification du Christ en sa résurrection et son ascension. » Ainsi, le sacrifice du Christ dure éternellement et dans le ciel, et sur l’autel. C’est le même sacrifice qui a lieu de part et d’autre : « lorsque le Christ céleste est rendu présent au milieu de nous par la consécration, il est rendu présent avec son oblation sacrificale. » « Ce qui fait l’unité du sacrifice du Christ, à la croix, au ciel et sur l’autel, c’est l’acte d’amour qui se traduit vis-à-vis de nous par des sentiments de condescendance et d’abaissement volontaire, et vis-à-vis de Dieu par une obéissance parfaite. Cette obéissance s’est traduite ici-bas par la mort sur la croix ; au ciel, elle persévère sous les signes qui rappellent sa mort et son triomphe sur la mort ; dans l’eucharistie, elle se renouvelle, adaptée aux ; conditions de sa chair glorifiée, mais également voilée sous les signes sacramentels. » Eucharistia, 12 Vortrâge, Vienne, 1847. Cf. Lepin, op. cit., p. 574. Plus peut-être encore que ces auteurs, Thalhofer († 1891) a mis en relief l’unité du sacrifice de Jésus-Christ, sur la croix, dans le ciel, sur l’autel. « A la consécration, écrit-il, le grand-prêtre du ciel se rend présent sur notre terre avec son sacrifice céleste, se soumettant à nos conditions de succession dans le temps et de localisation dans l’espace, Au moment où prononcent les paroles de la consécration d’une manière séparée, il se rend présent sur l’autel in forma sacriflcii, et réalise ainsi parmi iou is le

temp it le même acte de sacrifice qu’il

accomplit autrefois sur la croix et qu’il continue dans

I. » Thalhofer admet d’ailleurs que le sacfi céleste prend fin au jugement dernier. Dus Opfer des Allen und Neuen Bundes, Ratisbonne, 1870, p. 2(12.