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1219 MESSE, LE SACRIFICE-OBLATION : CONTROVERSES DU XVIII* SIÈCLE 1220

représentée de telle ou telle manière par une autre action réelle… Or, quoique l’immolation de la messe, en tant que représentative, n’ait point la même réalité que celle de la croix, puisque Jésus-CUrist ne meurt point sur l’autel, et qu’il est mort sur le Calvaire, elle a cependant une réalité particulière et propre à la manière dont elle représente l’immolation sanglante… Lille consiste dans la séparation mystérieuse et sacrificale du même corps et du même sang qui ont été séparés sur la croix d’une manière sanglante…. ; elle a une réalité particulière et propre à l’ordre mystérieux dans lequel elle s’opère… C’est en cet unique sens que… nous avons donné le nom d’immolation réelle à l’immolation non sanglante de la messe.

c. Une troisième équivoque a pour objet le terme oblaiion :

Cette expression offrande, oblation, se prend pour une offrande intérieure ou extérieure ; l’une peut être faite sans l’autre, mais l’oblation extérieure ne peut être agréable à Dieu sans l’offrande intérieure. L'Écriture, les Conciles, les auteurs ecclésiastiques de tous les siècle sentendent, par « oblation extérieure », la seule dont il s’agisse ici, o.i l’action d’offrir, ou la chose qui est offerte, ou enfin l’une et l’autre, c’est-à-dire l’offrande et la chose que l’on olîre. Tantôt ils parlent d’une simple oblation sans victime actuellement immolée, telle que les oblations que Jésus-Christ faisait de lui-même avant sa Passion ou celles qu’il fait continuellement dans le ciel ; tantôt ils font mention de l’offrande de la victime présente et en état de victime, et alors ils ont en vue ou l’oblation sanglante de JésusChrist sur la croix, ou l’oblation non sanglante de JésusChrist sur l’autel. Enfin, après l’action sacrificale, ils appellent encore i blation la victime qu’on a offerte à Dieu par ce act. or. jusqu'à ce qu’on s ait participé. Il faut distinguer, si l’o.. euc évîter les méprises, ces divers sens que les monuments ceci ; >..tiques donnent au terme « oblation ». C’est ce que ies brochures (des adversaires) n’ont eu garde de faire ; elies n > auraient pas trouvé leur compte. Ceux qui les ont compose 's ont un talent admirable pour brouiller toutes ces notions, l roavent-ils dans un auteur le terme « oblation », ils l’adaptem aussitôt à leur manière de penser sans s’embarrasser du vrai se » - s qu’il présente dans les textes dont ils s’autorisent. Cet auteur, com.ne il arrive souvent, comprend-il sous le terme d oblation et l’action d’offrir et l’immolation de la victime ; ou ne désigne-t-il la victime que par ce terme d’oblation, ils restreignent cette expression à la seule action d’otïrir. Un autre i ; p.irle-t-il que d’une offrande actuelle et passagère, ils donnent i s ; s paroles le sens d’oblation virtuelle et permanente. Celui-ci continue-t-il de désigner le sacrifice, après même qu’il est offert, par ce terme d’oblation, ils lui font appliquer ce ternie à l’action même sacrificale, et, par ces équivoques perpétuelles… ils sont venus à bout de fabriquer un nouveau système sur le saint sacrifice de la messe…

(Défense…, t. I, § 7, p. 299 sq.)

b) Rivière accuse ses adversaires d’erreur. Nous ne le suivrons pas dans chacune des neuf « erreurs » qu’il prétend relever en leur système, op. cit., p. 335490. Relevons seulement deux points :

a. Le premier est relatif au sacrifice céleste qu’on ne saurait apporter comme preuve de la vérité du sacrifice-oblation dans l’eucharistie : les adversaires, en effet, tiennent ce raisonnement :

Le sacrifice du ciel consiste dans l’offrande que JésusChrist et les saints font continuellement du sacrifice de la croix. Donc, le sacrifice de la terre ne doit consister que dans cette même offrande, parce que c’est un seul et même sacrifice ; conséquence absolument fausse. Il vaudrait autant dire, et le raisonnement serait aussi concluant : le sacrifice de la croix est un sacrifice où Jésus-Christ a réellement versé son sang. Donc il doit le verser de même dans le sacrifice de la messe, donc il doit encore le verser réellement dans le ciel, puisque le sacrifice de la croix, celui de la messe et celui du ciel sont un seul et même sacrifice. Il n’y a personne qui ne sente tout d’un coup la fausseté de cette illation. Dans les choses qui ne dépendent que des volontés libres de Dieu, on n’en doit point juger par ses propres idées…, mais par la révélation. Or, la révélation, en nous découvrant que le sacrifice de la croix, celui de la messe et celui du ciel ne sont qu’un seul et même sacrifice, nous apprend en même temps qu’il ne s’offre point de la même manière dans ces trois actions différentes. Sur la

croix, il y a eu une offrande et une immolation sanglante ; dans la messe, il y a une offrande et une immolation non sanglante ; dans le ciel il n’y a qu’une ofirande perpétuelle de la mort que Jésus-Christ a souflerte sur le Calvaire. La première et la troisième de ces propositions sont avouées par nos auteurs ; mais la seconde qu’ils contestent est appuyée sur une tradition constante et uniforme, et sur la décision formelle du concile de Trente… (Dissertation, p. 194-195.)

b. Le second concerne l’unité du sacrifice en JésusChrist. Le concile de Trente met cette unité dans l’unité du prêtre et de la victime ; il ne parle pas de l’unité de l’immolation, si ce n’est pour dire que l’immolation sanglante ne se renouvelle point, tandis que l’immolation de la messe se réitère chaque jour. Ce sacrifice qui est le même, quant au prêtre et quant à la victime, s’offre diversement : sur la croix l’immolation fut sanglante ; sur l’autel elle se fait sans effusion de sang. Toutefois, « la messe n’est un vrai sacrifice que par son rapport essentiel à l’offrande et à l’immolation sanglante qu’elle perpétue d’une manière ineffable et mystérieuse et dont elle emprunte toute la vertu. » La thèse de Plovvden, au contraire, ne reconnaît qu’une seule immolation, celle de la croix, et une seule oblation, indivisible, permanente, éternelle, de cette unique immolation. « De ce principe, déclare Rivière, il faudrait déduire logiquement que le sacrifice de l’autel est une pure offrande de commémoration du sacrifice de la croix, et, puisque cette offrande est indivisible, unique, permanente, éternelle, qu’elle n’est pas différente sur le Calvaire et à l’autel. Double erreur, dont la première fait consister l’unité du sacrifice où elle ne consiste pas, et dont la seconde confond l’action sacrificale de la croix avec l’action particulière de la messe, quoique ce soit deux actions distinctes du même sacrifice. » Cf. Défense, 1. 1, p. 484488.

c) Rivière attaque directement, au nom de la raison théologique, la thèse du sacrifice simple oblation de l’immolation passée.

a. Plowden avait rappelé que l’immolation sanglante du Christ au Calvaire était le fait, non de Jésus lui-même, mais de ses boureaux. Et il concluait 1 que 'a fonction de Jésus-Christ comme prêtre de son sacrilice. consistait « à se soumettre à l’inhumanité de ses ennemis, et à offrir à son Père son corps qui était déchiré. et son sang qui était répandu par leurs mains » ; 2° qu’il faut donc placer la réalité du sacrifice même de la croix, non dans l’immolation, mais précisément dans l’offrande que Jésus-Christ faisait de son corps immolé.

Suivant cette idée singulière, déclare Rivière, la mort de Jésus-Christ n'était proprement qu’un assassinat commis par des néchants, tel que celui qu’on a exercé sur des martyrs ; et son sacrifice se bornait directement et précisément à souilrir avec patience cette inhumanité, et à otfrir à Dieu son corps déchiré, et son sang injustement répandu. Doctrine opposée à l'Écriture, à la Tradition et à la prédication commune de l'Église. Jésus-Christ n’a pas seulement permis qu’on l’attachât a la croix ; il s’est immolé luimême, comme une victime sans tache, pour le salut des hommes, par la séparation volontaire de son corps et de son âme, lorsque le Verbe, qui dirigeait toutes ses actions, l’a voulu, quando Verbum voluit (S. Augustin, In Joann., tract. XLvn). Je donne ma vie pour mes brebis, dit-il, . personne ne me la ravit ; c’est de moi-même que je la quitte. J’ai le pouvoir de la quitter, j’ai le pouvoir de la reprendre (Jean, x, 18). Paroles que la Tradition n’a pas seulement entendues de l’offrande, mais encore de l’immolation que Jésus-Christ a faite de lui-même sur la croix.

b L’autorité du concile de Trente paraît à Rivière péremptoire pour établir la « réalité » de l’immolation mystique à l’autel.

Le terme immolation non sanglante, déclare cet auteur, doit être pris dans le sens que le concile lui a donné. Or, le concile n’a jamais appelé l’immolation de Jésus-Christ