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MESSE, LE SACRIFICE-OBLATION : L’ÉCOLE FRANÇAISE


-geant le sacrifice de sa mort ou plutôt en le consommant

dans le ciel : La mort par le sacrifice de la croix est donc pour Jésus le moen, non seulement de fonder la nouvelle alliance en nous rachetant, mais encore de consommer et de perfectionner son œuvre sacerdotale. » C. iii, p. 36, 38. Il faut donc reconnaître que « outre la première oblation que Jésus-Christ a faite de lui-même avant sa mort, pour transférer et porter sur lui la peine de nos iniquités, il en faut encore reconnaître une seconde, qui s’est faite à son entrée dans le ciel, qu’il y continue toujours par lui-même, et que les prêtres font aussi sur la terre en son nom et en sa personne, et qu’ils y feront jusqu’à la fin des siècles dans le sacrifice de l’eucharistie. Cette oblation est comme une commémoration de sa mort, accompagnée de la prière sacerdotale, par laquelle… il demande à Dieu que sa satisfaction nous soit imputée et vraiment appliquée pour la rémission réelle de nos offenses, et pour notre réconciliation avec lui et pour notre entière et parfaite sanctification. » P. 41-42. II est assez difficile, sur un simple passage d’un traité qui, de toute évidence, doit faire corps avec la deuxième partie, dont l’auteur est le P. de Condren, de formuler l’opinion de l’auteur de la première partie. Dans le texte que nous avons cité, il n’est question que d’oblation, et d’oblation d’un sacrifice que Jésus lui-même offre au ciel. — c) La troisième et la quatrième partie du Traité publié sous le nom de P. de Condren, sont en réalité du P. Quesnel († 1719). Cet auteur étudie, part. III, c. x et xi, « comment toutes les parties et conditions du sacrifice de Jésus-Christ seront perfectionnées dans le ciel. » De plus, tout le thème exposé par l’auteur développe cette pensée que le sacrifice de la religion chrétienne doit être quelque chose de tout spirituel et de tout divin. C. i. C’est par la charité que tout ce que fait le chrétien est un véritable sacrifice, soit sur terre, soit au ciel, où la charité parfaite fait la consommation du Christ entier. Ce thème fournit d’éloquents et pieux développements sur l’union de l’Église au Christ, dans le sacrifice, sur la terre et -dans le ciel. C. n. Mais, on le voit immédiatement, nous sommes ici assez loin de la question théologique de l’essence du sacrifice de la messe. Le P. Quesnel aborde plus directement cette question dans quelques passages des Réflexions morales. Les partisans du sacrifice-oblation citent deux passages du P. Quesnel en leur faveur. A propos de Hebr., ix, 25, Quesnel fait cette réflexion : « Si Jésus-Christ n’eût offert son propre sang, rien ne pouvait nous réconcilier avec Dieu. L’unité de ce sacrifice adorable, qui consiste dans l’unité de la victime et dans l’unité de son immolation, n’empêche pas la multiplicité de l’oblation : multiplicité qui se réduit elle-même à l’unité dans la personne de Jésus-Christ, par qui, avec qui et en qui ses ministres font tout ce qu’ils font. Car l’oblation que Jésus-Christ a faite de son sacrifice dès le premier moment et dans toute la suite de sa vie, qu’il a continuée sur la croix, et qu’il fait éternellement dans le ciel, et celles qui s’en sont faites et s’en feront partout jusqu’à la fin des siècles et dans le ciel, ne sont qu’une seule oblation. » Et, plus loin, sur Hebr., x, 14 : « Le sacrifice expiatoire de la croix est unique pour tous les temps et pour tous les lieux. La répétition innombrable de ce sacrifice, qui se fait tous les jours sur nos autels par l’oblation de la même hostie toujours vivante, est une preuve de sa perfection et de son immortalité. » « Le sacrifice de la messe n’est pas une autre oblation, mais la réitération et l’application de celle de la croix. Puisqu’il y a une vraie oblation, il y a un vrai sacrifice ; mais ce n’est pas un autre sacrifice, parce que c’est la même victime qui est offerte par les prêtres associés au sacerdoce de Jésus-Christ, en mémoire de l’oblation qu’il en a faite une seule fois.

Toute la différence est dans la manière, et non dans la substance du sacrifice. »

A vrai dire, ces textes insistent sur l’unité qui relie en la personne du Christ et dans son sacrifice sanglant toutes les autres oblations du Christ ou de son corps mystique. Mais que le P. Quesnel accepte l’idée d’une immolation mystique à la messe, on n’en saurait douter, en lisant ses Prières chrétiennes, pour la fête du Saint-Sacrement : « Vous demeurez sur la terre avec les pécheurs, ô Jésus, en l’étal d’hostie et de victime… et ce sacrifice que vous avez accompli une seule fois sur le Calvaire d’une manière sanglante, vous l’offrez encore tous les jours… Vous renouvelez à tous moments, aux yeux de notre foi, la mort que vous y avez offerte pour nous. » Et dans l’ouvrage, De la piété envers Jésus-Christ : « Considérez, dit-il plus explicitement encore, que le sacrifice de la messe est le même que le sacrifice de la croix ; car c’est le même prêtre et la même victime, avec cette différence : 1° qu’à la croix, Jésus-Christ a été offert d’une manière sanglante, et que le sang a coulé visiblement de ses veines ; mais que dans le sacrifice de la messe, l’effusion est mystérieuse, sacramentelle et sanctifiant les âmes, mais toutefois réelle et véritable ; 2° que le sacrifice de la croix expie les péchés du monde, mais qu’il n’applique point les grâces. »

6. Denys Amelote, l’historien du P. de Condren († 1678), deux ans avant la publication de Vidée du sacerdoce, fait paraître un Abrégé de théologie, Paris, 1675, où l’on retrouve toutes les idées du P. de Condren. Pour Amelote, ce qui fit la valeur du sacrifice de la croix, ce fut moins l’immolation sanglante que l’oblation intérieure qu’en fit Jésus-Christ. Cꝟ. t. VI, c. xxxv. Il admet, au ciel, l’existence d’un vrai sacrifice, par lequel Jésus continue de s’offrir, représentant au Père le prix de sa mort. C. xl. Et de la vérité de ce sacrifice céleste, il tire la vérité du sacrifice de l’eucharistie, par voie d’analogie. Ibid. — En quoi consiste la vérité du sacrifice eucharistique ? En ce qu’il est oblation, immolation, consommation. « L’immolation y est aussi, parce que nous présentons à Dieu l’Agneau qui a effacé- nos péchés ; et il a voulu que ce fût son corps, comme séparé mystiquement du sang, qui fût l’offrande nécessaire de notre sacrifice. » L. IX, c. vu. Sans doute, cette immolation ne saurait se comprendre ni même exister en dehors de l’immolation de la croix, notre sacrifice « étant de sa nature commémoratif de celui de la croix et de tout le mystère de l’incarnation » ; néanmoins il faut dire que « par la même puissance par laquelle Jésus s’est intérieurement sacrifié sur la croix, il se sacrifie extérieurement lui-même sous des signes sensibles ».

7. On accorde que Thomassin (j 1695) a surtout mis en relief l’idée de l’oblation commencée sur terre par Jésus-Christ dès le premier instant de son incarnation ; et celle du sacrifice céleste, qui est, avant tout, l’oblation du Christ, portant en sa chair glorifiée les cicatrices de son immolation. Voir Jésus-Christ, t. viii, col. 1340-1342. Mais, « quand il s’agit de l’eucharistie, le théologien de l’Oratoire est moins net. Il continue de se préoccuper d’immutation et d’immolation. Cependant tout ce qu’il peut faire valoir à ce point de vue, ce sont des actes d’immolation figurative, c’est-à-dire d’immutation accomplie sur les seules espèces : fraction, distribution, manducation de l’hostie, effusion de sang. La logique lui demanderait de recourir à l’idée d’oblation, mise en relief par ses prédécesseurs. Il ne le fait pas d’une façon claire et précise. Thomassin ne donne donc pas à la thèse oralorienne une justification théologique, complète et rigoureuse » Lepin, op. cit., p. 503. — Nous avons vu par l’exposé de la thèse du cardinal de Bérulle et du 1’. de Condren que l’oblation et l’immolât ion se confondent dans leur