Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/609

Cette page n’a pas encore été corrigée

1203

MESSE, LE SACRIFICE-OBLATION : L’ÉCOLE FRANÇAISE 1204

c. ii, p. 175 sq. ; cf. préface, p. 11-12. Toutefois, tandis que sur terre, Jésus s’est offert en état de contrition et d’humiliation, dans le ciel, il s’oflre dans un état glorieux. « II ne se présente pas à Dieu comme préparé à la mort, qui est le premier état de l’hostie, mais comme une hostie une fois immolée et déjà consommée en Dieu. » Il s’oflre « dans un état immortel, impassible, spirituel et divin, qui est l’état dont il jouit dans le ciel avec tous les bienheureux consommés dans la même gloire et dans un même feu que lui, lesquels il offre en sacrifice avec lui à son l’ère. » L. VII, c. i, p. 213-214. Comme le P. de Condren, M. Olier considère la messe comme étant le sacrifice du paradis, " offert en même temps sur la terre puisque l’hostie qui s’y présente est portée sur l’autel du ciel, et il est différent seulement en cela qu’il se présente ici sous des voiles et des symboles, et là il est offert à découvert et sans voile. » Préface, p. 12. Toutefois, lorsqu’il s’agit de préciser en quoi consiste l’essence du sacrifice eucharistique, la pensée de M. Olier, toujours substantiellement fidèle à celle du P. de Condren, est cependant moins explicite. Aussi bien, une explication des cérémonies de la messe ne saurait présenter la rigueur d’exposition d’un traité théologique. Néanmoins, au t. VII, c. ii, De la consécration, on peut retrouver les traits principaux de la théologie bérullienne. La consécration constitue à proprement parler l’immolation dans’Ie sacrifice eucharistique, puisqu’elle représente sacramentellement la séparation du sang d’avec le corps : « Le prêtre, après avoir prononcé les mêmes paroles que Notre-Seigneur prononça instituant cet adorable mystère, met par la vertu des paroles sacramentales le corps à part et le sang à part sous les diverses espèces du pain et du viii, qui représentent le corps et le sang de Jésus-Christ séparés ; et qui ainsi signifient la mort de Notre-Seigneur, et expriment la seconde partie du sacrifice, à savoir l’immolation de la victime, où le sang était répandu et les parties du corps divisées. » Toutefois, l’immolation de la messe est essentiellement figurative ; en réalité, Jésus se trouve dans l’eucharistie^ avec la gloire dont il jouit au ciel : « Encore que Notre-Seigneur soit mis sous les espèces extérieurement figuratives de la mort, il y est toutefois dans sa gloire et consommé dans le feu de Dieu, comme il le fut aux mystères de sa résurrection et de son ascension… » La conclusion, c’est que « le prêtre, prononçant les paroles de la consécration, représente le Père éternel qui engendre son Fils au jour de sa résurrection dans le tombeau, et qui l’engendre encore tous les jours dans le repos de sa gloire et le consomme en lui avec béatitude. »

b) Discussion. — A prendre à la lettre cet exposé, on croit y retrouver une double influence, celle de Vasquez, en ce qui concerne la séparation sacramentelle, figurative de la mort réelle du Christ, et celle de Suarez, en ce qui concerne la production du corps et du sang, c’est-à-dire, de Jésus-Christ lui-même sous les espèces sacramentelles. L’influence du P. de Condren est plus vive encore, surtout lorsque M. Olier applique à l’eucharistie les divisions proposées par le théologien de l’Oratoire, et notamment quand il nisiste sur la consommation de l’hostie du sacrifice de la croix et de l’autel dans et par la gloire divine. Ce qui ne l’empêche pas de rester très fidèle à la doctrine traditionnelle touchant l’état de victime dans lequel Jésus se trouve à l’autel : « Notre-Seigneur a voulu être mis en état d’hostie en son Église : tanquam agnus occisus, afin de renfermer dans cet état tous ses mystères, et de faire servir au bien et à l’avantage de l’Église, tout ce qu’il a jamais fait de plus grand et de plus saint… Notre-Seigneur a voulu même que ce mystère fût un mémorial de ses souffrances et de sa mort, comme du mystère qui a acquis

et obtenu de Dieu que les mérites de sa vie et de tous ses mystères nous fussent appliqués, et passassent à nous par la communion : et, en l’instituant, il nous a donné espérance de jouir des biens de sa mort et de sa vie, et nous a fait espérer dans une confiance parfaite que nous obtiendrions, par ce divin sacrifice et cet adorable sacrement, tout ce que peuvent et la vie et la mort d’un fils sur l’esprit d’un père… » L. VII, c. iv, p. 237-238. État d’hostie, c’est-à-dire de victime, voilà comment le Jésus consommé dans la gloire du Père est rendu présent sous les espèces eucharistiques ; et c’est cet état d’hostie qui rend la messe efficace pour l’application des mérites de la croix.

Sur l’essence du sacrifice de la messe, la théologie de M. Olier ne va pas plus loin : elle est muette, par exemple, sur le point précis de savoir si la séparation sacramentelle est simplement représentative de l’immolation passée de la croix, ou significative d’une immolation présente, simplement mystique. Par contre, le fondateur de Saint-Sulpice projette de vives lumières sur l’union de l’Église au Christ dans l’oblation de l’autel. L’Église qui s’unit au Christ dans l’oblation du sacrifice, c’est d’abord l’Église du ciel, ainsi que le proclament les prières liturgiques elles-mêmes. Au Communicantes, « non contents de vous offrir tous nos devoirs, dit le prêtre à Dieu, nous vous offrons encore en Jésus-Christ tous ceux des bienheureux ; nous vous offrons la religion de la sainte Vierge et de tous les saints, et ce grand sacrifice d’eux tous, qui sont tous une hostie avec Jésus-Christ, et qui veulent bien n’en faire qu’une avec nous par le moyen de Jésus-Christ… » L. VII, c. i, p. 219. C’est aussi et en conséquence l’Église de la terre qui ne se contente pas d’adhérer à l’oblation du Christ et de l’Église du ciel, mais qui entre elle-même en participation du sacrifice de son Chef. » Ibid., p. 214. La communion est particulièrement représentative de cette union du corps mystique de Jésus-Christ avec son chef dans l’eucharistie ; elle est « comme une union à l’Hostie pour la dilater, pour faire un plus grand sacrifice, et pour faire de tous les offrants et adorateurs autant de victimes à Dieu.. » L. VIII, c. iii, p. 276 ; cf. p. 274 et, en général, tout le chapitre.

Sous ce dernier aspect, la messe « est la continuation du sacrifice de Jésus-Christ, consommé en son Père au jour de la résurrection, et communiant son Père au jour de son ascension… ; mais c’est un sacrifice prévenant le sacrifice universel de toute l’Église consommée en Jésus-Christ, et montant dans le ciel au jour du jugement et du sacrifice universel, » lorsque l’Église tout entière « ne sera qu’une hostie de louange avec Jésus-Christ ». L. III, c. i, p. 114.

5. Divers oraloriens.

Nous retrouvons encore l’influence du P. de Condren chez plusieurs théologiens du xviie siècle. — a) Le troisième supérieur de l’Oratoire, François Bourgoing († 1662), insiste comme de Condren sur l’extension du sacrifice de Jésus-Christ à toute son existence terrestre et glorieuse : « Dès le premier moment de sa vie et de son entrée au monde, Ingrediens mundum, dit l’Apôtre, Hebr., x, 5, en qualité de prêtre et de souverain prêtre, il s’est offert et présenté à Dieu son Père en sa chair mortelle, comme une victime destinée à la mort. Et depuis, il a toujours continué ce sacrifice de soi-même jusqu’à la dernière consommation qui s’est faite en la croix. » Préface… (des) Œuvres complètes du cardinal de Bérulle, édit. Migne, Paris, 1856, col. 107. — b) Le P. Desmares († 1687), auteur présumé du traité Du sacerdoce de Jésus-Christ (première partie du Trait ? du sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ, publié sons le nom du P. de Condren, voir col. 1198), établit que Jésus-Christ a exercé le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech, c’est-à-dire le sacerdoce éternel, en prolon-