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MESSE, LE SACRIFICE-OBLATION : L'ÉCOLE FRANÇAISE


temps même qu’il parle. Il y a donc oblation du corps de Jésus-Christ en la messe et oblation réelle, quoique cachée sous les signes. G'^st la manière de sacrifice qui convient à l'état présent de l'Église. » C. viii, p. 101-102.

i. — Mais i l’immolation se trouve aussi à la messe ; car Jésus-Christ y est immolé, non pas d’une manière sanglante, mais d’une occision sacramentelle et mystérieuse. Et sa résurrection n’exclut pas tout à fait cet état de mort, qui suit de l’immolation. Au contraire, la résurrection contient la mort de JésusChrist comme déjà accomplie et parfaite… Il est donc vraiment dans la messe l’Agneau mis à mort : Agnus occisus. Il y est en état de mort, n’ayant plus la vie qu’il avait sur la terre : outre les autres manières qui sont marquées par les théologiens, comme de ce qu’il ne fait aucune action extérieure de vie, ni aucun usage de ses sens et de son corps. » P. 102. Dans ce dernier texte, le P. de Gondren ne paraît pas prendre parti entre les différentes explications de l’immolation du Christ à l’autel. Il fait même allusion à une doctrine enseignée expressément dans l'édition de 1677, et mise, dans l'édition de 1697, sur le compte d’un auteur étranger : « Pour expliquer en quelle manière JésusChrist est en état de mort au ciel et en la messe, un auteur a eu cette pensée : que la mort est la privation de la vie présente, et que, quand Jésus-Christ est ressuscité, il est demeuré privé de cette même vie mortelle et passible, etc. » C. v, p. 82. Voir, pour le rapprochement des textes, Lepin, op. cit., p. 478-479. Mais dans un autre texte (également remanié dans l'édition de 1697, voir Lepin, p. 480-481), le P. de Condren semble adopter purement et simplement la thèse de l’immolation mystique : « Jésus-Christ porte (sur l’autel) cet état de mort où les Juifs l’ont mis sur la croix, en tant qu’il s’y offre lui-même comme immolé une fois sur la croix, et que c’est en mémoire et en vertu de cette immolation qu’il y est aussi offert par son Église ; et cet état d’immolation et de mort y est marqué et représenté par la séparation mystérieuse du corps et du sang sous les espèces différentes du pain et du vin séparément consacrées.. Si vous me demandez s’il s’y fait une effusion de sang, comme en la croix, je vous réponds qu’il s’y fait une effusion du même sang quant à la substance, mais difîéférent en tant qu’il est renouvelé par la résurrection. Et cette effusion s’est faite en la cène, Luc, xxji, 20 ; car selon le grec, il y est parlé d’une effusion présente du calice. Ce n’est pas une effusion qui se fasse visiblement et hors des veines de Jésus-Christ comme sur la croix ; c’est dans la bouche et dans le cœur des communiants qu’elle se fait ; et c’est une effusion réelle, mystérieuse, sacramentelle, sacriflcale et sanctifiante. » C. vii, p. 90.

I. -— Le P. de Condren ne manque pas de marquer l'étroite relation qui existe entre la messe et le sacrifice céleste de Jésus-Christ. En réalité, c’est le même sacrifice du Christ qui se continue parallèlement au ciel et sur la terre : « La seule différence qu’il y a, c’est qu’encore que l’hostie y soit aussi réellement présente que dans le ciel, ce n’est pas toutefois d’une manière visible. » C. v, p. 80-81. Dans le ciel, comme sur l’autel, Jésus apparaît tanquam occisus. Malgré la gloire dont jouit son humanité sainte, il se présente à Dieu en état de mort, état justifié par ce qui lui reste des cicatrices de ses plaies. Ibid., p. 82. Cf. c. viii, p. 103.

b) Conclusion. — Les affirmations du P. de Condren sont tellement claires qu’on peut conclure avec Rivière, dans sa Défense (voir col. 1217), t. i, p. 121 : « Le P. de Condren non seulement ne restreint pas l’essence du sacrifice de la messe à la seule offrande de l’immolation de la croix, mais il enseigne positivement que Jésus-Christ est sur l’autel dans un état de mort

et de victime par une immolation particulière et non sanglante, et que cette immolation qui représente celle du Calvaire et qui en renouvelle la mémoire, consiste dans la séparation mystérieuse de son corps et de son sang sous les espèces différentes du pain et du vin séparément consacrées. Il ne dit pas seulement en général, comme certai n s auteurs : Jésus-Christ est immolé sur l’autel ; il explique encore ce que c’est que cette immolation. Il ne pi réduit pas à la séparation extérieure des espèces : C’est, dit-il, une séparation mystérieuse du corps et du sang de Jésus-Christ même sous les espèces différentes du pain et du vin séparément consacrés. » En réalité, nous retrouvons ici la doctrine du cardinal de Bérulle et de Bossuet. Et, pour fortifier cette conclusion, il suffirait de rappeler que le P. de Condren à plusieurs reprises affirme l’identité du sacrifice de la croix et de celui de la messe, en tant que dans l’un et l’autre sacrifice est offerte la même victime, Jésus-Christ immolé sur la croix, est présent à l’autel et y est offert comme ayant été immolé sur la croix pour nous. P. 90. « La messe est le même sacrifice que celui de la croix, la même victime ij étant offerte. » C. viii, p. 95. A vrai dire, le sacrifice de la croix n’est pas réitéré dans le sacrifice de la messe ; mais c’est le même sacrifice offert d’une manière qui n’est plus sanglante pour participer et communier au sacrifice sanglant. Ibid., p. 95.

En somme rien de particulier dans la doctrine du P. de Condren n’autorise à classer cet auteur parmi les défenseurs du concept de sacrifice-oblation dans le sens exclusif où nous l’avons exposé. Le P. de Condren, comme le cardinal de Bérulle, retient la thèse de l’essence du sacrifice eucharistique placé dans l’acte de la consécration, en tant que cet acte contient l’oblation de Jésus placé sous un état de mort par l’immolation mystique. En dégageant cette doctrine de l’opinion quelque peu arbitraire des cinq parties du sacrifice — opinion qui n’est pas essentielle à la thèse du P. de Condren, voir Jésus-Christ, t'. viii, col. 1340 — nous avons la doctrine courante au xviie siècle, telle que Bossuet l’a si exactement exposée.

4. Jean Jacques Olier († 1657), fondateur de SaintSulpice, est un disciple du P. de Condren. Sa doctrine eucharistique est renfermée principalement dans le petit volume, Explication des cérémonies de la grand’messe de paroisse selon l’usage romain, Paris, 1657. Nous suivons ici l'édition de Clermont-Ferrand, 1835r

a) Exposé. — Comme le P. de Condren, M. Olie. admet que le sacrifice de Jésus-Christ, dans sa plénitude, comprend plusieurs parties. Il passe sous silence la consécration, mais retient l’oblation, l’immolation, la consommation et la communion. Op. cit., t. II, c. iv, p. 69 sq. ; t. VII, c. ii, p. 220 sq. ; c. v, p. 238 sq. Reprenant une idée émise par le P. de Condren (niais que l'éditeur de celui-ci paraît avoir corrigée, voir col. 1201), M. Olier affirme que la consommation de l’immolation sanglante du Calvaire a été réalisée par la résurrection, « où, non content d'être mort et de s'être privé de la vie pour l’amour de son Père, (Jésus) a voulu se consommer totalement en Dieu et retourner en lui…, périr à son premier état et cesser d'être à cette première vie et à cette première génération qui l’assujettissaient aux in firmités de la chair.et qui lui faisaient porter la ressemblance du péché. » Traité des saints ordres, Paris, 1672, édit. de 1831, IIP part., c. v, p. 385. L’immolation réelle du Calvaire se prolonge donc dans le ciel et constitue le sacrifice céleste qu’offre éternellement le prêtre éternel.

La pensée de M. Olier rejoint ici celle du P. de Condren. L’oblation de Jésus a commencé avec l’incarnation et, si on la considère dans toute son étendue, se prolonge dans l'éternité. Explication, t. VI,