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MESSE, THÉORIE DU SACRIFICE-OBL ATION


En voici le sommaire : « Puisqu’il faut croire que la célébration de l’eucharistie est un sacrifice véritable et propre, il faut pareillement croire que tous les éléments constituant l’essence du sacrifice en général se retrouvent dans ce sacrifice spécial. Et pourtant la foi ne saurait nous apprendre, ni quelles sont précisément les notes essentielles du sacrifice en général, ni en quel élément l’essence du sacrifice eucharistique doit être uniquement placée. Ils confondent donc l’objet propre de la foi catholique avec l’objet de la déduction ou de l’analyse théologique, ceux qui abusent des divergences existant entre théologiens sur la forme et l’essence du sacrifice eucharistique, pour attaquer leur unanimité dans la foi à la vérité de ce sacrifice. » Autre chose est d’affirmer dogmatiquement que l’eucharistie est un sacrifice, autre chose est de dire en quoi consiste ce sacrifice. La question an sit ne saurait être assimilée à la question quemodo sit.

b) La thèse xv rappelle la vérité suivante : le sacrifice non sanglant de la messe est relatif au sacrifice sanglant de la croix, et cette relativité même ressort de la nature de l’eucharistie et de la forme sous laquelle Jésus-Christ l’a instituée. A ce propos, Franzelin fait observer que l’idée énoncée en cette thèse ne doit pas être confondue avec les explications de Vasquez et de Lessius : « Être un sacrifice relatif, dit-il, signifie ici deux choses : tout d’abord, être, en soi, un sacrifice véritable et proprement dit, possédant toutes les qualités essentielles à la nature du sacrifice ; ensuite, et de plus, présenter une relation à un autre sacrifice, relation essentielle à ce sacrifice particulier, mais non au sacrifice en général. » P. 387. Comment le sacrifice eucharistique est relatif au sacrifice de la croix, Franzelin l’a déjà démontré plus haut. Il ne lui reste donc à déclarer que la raison formelle sous laquelle la messe est un sacrifice véritable et proprement dit.

c) C’est l’objet de la th. xvi. Il faut d’abord rejeter comme insuffisantes les explications de Vasquez, de Lessius, comme défectueuse celle de Suarez, qui laisse de côté le véritable aspect du problème. L’explication la plus plausible semble être celle que De Lugo a mise en relief. La victime offerte dans le sacrifice eucharistique, c’est le corps et le sang du Sauveur, c’est le Christ lui-même rendu présent sous les espèces du pain et du vin. L’essence du sacrifice est donc dans la consécration, qui réalise cette présence. « Nous disons, ajoute Franzelin, que le Christ revêt l'état de victime par le fait même qu’il se constitue dans l'état et le mode d’existence sacramentelle, dans l'état de nourriture et de breuvage. » Et il le démontre par les paroles de l’institution, par le témoignage des Pères et de la liturgie et par l’autorité d’un grand nombre de théologiens… Dans cet état et ce mode d’existence sacramentelle, il est hors de doute que se vérifie la notion du sacrifice. Ne s’agit-il pas, dans le sacrifice, de proclamer le souverain domaine de Dieu et d’apaiser sa justice ? Or, cette double signification du sacrifice ne peut être réalisée que par la destruction de la victime, destruction physique ou destruction morale équivalente, capable d’exprimer notre dépendance absolue vis-à-vis de Dieu et notre devoir d’expiation. Dans la messe existe cette destruction équivalente à la suppression de l’existence et de l’usage des fonctions naturelles. Le Christ est comme anéanti. A ce sujet, Franzelin a écrit une page plus éloquente que convaincante (p. 403), où il accentue les expressions déjà employées par De Lugo, mais où l’assurance du ton masque à peine la faiblesse démonstrative.

fi. Les disciples et émules de Franzelin. -— L’influence et l’autorité du cardinal Franzelin ont réalisé autour de sa théorie le phénomène que nous avons vu se

reproduire, plus récemment, autour de la théorie du cardinal Billot. Nombre de disciples et d’admirateurs s’y sont ralliés immédiatement et avec enthousiasme. Citons, dans la Compagnie de Jésus : Hurter, Théologie dogmaticæ compendium, Inspruck, 1893, t. iii, p. 410 ; sous une forme plus sobre et plus adoucie, De Augustinis, l’un des successeurs de Franzelin au Collège romain, De re sacramentaria, Rome, 1889, 1. 1, thèse xvi ; B. Tepe, Inslil. theologicæ, Paris, 1896 : De ss. eucharistia, q. iii, c. i, n. 337, 376, avec tendance à concevoir la consécration comme incluant déjà la destruction finale de la communion ; Stentrup, Prselecl. dogmaticæ de Verbo incarnato, Inspruck, 1896, part. II, th. xcv ; en dehors de la Compagnie : Lambrecht, De ss. missx sacrificio. Louvain, 1885, p. 207 ; Einig, Tract, de ss. eucharistie myslerio, Trêves, 1888, p. 139 ; et, parmi les auteurs qui, sans prendre position, lui sont favorables : Pohle, Lehrbucy der Dogmatik, Paderborn, 1912, t. iii, p. 399 ; Heinrich-Gutberlet, Dogmatische Théologie, Mayence, 1901, t. ix, p. 868 ; Gallacher, The formai essence oj the holy sacrifice of Mass, dans Ecclesiastical Review, 1913, t. xlviii, p. 513-530.

Dans maints ouvrages de spiritualité, la thèse de De Lugo-Franzelin est reprise avec l’insistance des développements oratoires auxquels elle se prête si facilement. Cf. J.-M. Buathier, Le sacrifice dans le dogme catholique et dans la vie chrétienne, Lyon, 18815, c. vu ; A. Tesnière, Manuel de l’adoration du Tris Saint-Sacrement, 1'" série, Paris, 1889, p. 53-56 ; Somme de la prédication eucharistique, I rc partie, 4e conférence ; Chanoine Beaudenom, Méthodes et formules pour bien entendre la messe, Paris, 1905, t. i, p. 48-53 ; Formation à l’humilité, 6e édit., p. 359360, etc., etc. On retrouve également comme un écho de la thère lugonienne, accolée à la thèse de Lessius-Gonet, dans le P. Monsahré, loc. cil. Voir col. 1155.

III. Troisième conception générale : La messe,

    1. SACRIFICE EN RAISON DE L’OBLATION##


SACRIFICE EN RAISON DE L’OBLATION, FAITE A L’AUTEL, DU SACRIFICE AUTREFOIS OFFERT PAR JÉSUS-CHRIST. - —

Les partisans de ce système font valoir que l’idée du sacrifice-immutation est une idée relativement récente dans la théologie, et qu’on peut en assigner l’origine vers 1551, dans l’interprétation étroite que Ruard Tapper donne de la définition vague du sacrifice par saint Thomas d’Aquin, et qu’avant le concile de Trente nul n’avait songé à chercher une immutation réelle dans le sacrifice eucharistique.

Sans doute, pour la plupart des auteurs de cette catégorie, il n’est pas question de rejeter l’immolation mystique que la tradition tout entière reconnaît dans l’eucharistie. Mais, au lieu de définir le sacrifice par l’immutation, ils se prononcent pour « une notion générale du sacrifice construite sur l’idée d’oblalion, avec accompagnement d’une immutation simplement mystique. La séparation du corps et du sang du Christ à l’autel serait une action purement symbolique ou un rite, qui enveloppe l’oblation du Sauveur, et c’est en l’oblation faite sous cet aspect rituel que le sacrifice de la messe résiderait proprement ». Lepin, op. cit., p. 728-729.

A dire vrai, les théologiens que nous avons recensés jusqu’ici considèrent l’oblation comme essentielle au sacrifice : le prêtre offre à Dieu une victime immolée en son honneur. L’immolation de la victime en l’honneur de Dieu comporte l’offrande, et l’offrande est sacrifice par l’immolation, réelle ou mystique, de la victime. Ainsi l’explique le catéchisme du concile de Trente : Omnis sacrifteii vis in eo est, ut offeratur. De eucharistia' sacramento, n. 71. Mais, tandis que les théologiens partisans du système du sacrifice-immolation font de l’immolation même (immutation réelle ou immutation mystique) la différence spécifique (sacrifice) du genre oblation, les partisans du sacrifice-oblation font, comme l'écrit M. Lepin, de l’oblation sacri-