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MESSE, LE SACRIFICE-ANEANTISSEMENT : DE LUGO


goûte, ni ne touche. Il est donc là en manière d’immolation et de sacrifice, modo immolatitio et sacri/ico, puisqu’il est là privé de ses actes vitaux, ne peut exercer aucune de ces multiples opérations vitales pour lesquelles l’homme doit se servir d’un organe corporel…. Le mode selon lequel le Christ est dans le sacrement est donc bien un mode d’immolation, modus immohditius, car c’est en quelque sorte un mode de mise à mort, modus mortificaius, en tant que, privé de ses actions vitales, le Christ, de ce chef, est en quelque façon, mis à mort. » Id., c. xix.

A cette explication fondamentale, Casai en joint deux autres » le corps et le sang dans l’eucharistie sont destinés à devenir nourriture et breuvage, et, d’ailleurs, en soi, le mode d’existence sacramentelle est un mode non matériel, mais miraculeusement imposé au corps et au sang du Christ. Id.

Quoi qu’il en soit de la véritable pensée de Scot, il faut retenir de la thèse fondamentale de Casai, qu’elle comporte un amoindrissement réel dans le Christ : c’est sa caractéristique.

b) Le précurseur immédiat de De Lugo fut Malderus (Jean van Malderen) († 1633), professeur à Louvain, puis évêque d’Anvers. Pour Malderus, l’immutation du sacrifice doit être destructive. De rirtulibus theol. et justifia, ad II iim -II æ, Anvers, 1616, tract. X, c. iii, dub. i. Il n’admet pas comme suffisante pour le sacrifice, l’immutation morale ; il faut, penset-il, une immutation physique, réelle, par laquelle la victime « reçoive un état amoindri incluant d’une certaine façon soit destruction soit cessation d'être » : status declivior, telle est l’expression qui fera fortune dans l'école de De Lugo.

Sans s’arrêter à la destruction du pain et du viii, changés au corps et au sang de Jésus-Christ, Malderus trouve l’immolation destructive dans le fait « que le Christ Seigneur, qui naturellement est homme vivant, inapte à devenir nourriture et breuvage, à moins d'être mis à mort, reçoit dans l’eucharistie comme une nouvelle existence de mort, dans laquelle il peut être mangé, et son sang peut être bu, comme s’il était tué. » Nous en resterions encore ici à la thèse bellarmi, nienne ; mais Malderus ajoute une explication nouvelle qui transforme cette thèse. Le quasi mortuus, lanquam occisus indique qu’il n’y a pas à la messe d’immolation sanglante ; et pourtant il y a véritable sacrifice. Le sacrifice réside en ce que le Christ, par la séparation sacramentelle, se présente comme sous un revêtement de mort. Mais ce n’est pas encore assez. Dans une explication assez embarrassée, Malderus tente de démontrer qu'à l’autel le Christ, sans être mis à mort, souffre ce qu’il a souffert à la croix, et plus encore. Sur la croix, l'âme fut séparée du corps ; mais elle demeura intacte et le corps ne connut pas la corruption. Sur l’autel, le Christ s’abaisse dans sa condescendance au point de se livrer comme nourriture et breuvage ; lui-même demeure intact et sans corruption, mais, par la corruptihilité des espèces sacramentelles, il se voue à la perte totale de son existence sacramentelle, son âme ne devant pas plus préserver son corps de cette disparition selon l’existence sacramentelle, que si elle ne lui était pas unie, son corps ne devant pas plus conserver le sang, qui cependant par la loi de concomitance lui demeure uni, que si le sang était réellement répandu.

2. La thèse de De Lugo.

Le cardinal De Lugo, S. J. († 1660). identifie sacrifice et immolation ou destruction : Dicimus de ratione sacrificii esse quod sit protestalio illius excellenliie divinie qua diç/nus est ut in ipsius cullum vita nostru deslriiatur, sive liœc proteslatio liai per realem deslructionem propriæ vitæ, sive per destructionem alterius rei, per quam noster af/ectus expticetur quando destructio propria non licet vel non

DICT. DE THÉOL. CATII.

expedit. De ven. cucharistise sacramento, dans Opéra, Paris, 1892, t. iv, disp. XIX, sect. i, n. 1. Tout sacrifice requiert donc la destruction de la victime, et c’est en ce sens qu’il faut comprendre saint Thomas, Sum. heol., II a -II lle, q. lxxxvi, a. 1. Ibid., n. 7.

De Lugo examine ensuite les diverses explications fournies du sacrifice de la messe. Sect. m. Il réfute successivement l’hypothèse de l’oblation vocale, soit avant (offertoire) soit après la consécration (Unde et memores), n. 37, car le sacrifice doit comporter une action réelle, distincte des paroles, n. 38 ; l’hypothèse de Cano, plaçant le sacrifice dans la fraction de l’hostie, la fraction n'étant qu’une cérémonie liturgique non universellement admise, hypothèse d’ailleurs abandonnée de tous, n. 39-40 ; il démontre ensuite que la thèse, plaçant de manière exclusive l’essence du sacrifice dans la consécration est la seule fondée, la seule à retenir, n. 41-45 ; qu’il faut donc rejeter l’explication de ceux qui font constituer le sacrifice dans la communion, n. 46-49. On doit cependant reconnaître que de graves raisons, et en particulier l’autorité de saint Thomas, inciteraient à admettre que la communion soit une partie essentielle du sacrifice.

Dans la sect. iv, De Lugo examine les différentes opinions théologiques expliquant comment la consécration appartient à l’essence du sacrifice. Il rejette : l’opinion de ceux qui disent que la consécration détruit, en l’honneur de Dieu, la substance du pain et celle du vin : une telle explication est insuffisante à l'égard du sacrifice du corps et du sang de JésusChrist, n. 51 ; — l’opinion de Suarez, plaçant à la consécration l’essence du sacrifice, par le fait de la disparition du pain et du vin en vue de la production du corps et du sang, principale matière offerte à Dieu : cette opinion est d’ailleurs contraire au sentiment commun des théologiens, n. 52-53 ; — l’opinion de Vasquez, niant que la destruction de la victime soit requise dans le sacrifice relatif ou commémoratif : la représentation du sacrifice n’est pas le sacrifice, n. 54-60 ; — l’opinion de l’immolation virtuelle enseignée par Lessius, et déjà réfutée par Vasquez, cette immolation n'étant qu’une image d’immolation et non une immolation réelle, n. 61-63.

Dans la sect. v, De Lugo expose sa solution. Pour lui, la consécration et la communion appartiennent à l’essence du sacrifice, de telle manière cependant que l’action sacrificielle substantielle se trouve déjà réalisée à la consécration, n. 64. Pour expliquer cette action sacrificielle substantielle, il remarque qu’il n’est point nécessaire que la destruction de la victime soit une corruption substantielle, physique ou métaphysique, de son être ; il suffit que le résultat de l’action sacrificielle soit de placer la victime en un état tellement amoindri, statum aliquem decliviorem, qu’on la puisse humainement estimer détruite, n. 65-66. « Cela supposé, il devient facile d’expliquer comment, par la consécration même, le corps du Christ est sacrifié. Bien que la consécration ne le détruise pas substantiellement, on peut l’estimer détruit, puisqu’il est placé en un état si amoindri qu’il est rendu inapte aux actes de la vie corporelle et apte à divers autres usages propres à la nourriture. Donc, à l’estimation humaine, ce corps est exactement comme s’il était un véritable pain, préparé en nourriture aux hommes. Un tel changement sulfit certes à constituer un sacrifice », n. 67. — Et pourtant, la communion, elle aussi, appartient à la substance et à l’intégrité du sacrifice, car elle consomme la destruction de la victime. Et il ne répugne pas qu’une victime subisse, dans le même sacrifice, une double destruction. De Lugo apporte ici l’exemple de la victime offerte en holocauste, d’ahord mise à mort, ensuite brûlée, n. 68. La messe des pré X. — 38