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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), PATRIARCHES, XIX* SIÈCLE

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préoccupations, l’occasion do donner la nu-sure de son intelligence, de son activité, de son énergie et de sa charité. Les chrétiens fuyaient devant les flammes, les massacres et toutes les horreurs de la guerre civile. Il fallait les recueillir, les proléger, les faire vivre. Hobaïch se dépensa sans compter, et mérita, de ce chef, de spéciales félicitations du pape Grégoire XVI. Bref Quum dilectus du 16 février 1841, dans Jus pontifie, t. v, p. 263.

Au milieu de si cruelles épreuves, une tentative s’offrit a Hobaïch. L’agent diplomatique d’une puissance qui voulait enlever à la France sa traditionnelle influence au Liban, essaya auprès de lui des marchandages fructueux. Peine perdue. Après de longs et inutiles essais, l’agent menaça le patriarche et les maronites des pires catastrophes. A quoi Hobaïch se contenta de répondre : « Les maronites ont la France dans le sang. Supposez que vous arriviez à nie conaincre, mon peuple me lapiderait. » Ces détails sont relatés par un contemporain, le patriarche Jean Hadj ; voir Darian, Les maronites au Liban, p. 296-298.

La déplorable transaction du double qâïniaqàmat prétendait introduire la paix au Liban. En réalité, elle prépara, comme on l’a dit ci-dessus, les troubles de 1845. Cette fois, le patriarche n’eut plus la force de supporter le choc. Frappé de paralysie, il tomba sur la brèche, comme un soldat, le 23 mai 1845. Sur le patriarche Hobaïch, voir Debs, Histoire de la Syrie, t. viii, p. 7-19, 769 ; Ghabriel, op. cit., p. 757-767 ; le P. Mansoûr El-Hattoùnî, op. cit., p. 253 sq., 309-312. Nous avons aussi utilisé une biographie inédite du patriarche Hobaïch, écrite par un prêtre de ses contemporains.

La tempête épouvantable que traversait alors le Liban empêcha le collège électoral de se réunir, suivant l’usage, le neuvième jour après la mort du patriarche. Ce fut seulement le 16 août 1845 que les évêques luirent s’assembler à Dîmân pour élire, le 18, l’évêque de Damas, Joseph El-Khazen. Les lettres synodales portent la date du 18 et du 24 ; elles partirent pour Rome comme de coutume. Au consistoire du 19 janvier 1846, sur la demande de Nicolas Murad, archevêque maronite de Laodicée, le pape confirma le nouveau patriarche et lui accorda le pallium. L’élection de Joseph El-Khazen donna lieu, il est vrai, à quelques manifestations hostiles auxquelles fait allusion l’allocution consistoriale du 19 janvier 1846. Mais, grâce à sa charité exquise, à ses manières à la fois graves et aimables, que l’éclat d’une noble origine faisait particulièrement apprécier, le nouveau patriarche se concilia bientôt la sympathie de tous. Debs, op. cit., t. viii, p. 751-752 ; Ghabriel, op. cit., p. 768-787 ; Mansoûr El-Hattoùnî, op. cit., p. 312-314 et 323 ; Mislin, Die Heiligen Orte, t. i, Vienne, 1860, p. 380. Le pontificat de Joseph El-Khazen marqua un retour à la discipline dans l’administration de la pénitence. Aux termes du concile du Mont-Liban : Sacerdos in ecclesia, non autem in priuatis aedibus confessiones audial, nisi msu ralionabili, quæ quum inciderit, studeal tamen idtlccenti, ac patenti loco prwslare. Extra ecclesiam sine necessitate, qui pœnilentiæ sacramentum administraoerit. sive sœcularis sit, sii>e regularis, et etiam parochus, urbitrio Ordinarii puniatur. Exceplis sacerdotibus, qui commode in ecclesia confileri non possunt. Part. I, C. iv, n. 10. L’oubli de cette loi et l’abus de la confession hors des églises provoquèrent un décret de la Propagande, du 18 février 1851, renforçant la prescription conciliaire et interdisant à tout prêtre, sous peine d’encourir la suspense ipso facto, d’entendre, hors le cas de maladie ou d’une cause grave reconnue par l’Ordinaire du lieu, la confession des fidèles dans leurs maisons. Le synode du Liban ajoutait au même endroit : Curent ordinarii, u t confessarius habeat in

ecclesia sedem confessionalem, in qua sacras confes siones excipiat, quæ sedes patenti, conspicuo, et apto ecclesia loco posita, craie etiam per/onda, inlcr psenitentem, cl sacerdotem omnino sit instrucla. Le même décret de la Propagande renouvela cette prescription par rapport à la confession des femmes et porta contre les contrevenants la suspense ipso facto. Ces mesures ne furent pas sans effet. Ghabriel, loc. cit., p. 786-787.

Le patriarche El-Khazen mourut le 3 novembre 1854. L’état politique du Liban exigeait que son successeur fût capable, à la fois, de parler ferme aux persécuteurs et de prodiguer aux victimes le réconfort et les motifs d’espérer. Un prélat maronite possédait ces qualités : Paul Mas’ad, archevêque de Tarse, homme au visage volontaire et dont le regard aigu fouillait les consciences. Le 12 novembre 1854, l’épiscopat le désigna par acclamation, et, au consistoire du 23 mars 1855, Pie IX le préconisa. Le patriarche Mas’ad, op. cit., p. 189, n. 1 ; une lettre du même patriarche dans Anaïssi, Colleclio, p. 181 ; J. Debs, op. cit., t. viii, p. 754. Le nouveau patriarche inaugura son pontificat par la préparation d’un concile national, qu’il tint à Békorki, au mois d’avril 1 856. sous la présidence du délégué apostolique, Mgr Brunoni. Il en rédigea lui-même le texte ; et, pour donner plus de solennité à cette assemblée, il y convoqua non seulement les évêques, mais les supérieurs généraux et les assistants des trois ordres maronites, les recteurs des missions latines et quelques notables de la nation. J. Debs, op. cit., t. viii, p. 767-768 ; El-Hattoûnî, op. cit., p. 324-325.

Le texte de ce concile, réuni dans l’intention non seulement d’assurer l’application du synode du Liban, mais d’introduire dans ses décrets les modifications qu’exigeaient les circonstances, est par lui-même plein d’intérêt. En pratique, cependant, sa portée fut insignifiante. Le Saint-Siège, en effet, bien que le pape eût écrit au patriarche pour le louer de l’œuvre accomplie, ne confirma jamais, du moins officiellement, les actes de l’assemblée, lesquels restèrent, par suite, lettre morte. Cf. le bref (iralx nobis, 2 juin 1856, dans Jus pontifie, t. vi a, p. 256, et voir ibid., n. 1 qui renvoie à la page 232 du même volume, n. 1 ; Debs, op. cit., t. viii, p. 767-768.

C’est, peut-être, en 1860 que la situation de l’Église maronite fut la plus douloureuse. Au milieu de la tourmente, Mas’ad se montra constamment à la hauteur de sa tâche, se —prodiguant pour adoucir les misères et usant de ses hautes qualités d’énergie et de tact pour préparer les voies à la justice et à la paix. Lorsque cessèrent les massacres, des difficultés d’un autre ordre, diplomatique celui-là, s’offrirent à lui. Sur ces difficultés, on trouvera d’intéressants détails dans C. de Rochemonteix, op. cit., p. 174175 ; Debs, loc. cit., t. viii, p. 727, 732, 754 ; El-Hattoùnî, ibid., p. 365-379.

En 1867, Mas’ad se rendit à Rome pour assister aux fêtes centenaires des saints apôtres Pierre et Paul. Depuis Jérémie Al-’Amchîtî (i 1230), c’était, peut-être, le premier patriarche maronite qui lit par lui-même la visite ad limina. Par contre, il ne viendra pas au concile du Vatican, où il se fit représenter par une mission que présidait Pierre Bostàni, archevêque de Tyr et Sidon. De Rome, le patriarche se rendit à Paris où Napoléon III l’accueillit avectous les honneurs dus à son rang. Il poursuivit ensuite son voyage jusqu’à Constantinople. Le sultan’Abdoul-’Aziz lui offrit l’hospitalité dans un palais particulier où il avait eu le soin de faire pourvoir à tout, même à l’installation d’une chapelle. Le patriarche eut l’occasion de connaître à Constantinople et d’apprécier Franco pacha, un Alépin de rit latin. Il exprima.