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MESSE, LE SACRIFICE-DESTRUCTION : BELLARMIN


Mgr Orazio Mazzella, Pralect. scholastico-dogmaticse,

Rome. 1905. t. iv. n. 237.

5. Un rajeunissement de la thèse de BellarminYiiHiHollzclau : II. Lamiroy. - C’est dans la lignée théologique précédente qu’il convient de placer M. Lamiroy,

pour le système qu’il propose dans sa thèse. De essenlia ss. misses sacrificio, Louvain, 1919. Sans doute, Lamiroy rejette expressément l’explication de Bellarmin. parce qu’elle place en réalité l’essence du sacrifice eucharistique dans la communion, ce qui contredit et l’institution de l’eucharistie, et la tradition constante dans l'Église. Toutefois, il accepte le principe qui a guidé Bellarmin, et corrige la thèse du grand controversiste à la façon de Viva et de Holtzclau (qu’il ne cite d’ailleurs pas). La notion essentielle du sacrifice comporte, pour Lamiroy, une destruction réelle ou équivalente de la chose offerte. Sacrificium est oblalio, qua fier destruetionem ipsius vitæ humanæ, aut rei sensibilis et permanenlis, vitam humanam reprxsentantis eique substitutæ, a legitimo ministro perætam, supremum Dei dominium agnoscitur. P. 102. Et l’auteur spécifie que « cette destruction peut être réelle, lorsque la chose offerte est détruite dans sa substance par occasion ou combustion, ou équivalente, quand, par exemple le vin ou le lait est répandu à terre et ainsi est détruit, non dans sa substance, mais dans son mode ou sa forme extérieure.

Pour Lamiroy, « l’action sacrificielle est réalisée essentiellement dans la consécration des espèces », p. 416 ; c’est la doctrine qui ressort des textes scripturaires relatifs à l’institution, et de la nature même du sacrifice eucharistique, offert au nom et en la personne du Christ. La communion n’appartient pas à l’essence du sacrifice, mais elle est de l’intégrté de l’oblation sacrificielle. Part. III a, sectio i, a. 1, § 1, p. 416. Puis il réfute les arguments de ceux qui professent que la communion appartient à l’essence du sacrifice, § 2, p. 419 sq. Il s’agit de Bellarmin, de De Lugo et de leur école. Au § 3, p. 423 sq., il réfute ceux qui placent l’essence du sacrifice de l’eucharistie dans la seule communion. Parmi les anciens auteurs, Lamiroy ne cite, d’après Vasquez, que Ledesma. Mais, parmi les auteurs contemporains, il s’attaque principalement à la théorie du sacrifice-banquet de Renz et de Bellord. Voir plus loin. Enfin, § 4, le sacrifice de la messe n’est pas réalisé par l’oblation vocale distincte de la consécration, ni par la fraction de l’hostie. L’a. 2 va au vif du problème qui nous occupe : il y est question de la raison formelle du sacrifice dans la consécration même. Le texte de Luc, xxii, 19-20 et les textes parallèles de Matth., xxvi, 26-28 ; Marc, xiv, 22-24 ; I Cor., xi, 24-25, démontrent que le corps et le sang du Christ sont offerts en véritable sacrifice : i Déjà les Pères et les liturgies primitives affirment que la célébration de ce rite eucharistique était une immolation du Christ non sanglante et mystique… Mais il faut remarquer qu' « immolation mystique » n’est pas synonyme d' « immolation dans la séparation « sacramentelle du corps du Christ d’avec son sang ». Cette dernière formule, que depuis longtemps de nombreux théologiens considèrent comme synonyme de la première, n’atteint en réalité qu’un seul aspect l’aspect représentatif, du sacrifice eucharistique… Mais nous démontrerons que la séparation sacramentelle n’est pas suffisante pour fonder un véritable sacrifice. » Et cette démonstration est faite dans la réfutation des thèses divergentes, notamment de celle du cardinal Billot.

Voici comment Lamiroy conçoit son système : « Nous savons que, dans la consécration, en même temps que se réalise le sacrement, est offert le sacrifice. Or, un sacrifice véritable suppose une véritable destruction, soit réelle, là où la chose offerte est

détruite en sa substance, soit équivalente, là où la destruction atteint plutôt le mode d'être extérieur de la chose sacrifiée… Or, la victime du sacrifice eucharistique est le Christ lui-même, qui est immolé, non plus en Lui-même et d’une manière sanglante, mais d’une façon mystique. Il est immolé d’une façon non sanglante sous l’espèce ou signe visible, selon la formule du concile de Trente. Cette immolation non sanglante et mystique, par laquelle le Christ lui-même est vraiment sacrifié, non en lui-même et sous son espèce propre, mais dans le sacrement et sous une espèce d’emprunt, est celle-là même que nous déclarent les paroles de l’institution. Dans la consécration, le Christ revêt un état d’immolation, statum immolatitium, qui se manifeste en ce que le corps du Sauveur peut être mangé, et son sang peut être bu. La consécration place le Christ sous la forme de victime équivalemment immolée, car elle le rend présent sur l’autel et l’y place en un état tel, que son corps devient vraiment nourriture sous l’apparence du pain comme le corps d’une victime animale immolée, et que son sang devient vraiment breuvage, sous l’espèce du viii, comme s’il était répandu. » « Nous ne disons pas que la raison formelle du sacrifice eucharistique réside en ce que le Christ est rendu présent sous les espèces du pain et du vin ; nous n’affirmons pas que la raison du sacrifice réside en ce que le Christ est réduit à l'état de nourriture et de boisson, car cette considération relève plutôt de la raison formelle du sacrement que de celle du sacrifice. » Mais la raison formelle qui fait le sacrifice essentiellement réalisé à la consécration existe « parce que le Christ, sous les espèces sacramentelles, est placé en un état extérieur de mort et de destruction, état manifesté en ce que le corps peut être mangé et le sang peut être bu ». P. 434.

On le voit, c’est l’hypothèse, à peine remaniée de quelques nuances nouvelles, de Viva, de Holtzclau, de Thomas de Charmes. C’est donc toujours le principe de Bellarmin, mais dont l’application est restreinte à la seule consécration.

6. En marge de Bellarmin ; la théorie du sacrificebanquet : le sacrifice réside dans le banquet, accompli par la communion, mais apprêté dans la consécration. — S’inspirant a~- la forme des sacrifices antiques des Juifs ou des païens, dans lesquels une part était réservée pour servir de nourriture à l’homme, ainsi devenu le commensal de la divinité, quelques auteurs veulent envisager le sacrifice de la messe comme constitué par la communion, dans laquelle le repas s’accomplit, et par la consécration, où le repas est préparé. C’est, au fond, toujours l’idée de Bellarmin, mais présentée sous un aspect très particulier.

a) L’idée du sacrifice-banquet, appliquée à la messe, a été proposée par Mgr James Bellord, vicaire apostolique de Gibraltar, dans The notion of sacrifice et dans The sacrifice of the New Law, dans Ecclesiastical Bevtew, 1905, t. xxxiii, p. 1-14 ; 258-273. La mort du Christ au Calvaire ne constitue pas, indépendamment de la cène, un sacrifice véritable. L’essence du sacrifice du Christ se trouve dans le repas de la cène, dont la messe est la reproduction. « Là, dit-il, il n’y a en vérité, ni mort, ni symbole de mort. L’emploi des deux espèces distinctes n’est pas pour figurer l’immolation sanglante du lendemain, mais seulement pour représenter la double matière d’un banquet complet, aliment et breuvage… Quand bien même le calice se serait éloigné, à la suite de la prière au Jardin, et quand Jésus n’aurait pas souffert la mort, la dernière cène serait encore un plein et parfait sacrifice. » Trad. Lepin, op. cit., p. 619.

b) Cette théorie du sacrifice-banquet a été exposée, avec des nuances différentes, par Fr. S. Bcnz, Die