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MESSE, LE SACRIFICE-DESTRUCTION : BELLARMIN


rallie-t-11, dub. iii, § iii, n. 29-30, à une autre solution.. La communion du prêtre appartient à l’essence du sacrifice, parce qu’il est de l’essence du sacrifice que la victime ou la chose offerte soit affectée d’un changement réel. Il faut donc que le Christ contenu sous les espèces du pain et du vin reçoive une immutation réelle. Mais la présence sous les espèces n’apporte aucun changement dans le Christ lui-même et ainsi le Christ demeure sans changement jusqu’à la communion du célébrant. Donc, la communion du célébrant est requise essentiellement pour qu’il y ait sacrifice. C’est, on le voit, la solution de Bellarmin, sous le patronage duquel se range Jean Lianes.

Une mention particulière est due à Ph. Gamache († 1625). Ce sorboniste, tout en rattachant étroitement son explication au principe posé par Bellarmin, la présente cependant sous une forme plus compréhensive. Pour lui le sacrifice comporte une immutation physique de la victime, afin de signifier le pouvoir suprême de Dieu sur la vie et sur la mort. Summa theologica, Paris, 1627, In 1 1 I am p., De sacrificio missie, c. il. Comment cette définition générale trouve-t-elle son application à la messe ? Gamache fait état de la seule consécration, laquelle renferme une mutation, non seulement le changement du pain et du vin au corps et au sang, mais encore un changement dans le Christ lui-même, dont l’humanité est produite et passe, tout au moins secundum quid, de la non-existence à l’existence, au moment où la consécration rend Jésus présent sur l’autel, où il n’était pas auparavant, c. iv. Mais ce n’est pas assez. La consécration inclut un rapport très certain à la réelle destruction et consomption du corps et du sang du Sauveur. On sait d’ailleurs que les espèces sont naturellement vouées à la corruption ; d’où il suit que le Christ y est contenu d’une façon qui le voue fatalement à la corruption et à la destruction. On le voit, le principe posé par Bellarmin est élargi dans la conclusion qu’on en tire. Gamache ajoute ensuite, sans s’y arrêter personnellement, l’explication de Lessius, c. iv.

D’autres théologiens du xviie siècle, tels Casai, Martinon, Platel, Th. Raynaud, aux explications de Bellarmin ajoutent celles du cardinal De Lugo. Nous les retrouverons plus loin.

c) Au xviw siècle, un seul théologien, mais^d’autorité, reprend la thèse de Bellarmin dans son intégrité. C’est saint Alphonse de Liguori († 1787). Il part de la définition commune, comportant l’immutation ; rappelle ensuite le dogme qu’il formule selon les grandes lignes de son système, savoir : « Par la consécration et par la communion, le Christ est immolé mystiquement et ainsi, à la messe, on trouve l’immutation requise pour le sacrifice. » Theologia moralis, t. VI, tract. iii, c. iii, dub. i, n. 304, édit. Gaudé, Paris, 1909, t. iii, p. 283 sq. Saint Alphonse rappelle, n. 305, les opinions relatives à l’essence du sacrifice de la messe. Précédemment, t. III, n. 310, il avait laissé entrevoir qu’il se rallierait à l’opinion plaçant l’essence du sacrifice dans la seule consécration. Mais, ici, il se rétracte et adopte l’opinion de Bellarmin, Tournely, Soto, Bonacina : Hœc sententia dicit essentiam eucharisties consislere partialitcr in consécrations et partialiter in sumptione : in consecratione enim ponitur victima et in sumptione consumitur. Saint Alphonse admet cependant comme une opinion très probable que les deux consécrations sont requises pour qu’existe le sacrifice, lequel doit être commémoratif du sacrifice sanglant offert sur la croix.

La thèse de saint Liguori a été retenue au xixe siècle par les liguoriens. Cf. Marc, Instit. morales, Borne, 1880, t. ii, p. 129 ; J. Aertnys, Theologia moralis juxta doctrinam A. M. de Ligorio, Tournai, 1898, t. ii,

p. 70 ; J. Hermann, Instit. théologie » dogmaticx r Borne, 1908, t. ii, p. 581-583.

4. La thèse de Bellarmin, adaptée à la considération de la seule consécration comme élément essentiel du sacrifier eucharistique. — Un grand nombre de théologiens, tout en retenant le principe formulé par Bellarmin, ont adapté ce principe à la thèse communément reçue de la seule consécration constitutive du sacrifice eucharistique. Nous signalerons ici les principaux :

a) Viva, S. J. († 1710), définit le sacrifice à la manière de Lessius, mais suppose que l’immolation virtuelle ne suffit pas ; la définition requiert une immolation réelle. Toute l’action sacrificielle réside dans la consécration, et la communion n’est pas même partie intégrante. « Rien d’étonnant, écrit-il, que la même action produise la victime et simultanément l’immole et la sacrifie… Le Christ, par le fait même qu’il est placé sous les espèces du pain et du viii, s’y trouve à l’état d’aliment, destiné à une prochaine destruction. Parla communion, en effet, il cesse d’être sacramentellement présent. Ainsi, il est immolé et sacrifié. »

Une nuance sépare Viva de Bellarmin et lui permet de ne retenir que la consécration comme élément constitutif du sacrifice. Pour lui, l’état de nourriture auquel est amené le Christ sous les espèces sacramentelles, l’affecte hic et nunc, au moment de la consécration. Donc, l’immutation est déjà réalisée en lui avant la communion. Cursus theologico-moralis, t. i, De sacramentis, Padoue, 1723, part. V, q. v, a. 1.

b) Même doctrine chez Holtzclau, S. J. († 1783), l’auteur du traité du Verbe incarné et des sacrements dans la Theologia Wirceburgensis, Paris, 1880. Il se tient prudemment dans la ligne tracée par Bellarmin et rectifiée par Viva : « Par la force des paroles, le Christ est immolé symboliquement, en ce que, par la force des paroles, le sang est séparé du corps. Mais de plus, il est placé sous les espèces dans un état pour ainsi dire de mort, orienté qu’il est vers sa destruction : il y est placé à l’état de nourriture et de breuvage, destinés à être consommés, et même, dans le but de disparaître, aussitôt réalisée la corruption des espèces. » De eucharistia, p. 391.

c) Plus timide et plus éclectique est Thomas de Charmes († 1765). Chez lui aussi, la thèse du sacrifice suppose l’immolation réelle de la victime. Theologia universa…, Nancꝟ. 1759 : De sacramentis, dissert. IV, c. ii, q. i. Toute l’essence du sacrifice est dans la consécration. Mais, dans la q. iii, il rajeunit l’explication de Bellarmin-Viva : Per consecrationem ponitur Christus in statu proximo ad realem destructionem, nam producitur sub speciebus, ut, iis corruptis, Christus non solum mystice, sed realiter destruatur quoad esse reproductum. La double consécration est nécessaire, non ex natura rei, mais par suite de l’institution divine.

Au xixe siècle, dans la même dépendance de Bellarmin, corrigé par Viva-Holtzclau, il faut citer le capucin Albert Knoll (a Bulsano), Instit. theologicse, Turin, 1868. Toutefois, dans sa définition du sacrifice, cet auteur nie que la destruction réelle de la victime, telle qu’elle se pratiquait dans certains sacrifices de l’Ancien Testament, soit nécessaire. Part. IV, sect. ii, § 614. L’application de cette doctrine est tout autre qu’on l’aurait pu attendre. Knoll reprend l’explication de Lessius, complétée par Bellarmin et Viva. Par les paroles de la consécration ; il est fait à l’hostie l’immutation requise et suffisante pour le sacrifice ; non seulement parce que la consécration effectue la séparation mystique du corps et du sang, mais encore parce que, sous les espèces du pain et du viii, le ChFist, devenu nourriture et breuvage, est destiné à une véritable, réelle et extérieure immutation et destruction.

De cette solution, on pourra rapprocher celle de