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MESSE, LE SACRIFICE-DESTRUCTION : BELLARMIN


A cette idée toute suarézienne sont adjointes deux autres considérations. L’une concerne le sacrifice céleste, en relation étroite, tout comme l’eucharistie, avec le sacrifice de la croix. I.e sacrifice céleste continue virtuellement celui du Calvaire : « La victime immolée et devenue par son immolation même l’objet de la complaisance et de la jouissance de Dieu, se présente sans cesse comme sous le coup de son immolation récente, et toujours avec le même mérite et la même vertu qu’elle tient de son immofation. » § 1496. L’autre considération (que nous avons déjà trouvée spécialement développée par Bossuet et Billot), concerne l’union de l’Église à Jésus-Christ dans l’offrande faite de la victime à Dieu. A dire vrai, le don offert à Dieu est moins l’humanité du Christ, déjà agréée, que l’Église, corps mystique représenté par les dons matériels du pain et du vin et unie à l’offrande du Christ. Sckeeben insiste sur la signification que présente à cet égard l’eucharistie. Die Mysterien. .., p. 448.,

e) Le système de Suarez a encore été substantiellement repris par Paul Schanz, Lehre von den hl. Sccramenten der Kirche, Fribourg-en-B., 4893, p. 479 sq. Comme pour Scheeben, l’immutation que comporte le sacrifice n’est pas nécessairement, ’pour Schanz, une destruction : cette idée de destruction, « exagération de l’idée d’immolation sacrificielle » a été introduite, depuis le concile de Trente, sous l’influence des discussions antiréformistes. On est bien plus d’accord avec l’Écriture et la Tradition antérieure à la fin du xvie siècle, si, au lieu de l’idée de destruction, on s’en tient à une idée d’immutation au sens plus large, et si l’on met en relief le but du sacrifice, qui est l’union à Dieu. Schanz définit le sacrifice : l’offrande d’un présent sensible par un ministre légitime, au moyen d’un changement de la chose offerte, dans un but de reconnaissance de la majesté divine, d’expiation et d’union avec Dieu. P. 479. Voir aussi le Kirchenlexicon, art. Opfer, t. ix, col. 1895.

4. En marge de Suarez : Arriaga.- — Il faut faire une place à part à Rodrigue de Arriaga, S. J. († 1667), dont la thèse a plus d’une connexité avec celle de Suarez, bien qu’elle s’en écarte sous plusieurs aspects. Tout d’abord Arriaga ne conçoit pas l’immutation physique comme appartenant à l’essence du sacrifice : une simple immutation morale de la chose offerte suffit. Disputai, theol. in /7/ » m part.. Lyon, 1669, disp. XLIX, scct.ni. « Dans mon opinion, on explique facilement comment le Christ est sacrifié à la consécration. Il est offert à Dieu le Père en signe public du domaine divin sur notre vie et sur notre mort. Et il ajoute à la simple offrande la production physique du corps du Christ placé localement sous les espèces sacramentelles. Par là est produite une sanctification morale du Christ lui-même et de ce tout offert, formé du Christ et des espèces sacramentelles, ce tout appartenant au sacrifice, en tant que victime, puisque la victime et le sacrifice doivent être chose immédiatement ou tout au moins médiatement sensible. » Disp. L, sect. v, subs. 4.

Adam Burghaber, S..1. († 1678), se réfère à Arriaga, Tkeologia polemica…, Fribourg-en-Suissc, 1673, part. II, controv. lxxiii, De sacrifieio missa ?, part. I, n. 2.

II. DEUXIÈME COURANT. THÈSE DE V 1 M M V T ATION RÉELLE AFFECTANT JÉSUS-CHRIST LUI-MÊME. — Ici encore, deux tendances générales : L’une, à laquelle Bellarmin a attaché son patronage, cherche l’immutation réelle dans la consécration, en tant qu’elle prépare la communion, et dans la communion elle-même qui consomme la destruction réelle de Jésus eucharistie. L’autre, à laquelle De Lugo a attaché son nom, cherche, de plus, un amoindrissement réel de la per sonne même de Notrc-Scigneur. Mais ces deux tendances se retrouvent rarement pures de tout alliage chez les autres théologiens, qui y apportent des nuances assez variées.

1° Le sacrifice consiste essentiellement dans la consécration, en tant qu’elle prépare la victime et même dans la communion qui la détruit et la consume : Thèse ditede Bellarmin. — Cette thèse se rencontre déjà en quelques théologiens antérieurs à Bellarmin.

1. Avant Bellarmin.

Nous avons dit plus haut, , voircol. 1145, pourquoi Cano ne saurait êtrer attaché à cette école, dont le véritable fondateur est Bellarmin. Cependant il faut reconnaître que, tout aussitôt aprèsle concile de Trente, quelques théologiens, convaincus que le sacrifice comporte une immutation réelle exercée sur la chose offerte, ont voulu trouver dans la consécration une immolation réelle du Christ. Timidement sur ce point, Hessels, dont la théorie serésume plutôt dans l’oblation, voir plus loin, col. 1193,. esquisse une explication sur la manière dont le Christ reçoit, dans la consécration, un véritable changement i Per eomecrationem non lantum partis et vint substantiel (etsi imperceplibiliter) transmulatur, sed et corpus Domini alium quemdam subsistendi modum accipit, quem prius non habebat : nempe quod jam sub forma punis subsistât. A quoi correspond ce nouveau mode d’existence sous l’espèce sacramentelle, Hessels ne le précise pas.

2. Thèse de Bellarmin.

La question controversée avec les protestants est celle-ci : La messe est-elle un vrai sacrifice ?

A rencontre des définitions larges du sacrifice, le cardinal Bellarmin († 1621), dans ses Controversise de missa, t. V, Opéra, Paris, 1870, t. i, p. 296 sq., rappelle que « dans l’usage de l’Écriture, tout sacrifice est une oblation, mais toute oblation n’est pas un sacrifice ; en effet, en plus de l’oblation il faut le changement, la consommation de la chose offerte, c. n. On connaît la célèbre définition du sacrifice, laissée par Bellarmin : Oblalio exlerna fada soli Deo, qua, ad agnilionem humante infirmitatis et professionem divina ? majeslalis, a legilimo minislro res aliqua sensibilis et permanens rilu mystico consecratur et transmulatur. Le point capital est que l’oblation sacrificielle transforme l’objet offert, cet objet devant être détruit, c’est-à-dire tellement changé qu’il cesse d’être ce qu’il était auparavant, c. m. Ce concept du sacrifice, pleinement réalisé dans la mort du Christ sur la croix, se vérifie-t-il à la messe ? La réponse à cette question et aux objections des protestants fournit à Bellarmin l’occasion d’exposer sa théorie sur l’essence du sacrifice de la messe : « Parmi les diverses actions dont se compose le rite eucharistique, l’oblation du pain et du vin qui précède la consécration, l’oblation qui suit la consécration, la fraction de l’hostie sont nécessaires à l’intégrité du sacrifice ; elles ne sont point de son essence. » Deux actions seulement sont de l’essence du sacrifice eucharistique, la consécration et la communion du prêtre. Le cardinal rejette l’opinion de ceux qui voient dans la seule consécration tous les éléments d’un sacrifice : ces théologiens admettent une immolation virtuelle, parce que vi verborum le corps du Christ seul, sans l’âme et le sang, et le sang, séparé du corps, commencent à être sur l’autel ; seul, l’état glorieux où se trouve présentement le Christ empêche la séparation effective du corps, du sang et de l’âme, c. xxvii. « L<ne telle explication n’est pas suffisante au point que l’esprit puisse s’y reposer pleinement. En effet, un vrai et réel sacrifice requiert une mort, une destruction vraie et réelle de la victime immolée ; la consécration ne fait pas une mort vraie et réelle, mais seulement une mort mystique. Dire que la consécration