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MESSE. LE SACRIEICH-IMMUTATION : SUAREZ


itnmutation affectera donc uniquement les substances du pain et du viii, soit considérées en elles-mêmes, soit considérées dans l’acte même de la transsubstantiation qui se termine par la production du corps et du sang de Jésus-Christ. D’autres chercheront à démontrer que l’existence sacramentelle apporte au corps et au sang de Jésus-Christ un changement réel, compatible avec l’impassibilité glorieuse dont le Sauveur jouit présentement.

I. PREMIER COURJ.XT. THÈSE DE V 1.1L1/ UTATION RÉELLE A.FEECTJ.XT LE PAIX ET LE VIA’. — 1° Le

changement affecte seulement la substance du pain et du » in qui disparaissent dans la transsubstantiation.

— Sous cette forme, la thèse a été présentée par de rares théologiens. Signalons au moins Tanner et Richéome.

1. Tanner, S. J. († 1632), définit d’après saint Thomas, I’l -II æ, q. xxiii, a. 1, 1e sacrifice par l’immutation destructrice : Theologia schol., Ingolstadt, 1627, disp. Y, De religione, q. iii, dub. i. Cette définition doit trouver son application dans l’eucharistie. Or, la chose offerte dans l’eucharistie para.it à Tanner contenir trois éléments : la substance du pain et du vin. leurs espèces ou accidents, le corps et le sang du Christ, c’est-à-dire le Christ lui-même. « Le sacrifice consistera essentiellement dans l’action consécratoire, par laquelle est offert et détruit l’élément matériel de l’oblation ; et cette action convient admirablement à la consécration. Par la consécration, en effet, le pain ordinaire et terrestre devient, les apparences demeurant les mêmes, le pain vivant et céleste ; par elle est détruite d’une façon admirable toute la substance du pain et du viii, et cela, selon l’intention de l’Église et du célébrant, pour proclamer l’excellence et la majesté divine, dont la toute-puissance éclate dans l’une et l’autre consécration. » Si la double consécration est nécessaire, c’est en raison, non pas de la signification qui s’attache au sacrifice, mais de la représentation de la passion que Jésus-Christ a voulu réaliser à la messe. De ss. eucharistia et de sacrificio missæ, disp. V, q. ix, dub. n.

2. La thèse de Richéome, S. J. († 1625), est toute différente, bien que partant d’un principe analogue. — Dans le sacrifice eucharistique, tout le changement, toute l’immolation affecte les espèces eucharistiques, mais s’étend au corps et au sang de Jésus contenus réellement sous les espèces par une sorte de communication des idiomes. Thèse fantaisiste au premier chef, à laquelle nul théologien sérieux n’a fait accueil, mais qu’il faut néanmoins signaler d’après le texte même de l’auteur : « La vraie essence de cette réelle immolation consiste aux espèces du pain et du viii, soubs lesquelles Jésus-Christ est contenu, et à raison desquelles il est immolé, par la communication qu’il ij a entre icelles espèces et son corps. Et comme nous disons que Dieu a vrayement enduré, qu’il est mort, qu’il est ressuscité, à cause de la communication des propriétez, entre la divinité et l’humanité, combien qu’il n’y eût que l’humanité à qui ces qualités appartinssent, de mesme nous disons icy que son corps est vrayement rompu, qu’on le voit, qu’on le touche, qu’on le mange, parce que tout cecy se faict vrayement aux espèces, qui sont un sacrement avec son corps : et parce que l’estre des espèces du pain et du vin est un estre et un estât mort, et sans âme, nous disons aussi que Jésus-Christ prend un tel estre, se donnant en viande et breuvage, qui est un estre mort. Item, parce que l’immolation emporte privation de quelque vie, Jésus-Christ aussi se despouille d’une sorte de vie visible et perceptible aux autres, sans intérêt de son immortalité… » La saincte messe, déclarée et défendue contre les erreurs sacramentaires de nostre temps…, Bordeaux, KJOO, t. III, c. xxxv.

2° Le changement affecte le pain etle viii, mais en taid qu’ils sont transsubslantiés au corps et au sang du Christ : Thèse dite de. Suarez. - Cette thèse, qui est généralement présentée comme celle de Suarez, a été proposée avant lui.

1. Les précurseurs. — a) Baïus († 1589), dans son De sacrificio, c. x, se réfère à certains théologiens cpii placent le sacrifice dans l’immolation de la victime, et cherchent à la messe quelle peut être l’immutation, l’immolation possible. Ht Baïus donne son avis : Quemadmodum in sacrificio populi veteris uitulus et vivens sacri/icium dicebatur, quia id erat quod occisione erat sacrificandum, et occisus, quia erat hostia jam immolalione sanctificata…, sic etiam in eucharisliee sacramento, panis et vinùm sacri/icium dici possunt, fanquam illa a quibus ipsa maclatio sumit initium… Et ipsum Christi corpus et sanguis sub specie panis et vini contenta dicuntur sacrifteium, tanquam res in quas fit sancta mutatio. Op. cit., c. x. Sur les insuffisances de cette théorie, voir M. Lepin, op. cit., p. 359.

b) François Torrès (Turrianus), S. J. († 1584), professe nettement la thèse de l’immolation mystique. Apostolicæ constitutiones, Anvers, 1578, t. V, c. xviii ; t. VIII, c. xiv. Et cependant, fidèle à la conception de l’immutation réelle et physique dans le sacrifice, il veut, pour l’eucharistie, trouver un changement dans la matière offerte. Cur non sit et dicatur sacrifteium mutatio ista mystica panis et vini pro nobis facta in idem corpus quod pro nobis morluum fuit. L. VI II, c. xiv. Mais il n’y a encore chez Torrès qu’une simple indication : le véritable précurseur de Suarez fut

c) Mathieu van derGalen ouGalenus(† 1573), auteur d’un De ss. missæ sacrificio, Anvers, 1574. Sa définition du sacrifice veut être précise et complète : Sacrifteium proprie esse actionem, qua hostia ita adftciatur. alque immutetur ut neque ab immolationc seu mactatione, neque a crematione existât aliéna ; offeraturque ad suæ quidem colendissimæ majestatïs, nostrse autem, hoc est mortalium sacrifteantium, subjectionis, opis ejus necessariæ, graliludinis dcclarandæ, ac ueniæ optatæ, cum per animi votum, tum per religiosas preces et decenlissimas cœremonias, sanctissimam pro/essionem. C. vi. De cette définition, il faut retenir que le sacrifice, même le sacrifice eucharistique, ne se peut concevoir sans un changement intrinsèque à l’hostie. Or, il est impossible de concevoir un changement dans le Christ lui-même à l’autel. Supposer ce changement possible, même par le rite simplement figuratif de la fraction, c’est s’exposer à tomber en de multiples absurdités. C. vu. Celui qui règne glorieux à la droite du Père ne peut subir le moindre changement local : inutile donc d’invoquer la thèse d’une présence nouvelle, d’un mode d’être nouveau acquis par le Christ dans l’eucharistie. D’ailleurs, supposer un changement intrinsèque en Jésus-Christ, c’est attribuer à l’eucharistie, indépendamment de la croix, une efficacité particulière, que toute la tradition rejette. Enfin, introduire quelque changement dans le Christ, c’est lui infliger un abaissement incompatible a ce sa gloire.

Au sentiment de Van der Galen, écrit M. Lepin, op. cit., p. 365, l’immolation constitutive du sacrifice eucharistique ne peut être cherchée que du côté de la matière première de l’oblation, le pain et le vin. Elle est à identifier avec la consécration, en tant que la consécration est acte de transsubstantiation. Le pain et le vin sont convertis au corps et au sang du Christ ; voilà l’unique changement qui se laisse découvrir à l’autel. Mais il est impossible de s’en tenir là ; la messe apparaîtrait comme étant purement et simplement un sacrifice de pain et de vin. Or, l’hostie véritable et proprement dite, offerte à Dieu sur l’autel, ce ne sont pas les aliments matériels ; c’est, sous leurs apparences, le Christ lui-même. C’est donc, semblc-t-il, sur le