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MESSE, THÉORIE DU SACRIFICE-IMMUTATION

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n’est pas toujours requise ; eu soi peut suffire toute espèce de destruction, pourvu que la signification symbolique du sacrifice y soit réalisée. L’application à l’eucharistie selon l’explication de Billot devient claire et facile. Ainsi la messe est un véritable sacrifice, puisque dans la consécration le Christ-homme est immolé mystiquement, et par cette immolation mystique offert à Dieu. Tractatus de sacramentis, Amsterdam, 1910, t. i, n. 469-471.

Labauche se rallie purement et simplement à la Ihèse de Billot, qui lui paraît plus simple que les autres. Leçons de théologie dogmatique, t. iv, Les sacrements, Paris, 1918, p. 303-305.

Tanquerey rappelle que l’opinion du cardinal Billot concevant le sacrifice de la messe comme une immolation mystique était commune chez les théologiens avant les controverses protestantes ; il s’y rallie pleinement, comme à l’explication plus probable. Synopsis théologien dogmaticæ, Paris, 1920, t. iii, n. 690. .Môme thèse, simplement esquissée, chez J. Grimai, Le sacerdoce et le sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 4e édit., Paris, 1923, plus développée dans Pègues, Commentaire littéral…, t. xviii, p. 415 sq.

6. Parmi les partisans de l’immolation mystique, il faut accorder une mention très spéciale.à J. A. Schwane († 1891), que M. Lamiroy place à tort, semble-t-il, parmi les disciples de Vasquez, et au P. Etienne Hugueny, O. P., en raison de l’harmonie que ces deux auteurs mettent entre la définition générale du sacrifice et la définition particulière du sacrifice eucharistique.

a) « Des divers essais d’explication et des multiples commentaires des théologiens du xvie et du xviie siècles, écrit Schwane, on peut inférer comme un résultat sûr que le sacrifice doit être distingué de l’oblation en général, et qu’il doit être entendu comme le don d’un bien visible, réellement existant, fait à Dieu par un rite symbolique prescrit ou approuvé par une autorité publique ou par Dieu, pour reconnaître son souverain domaine sur l’être et le non être. On a été conduit à plusieurs essais désespérés pour montrer dans la sainte messe une réelle destruction de la victime, parce qu’on la faisait entrer dans l’essence du sacrifice de la messe… On renonce donc à compter celle-ci parmi les éléments essentiels du sacrifice. Le sacrifice eucharistique est précisément un sacrifice tout particulier, et son accomplissement n’est que le renouvellement du sacrifice sanglant du Christ, représenté par la séparation sacramentelle et mystique du sang et du corps du Christ, sous les espèces séparées du pain et du viii, à l’égard desquelles les paroles de la consécration prononcées par le prêtre, de la bouche même de Notre-Seigneur, forment pour ainsi dire l’épée que le Seigneur employa d’abord lui-même, la veille de sa mort, afin d’exprimer sa plus parfaite immolation et qu’il a commandé à ses apôtres et à leurs successeurs d’employer jusqu’à la fin des temps. » Histoire des dogmes, tr. fr., Paris, 1904, t. vi, p. 633.

b) « Le sacrifice, déclare à son tour le P. Hugueny, est toujours un signe et n’est pas essentiellement une occasion… Ce signe doit être de lui-même expressif et non pas purement conventionnel, afin qu’il ait de quoi frapper les sens et favoriser, par cette impression sensible, le développement du sentiment d’adoration qu’il doit exprimer et éveiller ; mais sa signification doit être consacrée par l’autorité religieuse, à laquelle il appartient de choisir, entre les divers signes capables d’exprimer l’adoration, celui ou ceux qui deviendront pour tous le rite central du culte public. Nous exprimons ces différents caractères essentiels du sacrifice en le définissant : Une cérémonie symbolique naturellement et socialement expressive du culte d’adoration qui n’est dû qu’à Dieu. »

L’application de cette définition à la messe devient facile : « Rentré en gloire après l’immolation réelle et sanglante du Calvaire, Jésus ne pouvait plus être soumis à un nouveau crucifiement, mais les hommes avaient toujours besoin d’un rite sacrificiel qu’ils pussent répéter pour redire et éveiller efficacement chaque jour en leurs âmes les sentiments de sacrifice intérieur. Ce rite sacrificiel…, c’est la messe. La victime de la messe, c’est Jésus-Christ. Son prêtre principal, c’est encore Jésus-Christ… ; mais l’immolation qui constitue ce nouveau sacrifice n’est plus une immolation réelle, c’est une immolation mystique, une immolation représentative de l’immolation réelle du Calvaire, la représentation du Christ à l’état de mort, par la consécration séparée du pain en son corps et du vin en son sang. Cette immolation mystique est la seule possible, puisque le Christ est impassible ; c’est la seule qui puisse constituer un rite sacrificiel avec le Christ pour victime, puisque le Christ n’étant pas visible en lui-même, mais seulement sous les apparences, l’acte sacrificiel, pour être sensible, doit s’accomplir sous les apparences ou espèces eucharistiques. Enfin, cette immolation mystique… est suffisante. .. parce qu’elle est étroitement liée comme effet et comme signe à l’acte très réel d’offrande que la volonté du Christ a posé au Calvaire, et qui se renouvelle à l’autel ; suffisante aussi parce que, pour tous ceux qui croient à son institution divine et à la réalité du sacrifice du Calvaire, elle est bien un rite de par lui-même et socialement expressif de l’hommage d’adoration que nous ne devons qu’à Dieu et que nous ne pouvons lui rendre qu’en union avec notre Rédempteur. » Critique et catholique, Paris, 1914, t. iii, p. 236-237.

III. Deuxième conception générale : La messe,

SACRIFICE EN RAISON D’UN CHANGEMENT RÉEL APPORTÉ DANS LA MATIÈRE OFFERTE OU DANS LA

victime. — Pour mieux répondre aux critiques protestantes contre l’existence du sacrifice de la messe, un certain nombre de théologiens postérieurs au concile de Trente ont cru devoir ne pas s’en tenir à la conception d’un acte sacré, représentatif de l’immolation réelle du Calvaire ; mais ils ont voulu, jusque dans "le sacrifice eucharistique, retrouver l’élément d’immutation réelle, de destruction partielle ou totale de la victime qu’ils insèrent dans leur définition du sacrifice.

La théorie du sacrifice relatif, l’immolation mystique, l’immolation virtuelle elle-même ne suffisent point ; if faut, dans la chose offerte, un changement réel qui tende à sa destruction. Mais comment concevoir en Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’adorable victime de l’autel, ce changement destructeur ? Le Christ, présent sous les espèces sacramentelles, est désormais impassible et glorieux. Là se trouve donc le point difficile de la thèse, et c’est à résoudre cette difficulté que tendent les efforts des théologiens de cette école.

Sans doute, ces théologiens admettent la doctrine qu’on a exposée précédemment : la consécration est sinon l’unique élément essentiel de la messe, du moins l’élément principal de l’essence du sacrifice eucharistique. Tous reconnaissent l’existence de l’immolation mystique, non sanglante, constituée par la séparation sacramentelle du corps et du sang sous les espèces du pain et du vin. Mais, ainsi que le déclare Bellarmin, cette doctrine ne paraît pas satisfaire l’esprit au point de lui apporter un apaisement complet. Est-ce là le dernier élément du sacrifice ou faut-il pousser plus loin encore l’analyse théologique ?

Deux courants se partagent cette deuxième conception générale. Certains, considérant que le Christ est impassible sous les espèces sacramentelles, refusent de le soumettre à une immutation destructive ; cette