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MESSE. L’IMMOLATION MYSTIQUE : BILLOT


une. niais deux immolations du Christ, l’une sanglante, sur la croix, l’autre non sanglante, dans le sacrement. « Voilà les trois points, continue l’auteur, tirés de la doctrine du concile de Trente, qui nous permettent d’apporter à la question posée une solution… Il faut donc en inférer que le sacrifice de Ici messe n’est pas le même que celui de la croix, mais que ce sont deux sacrifices, différents et par le nombre et par l’espèce : le sacrifice consiste dans l’oblation ; les différents modes d’oblation feront donc les sacrifices différents. Si donc on rencontre fréquemment des textes qui paraissent allirmer le contraire, il faut les entendre en ce sens que, par une métonymie assez commune, le sacrifice y est pris pour la chose sacrifiée. Mais, en prenant le sacrifice pour l’action sacrificielle même, il est clair, et au delà de l’évidence, que ne peuvent constituer un sacrifice unique, ni numériquement, ni spécifiquement, les oblations dont la raison intrinsèque se manifeste à nous comme composée d’éléments opposés entre eux d’une manière contradictoire : oblation sanglante et oblation non sanglante ; immolation où intervient la mort de la victime, et immolation qui s’accomplit sans que la victime souffre quelque dommage réel ; sacrifice dont la nature n’affirme qu’une fois pour toutes la possibilité, et sacrifice qui a été institué précisément pour être renouvelé sur tous les points de l’univers, par toutes les générations, et jusqu’à la fin du monde. Nous ne rejetons pas pour autant ce que d’autres ont affirmé touchant l’unité du sacrifice du Christ. Nous confessons volontiers qu’il faut admettre une certaine unité et même, en son genre, une unité extrêmement étroite. Nous ne disons point que le sacrifice de la croix et le sacrifice de la messe sont disparates, comme s’ils n’avaient entre eux aucune liaison intime. Loin de nous cette pensée. Mais, si nous rejetons très résolument entre eux une unité spécifique et a fortiori numérique, nous affirmons d’autant plus fortement une unité d’ordre. Cette unité d’ordre consiste en ceci : le sacrifice de la messe suppose essentiellement le sacrifice de la croix ; il offre la même victime que le sacrifice de la croix, mais d’une façon non sanglante et sous un revêtement sacramentel qui exprime l’immolation sanglante de la croix. En conséquence, tout entier, le sacrifice de la messe se réfère à celui de la croix, dont il est la représentation et le mémorial perpétuel. »

d) Ces principes posés, Billot rejette l’opinion de ceux qui placent l’action sacrificielle dans la consécration en tant qu’elle serait : 1° avec certains auteurs (Tanner) la destruction de la substance du pain et de celle du via ; 2° avec Suarez, la destruction de la même substance, mais conjointement avec la production du corps et du sang du Christ ; 3° avec De Lugo, la position du corps et du sang de Jésus-Christ, c’est-à-dire du Christ lui-même en un état amoindri et diminué ; 4° avec Lessius, une immolation virtuelle : 5° avec Vasquez, une simple représentation de l’immolation sanglante de la croix. Et voici finalement la solution proposée. « La messe, dans son essence, consiste dans la seule consécration des deux espèces, bien qu’à l’action consécratoire doive s’adjoindre, par la nature même des choses, la communion du célébrant ; et c’est la raison pour laquelle la communion est prescrite par une loi dont il n’est pas possible d’accorder de dispense. Mais la consécration possède en soi la vraie raison du sacrifice, formellement et précisément, en tant qu’elle est une immolation non sanglante du Christ, représentative de l’immolation sanglante de la croix, cette représentation s’exprimant par la séparation sacramentelle ou mystique du corps et du sang sous les espèces distinctes du pain et du viii, » Cette séparation sacramentelle place, en e"et, le Christ à l’autel in habitu passionis et mortis

quam scmcl… pcrlulit in cruce (p. 633). C’est très exactement la position de Pasqualigo et de Bossuet. Comme Sahneron, d’ailleurs. Billot pose en principe que le sacrifice de l’eucharistie, parce qu’il est offert in specie aliéna, ne requiert pas d’immolation sanglante.

e) Quelques mots relatifs à la communion du célébrant montrent bien que le savant théologien n’a pas omis un dernier et très important aspect du sacrifice, f.es partisans du sacrifice-oblalion insistent fréquemment sur le commerce intime que le sacrifice établit entre l’homme et Dieu. Billot rappelle que la communion doit être jointe à l’oblation sacrificielle de la messe, et cela par la nature même des choses, quia consecratio ponit victimam sub speciebus cibi et polus, ac per hoc, ordinem dicit ad sumplionem ut ad complementum sacrosancti illius commereii , quod sacri ftcanles habemus cum Dco. P. 623.

5. La grande autorité de Billot a remis en honneur l’explication de Salmeron-Pasqualigo-Bossuet. Elle a conduit Gihr de l’opinion de Franzelin, que cet auteur avait primitivemnt professée à Fribourg, en 1877, à celle de l’immolation mystique, qu’il enseigna depuis ouvertement (1897), se référant directement à Pasqualigo, dont il reproduit en note deux passages expressifs. « D’une façon sacramentelle, quant aux signes extérieurs, le sang de Jésus-Christ est séparé de son corps et par conséquent répandu… Cette séparation sacramentelle du corps et du sang de Jésus-Christ ; cette immolation mystique suffit pleinement pour exprimer, d’une manière effective et symbolique, la disposition intime du Sauveur eucharistique, prêtre et hostie, c’est-à-dire pour accomplir le véritable sacrifice. Et vraiment le sacrifice est essentiellement un signe extérieur et symbolique du sacrifice intérieur, et pour cette signification l’effusion mystique du sang sur l’autel produit le même effet que cette effusion effectuée sur la croix. Cette immolation non sanglante et sacramentelle de l’Agneau eucharistique établit un sacrifice réel de Jésus-Christ sous les espèces étrangères du sacrement. L’eucharistie est un sacrifice mystique et sacramentel, et en même temps effectif et réel : Myslica nobis Domine prosil oblatio (Miss. rom.). »

Gihr note ensuite comment la messe n’est pas un sacrifice purement relatif : « La double consécration peut être considérée sous deux aspects différents ; c’est d’abord l’immolation mystique du Sauveur appelant sur l’autel son corps et son sang, d’où résulte ir.i sacrifice proprement dit ; c’est ensuite la représentation sensible du sacrifice du Calvaire. Une seule et même opération, la transsubstantiation des deux éléments réalise le caractère d’un sacrifice à la fois absolu et relatif, c’est-à-dire d’un sacrifice véritable en soi, mais qui, par sa nature intrinsèque, se rapporte au sacrifice de la croix et le reproduit sous nos yeux. »

Dans sa conclusion, Gihr insiste sur la part prise par Jésus-Christ dans l’immolation actuelle de la messe : « L’essence complète du sacrifice eucharistique repose donc dans l’effusion mystique du sang opérée par la transsubstantiation des deux éléments, en tant qu’elle est l’expression réelle de lu volonté de Jésus-Christ de. se sacrifier actuellement, et du don de lui-même sur l’autel, et en tant qu’elle représente et renouvelle à la fois le sacrifice sanglant de la croix. » Le saint sacrifice de la messe, tr. fr. de L.-Th. Moccand, Paris, 1900, t. i, p. 125-126.

Van Noori se rattache aussi à Billot, dont il proclame verior la solution. Toutefois, en définissant le sacrifice par. la destruction réelle de la victime, Van Noort reconnaît que ce n’est là qu’une opinion plus probable, à laquelle il se rallie comme telle. Mais, parce que la fin essentielle du sacrifice est de signifier notre soumission parfaite à Dieu, la destruction réelle