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    1. MARONITE (EGLISE)##


MARONITE (EGLISE), PATRIARCHES XIX « SIÈCLE

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se produisirent, et c’est ce qui motiva la réforme de 1736. Voir une lettre de trois évêques maronites, adressée à Rome le 28 février 1733, dans le cod. vat. lat. 7262, fol. 178 r° et V. Mais c’étaient des cas isolés dont, parfois, on exagéra la portée. On pourrait citer ici quelques témoignages intéressants ; contentons-nous de renvoyer aux textes suivants : une lettre du P. Fromage, S. J., dans les Lettres édifiantes, Levant, t. i, Lyon, 1819, p. 406 sq. ; le comte Volney, Voyage en Egypte et en Syrie pendant les années 1 783, 1 784 et 1785, t. ii, 1792, p. 18 ; H. Guys, Beyrouth et le Liban, Relation d’un séjour de plusieurs années dans ce pays, t. ii, Paris, 1850, p. 185-187. Ces témoignages sont d’autant plus probants que leurs auteurs, témoins oculaires et, d’un esprit observateur, ne manquent pas de relever les abus quand ils en rencontrent.

Somme toute, le régime des monastères mixtes n’impliquait pas grand danger pour la vertu, pas plus que la présence de sœurs dans les évêchés et les séminaires d’Occident n’entrave l’observation des vœux religieux et des obligations de l’état clérical. Dans ces conditions, les autorités locales responsables ne saisissaient pas trop l’urgence de la réforme. Ils la pressaient d’autant moins que beaucoup d’obstacles, même d’ordre matériel, s’opposaient à sa réalisation. Voir le synode de Békorki, tenu en 1790, sess. vii, dans’Abboud, Relazioni, t. ii, p. 577-580. Au surplus, à l’imitation du deuxième concile de Nicée, le synode du .Mont-Liban tolère les monastères déjà existants, mais à la condition que les moines et les nonnes habitent deux corps de bâtiments, entièrement séparés. Part. IV, c. ii, n. 16.

Quoi qu’il en soit, il fallut attendre l’avènement du patriarche Hobaïch pour assister à la disparition complète des monastères mixtes. Sa lettre du 26 septembre 1826, adressée aux communautés de moniales et de femmes dévotes vivant à la manière des religieuses, donna au régime le coup de grâce.

D’autres obstacles, d’ordre économique ou même politique, entravèrent l’application de la réforme relative à la résidence des évêques. On ne crée pas des évêchés du jour au lendemain, surtout quand les circonstances ne s’y prêtent pas. Nous avons dit qu’avant le synode du Mont-Liban, les évêques, considérés comme vicaires du patriarche, demeuraient généralement près de celui-ci ou habitaient un monastère ou un ermitage. Ayant divisé le patriarcat en éparchies, l’assemblée de 1736 leur imposa l’obligation de la résidence. A défaut de maisons épiscopales, les titulaires des nouveaux diocèses se fixèrent où ils purent, de préférence dans des couvents placés sous le patronage de leurs parents ou d’une famille qu’ils connaissaient, même en dehors de leur territoire. Cette situation ne tarda pas à engendrer des inconvénients graves, si bien que le synode de’Aïn-Chaqiq, en 1786, à la demande des notables de la nation, jugea nécessaire de rétablir la résidence des évêques auprès du patriarche. Texte dans’Abboud, op. cit., t. ii, p. 493 sq. Les actes de cette assemblée, on l’a dit, furent annulés par Pie VI et les évêques continuèrent d’agir comme par le passé jusqu’en 1818. Le synode de Loaïsah fixa le couvent où chacun d’eux vivrait, mais il fallut attendre le patriarcat de Joseph Hobaïch (1823-1845) pour voir l’application définitive des décrets concernant la résidence. A partir de 1835, les prélats maronites commencèrent à doter de demeures épiscopales leurs éparchies respectives. Actuellement, la résidence est strictement observée et chaque diocèse possède son évêché. Debs, Histoire de la Syrie, t. viii, p. 769-770 ; P. Chebli, Biographie du patriarche Douai hi, p. 40-41.

Jean El-Hélou mourut le 12 mai 1823. Son successeur, Joseph Hobaïch (Habaisci), fut élu le 25, intronisé le 29, et le P. Basile Dursun, du couvent arménien

de Koraïm, partit pour Rome afin d’accomplir les démarches d’usage. Hobaïch n’avait ni l’âge canonique (40 ans) ni la majorité des deux tiers, requise pour l’élection patriarcale. La Propagande, en examinant le dossier électoral, constata ces défauts, suffisants pour entacher de nullité l’acte du 25 mai 1823. Mais le pape valida et confirma l’élection au consistoire du 3 mai 1824. Les pièces relatives à cette question sont dans le Bullarium pontificium S. Congregat. de prop. fide, t. v, p. 1-11 ; Anaïssi, Bull., p. 487-501.

Énergique, tenace, d’une piété exemplaire et d’une pureté de vie et de doctrine irréprochables, Hobaïch dirigea toutes ses pensées vers l’observation des canons réformateurs du Mont-Liban, l’éducation du jeune clergé et la protection de la foi catholique dans les âmes populaires. Un danger nouveau menaçait celle-ci : des protestants venaient d’arriver à Beyrouth et commençaient leur propagande. Hobaïch édicta des mesures rigoureuses et brandit la menace des peines ecclésiastiques pour arrêter l’action des nouveaux venus.

Le coiiège de Rome n’existait plus depuis 1808 Le patriarche eût voulu le ressusciter ; mais les circonstances firent échouer ses démarches. Voir les deux brefs Magno semper, . Il janvier 1830, et Etsi dubium, 14 juillet 1832, dans Jus pontifie, t. iv, p. 723 ; t. v. p. 47-48. Il dut donc pourvoir à la formation cléricale avec les moyens dont il disposait sur place. Il le fit en réorganisant le séminaire de’Aïn-Warqa et en érigeant deux nouveaux, celui de Mar-’Abda Harharaïa, en 1830, et celui de Mar-Sarkis et Bakhos (saints Serge et Bacchus), en 1832. Comme’Aïn-Warqa et Roumimiyah, les deux nouveaux séminaires ont rendu à l’Église maronite de très grands services. De plus, en 1840, Hobaïch fonda et dota la société dite des missionnaires évangéliques, laquelle, toutefois, ne lui survécut pas longtemps.

Sans se lasser, il rappelait prêtres et moines à l’observation des articles conciliaires, et, sous son pontificat, l’organisation paroissiale, notamment, fit un sérieux progrès.

Malheureusement, Hobaïch ne déployait pas le même zèle pour le maintien des traditions liturgiques, même de celles qu’avait sanctionnées l’assemblée de 1736. Sur ses instances, le Saint-Siège approuva l’édition d’un nouveau rituel, préparé sous le précédent patriarcat, mais que le secrétaire de la Propagande, Angelo Mai, plus tard cardinal, avait sévèrement censuré. Ce rituel, il faut bien le dire, n’est pas celui de l’Église maronite. P. Dib, La liturgie maronite, p. 89104. Aux yeux des liturgistes au moins, cette malencontreuse réforme du rit traditionnel projette une ombre sur ce pontificat, par ailleurs si bienfaisant.

Sa droiture, sa fermeté, sa sincérité valurent à Hobaïch non seulement la vénération de son clergé et de sa nation, mais l’estime des autorités ottomanes elles-mêmes. La Porte lui accorda la faveur d’avoir un chargé d’affaires à Constantinople, et lui envoya le medjidié de l re classe, distinction rare à cette époque. Les soucis de l’administration spirituelle n’empêchèrent pas Hobaïch de veiller aux intérêts temporels de son peuple. Afin de les mieux connaître et de les gérer plus efficacement, il établit le système de deux résidences : l’une, pour l’hiver, à Békorki, et l’autre, pour l’été, dans la région des cèdres. Mais, au lieu de laisser cette dernière dans la vallée de Qannoùbîn, difficilement accessible, il la transféra à Dîmàn, localité voisine, dominant la vallée. Il y bâtit une église et à côté d’elle, un cloître.

Les événements tragiques de 1841 remplirent les dernières années du pontificat de Hobaïch de tristesse et d’amertume. Us fournirent aussi au patriarche, auquel ils imposèrent de lourds sacrifices et de cruelles