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MESSE. I, IMMOLATION MYSTIQUE : BOSSUKT
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Bec. de façon à établir une sorte d'équation constante entre ces deux choses. Sans doute, Bossuet insiste sur la présence eucharistique, comme sur le

pivot de toute la discussion relative au sacrifice. Mais, s’il parle ainsi, c’est que la présence réelle par la transsubstantiation et telle que renseigne l’Eglise catholique, est le fondement, le principe d’où suit le sacrifice. Voir Exposition, n. 14. Tout le contexte indique bien que l’oblation [ircsuppose la présence. Le sacrifice est une suite de la réalité », explique Bossuet lui-même. Fragment IV en réponse aux écrits /ails contre le livre de l’Exposition. Œuvres, t. viii, p. 711. La doctrine de la présence réelle infère celle du sacrifice. > Réflexions sur l'écrit de Molanus, t. ix, p. 504. Le sacrifice n’est qu’une suite nécessaire et une explication naturelle t de la doctrine de la présence réelle. Exposition, n. 16, t. viii, p. 633. Et la raison est que la présence réelle, selon l’institution du Christ, n’est réalisée que par la séparation sacramentelle du corps et du sang, par voie de transsubstantiation.

<I. Quatrièmement, quand Bossuet déclare qu' « il y a sacrifice véritable, parce que Jésus-Christ en personne s’ofre à son Père sous les signes de son immolation passée », il n’exclut pas l’immolation actuelle de Jésus par le prêtre visible : « dans l’oblation que nous faisons du corps de Jésus-Christ, c’est luimême qui s’offre ^.Explication…, n. 11, p. 329. Et cette oblation est impliquée dans la consécration. Par les paro’es de la consécration, en effet, « non seulement Jésus <e met lui-même sur la sainte table, mais ercore il se met revêtu des sigres représentatifs de fa mort… Jésus-Christ présent y renouvelle la mémoire de son obéissance jusqu'à la mort de la croix et l’y perpétue en quelque sorte… C’est pour ce’a que r.ous disons que Jésus-Christ s’offre… Il r.c faut pas discuter du mot. Si l’on entend par (ffrir l’oblation qui se fait par la mort de la victime, il est vrai que Jésus ne s’offre plus. Mais il s’ofre, en tant qu’il paraît pour nous, qu’il se présente pour nous à Dieu, qu’il lui remet devant les yeux sa mort et son obéissance, i Explication de différents points de controverse, t. ix. p. 387.

En bref, oblation-immolation réelle et sanglante à la croix ; oblation-immolation actuelle mais mystique, à l’autel, la seconde n’impliquant pas l’insuffisance de la première, mais continuant l’intercession et la propitialion du Calvaire. Cf. Exposition… n. 15, t. viii, p. 631 ; Fragments, IV, De l’eucharistie, n. 17, id., p. 713, et surtout Explication de la messe, n. 25, t. ix, p. 338, où Bossuet explique par la prophétie de Malachie le sens précis du mot oblation appliqué à l’eucharistie : Oblation non-sanglante, présent où il n’y a pas de victime égorgée.

c) Cette mise au point de la pensée de Bossuet nous permet d'étudier chez le même auteur le rapport de l’oblation eucharistique à l’oblation de Jésus au ciel. Dans les derniers passages auxquels nous nous sommes référé, le deuxième sens du mot' « offrir » (l’oblation par la présence devant Dieu en une figure d’immolation ou de mort, sans qu’intervienne la mort réelle) est appliqué aussi bien à l’intercession toutepuissante de Jésus au ciel qu'à son immolation mystique dans l’eucharistie : Poser devant Dieu le corps et le sang dans lesquels étaient changés le pain et le vin, c'était, en effet, les lui offrir ; c'était imiter sur la terre ce que Jésus-Christ fait dans le ciel, lorsqu’il y paraît pour nous devant son Père, comme dit saint Paul, Hebr., vii, 25 ; ix, 24, 26. C’est aussi à quoi revient ce que dit saint Jean dans son Apocalypse, v. 6. lorsqu’il y vil l’Agneau devant le trône, vivant à la vérité, puisqu’il est debout, mais en même temps comme immolé et comme mort, à cause des cicatrices

de ses plaies et des marques qu’il conserve encore, dans la gloire, de son immolation sanglante… Il est à peu près dans ce même état sur la sainte table, lorsqu’en vertu de la consécration, il y est mis tout vivant, mais avec des signes de mort, par la séparation mystique de son corps d’avec son sang. » Explication de la messe, n. 9, t. ix, p. 326-327.

Le rapprochement de l’intercession céleste et du sacrifice terrestre, dans la pensée de Bossuet, semble avoir une double raison d'être. D’abord, il montre aux protestants que le sacrifice eucharistique ne fait nullement tort au sacrifice de la croix : « De penser maintenant que cette manière dont Jésus-Christ se présente à Dieu fasse tort au sacrifice de la croix, c’est ce qui ne se peut en façon quelconque… car il faudrait conclure, par la même raison, que lorsqu'// continue de paraître pour nous devant Dieu, Hebr., ix, 2-1, il affaiblit l’oblation, par laquelle il a paru une fois par l’immolation de lui-meme, id., 26 ; et que, ne cessant d’intercéder pour nous, vii, 25, il accuse d’indigence l’intercession qu’il a faite en mourant, avec tant de larmes et de si grands cris, v, 7. » Exposition… n. 15, p. 632. Ensuite, il nous fait entendre comment l’oblation de Jésus présent dans l’eucharistie sous des signes de mort est tout aussi efficace sur la miséricorde divine que l’intercession du Sauveur glorifié, mais encore marqué des stigmates de la passion et de l’immolation sanglante. Bien loin que l’enseignement de l’Apôtre dans l'Épître aux Hébreux sur la présence de Jésus intercédant pour nous dans le ciel, empêche la présence eucharistique et l’oblation sur l’autel, il nous sert, au contraire, à mieux comprendre l’utilité et l’efficacité de cette présence et de cette oblation terrestres. Mais l’oblation céleste de Jésus ne doit pas être conçue comme un élément du sacrifice eucharistique ; ' le sacrifice de la messe ne saurait être dit purement et simplement le sacrifice du ciel rendu présent sur nos autels ; il y a sur l’autel quelque chose, la consécration du pain et du vin au corps et au sang sous des espèces séparées, qui apporte à la inesse un élément sacrificiel qui fait défaut dans l’intercession de Jésus au ciel : « Pour nous répliqner maintenant qu’on offrait Jésus-Christ comme étant au ciel, il faudrait avoir oublié ce qu’on a vu tant de fois, que ce qu’on offrait, on le formait sur l’autel des dons qu’on y apportait, c’est-à-dire du pain et du vin. » Explication de la messe, n. 9, p. 327. C’est pourquoi il n’y a pas ombre de difficulté à dire que ce sacrifice est un sacrifice de pain et de viii, parce qu’il se fait de l’un et de l’autre. Id., n. 13. — Il faut donc tenir fermement que Bossuet envisage que le sacrifice de la messe est l’oblation du corps et du sang du Christ, actuellement rendus présents sur l’autel par la consécration du pain et du viii, et mystiquement séparés sous les espèces sacramentelles, Jésus-Christ étant revêtu, par cette séparation mystique, des signes de mort représentant son immolation sanglante au Calvaire et réalisant présentement son immolation nustique sur l’autel.

rf) Un dernier point de doctrine catholique est mis en relief d’une façon saisissante par l'évêquc de Meaux : c’est l’union de l'Église à son chef dans le sacrifice. L'Église offre avec Jésus-prêtre ; l'Église s’offre avec Jésus-victime. Explication, n. 3, 36, 37.

Sans doute, dans l’oblation du corps et du sang du Sauveur, c’est toujours Jésus Christ l’offrant principal :

Dans ce sacrifice, Jésus-Christ est le véritable sacrificateur, qui s’offre encore lui-même…, étant l’instituteur de

cette oblation, c’est en son nom et par son autorité qu’on la continue. Id., n. ii, p. 329. Mais l'Église qui, au nom et par le pouvoir que lui confère le Christ, offre le pain ci le vin pour en faire le corps et le sang, et qui ensuite, offre