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    1. MESSE AU CONCILE DE TRENTE##


MESSE AU CONCILE DE TRENTE, PORTÉE DU DÉCRET

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écartera donc le déplorable usage des messes ou des cierges eu nombre fixe, en ayant soin d’enseigner au peuple quel est et d’où provient le fruit du saint sacrifice. Les fidèles seront également avertis d’aller souvent à leur paroisse, au moins les jours de dimanche et de fêtes.

Ces dispositions se terminent par une clause juridique qui en indique à nouveau le sens, et donne aux évëques pleins pouvoirs pour y ajouter toutes celles qu’il jugeront utiles :

Ha ?c igitur oninia, quæ Toutes les mesures qui summatim enumerata sont, viennent d’être ici sommaiomnibus locorum Ordinariis renient énumérées sont proita proponuntur ut non soposées aux Ordinaires respeclum ea ipsa, sed queecumque tifs de telle sorte que, non alia hue pertinere visa fueseulement pour elles mais rint, ipsi pro data sibi a sacropour toutes celles qui leur pasancta synodo potestate ac raîtront tendre à la même etiam ut delegati Sedis fin, en vertu du pouvoir qui iVpostolicæ prohiberait, manleur est accordé par le saint dent, corrigant, statuant concile et aussi comme déléatque ad ea inviolate sergués du Siège apostolique, ils vanda censuris ecclesiasticis puissent interdire, ordonner, aliisque pœnis, quoe illorum corriger, décider et, pour les arbitrio constituentur, fidefaire observer inviolableleiD populum compellant. ment, porter des censures ou Non obstantibus privilegiis, autres peines ecclésiastiques exemptionibus, appellationi- à leur discrétion en vue d’y

bus et consuetudinibus qui buscumque.

contraindre le peuple fidèle.

Ce nonobstant tous privi lèges, exemptions, appels et

coutumes, quels qu’ils soient^

Si, par le détail des mesures qu’elle prend ou autorise à prendre, cette partie pratique de la xxiie session intéresse l’histoire des institutions et du droit, on voit aussi combien elle est étroitement coordonnée à la partie doctrinale, puisqu’il ne s’agit dans celle-là que d’assurer au sacrifice eucharistique, proclamé comme un dogme de l’Église parcelle-ci, le respect qui lui est dû. Tout en ayant l’air de ne s’en prendre qu’à des abus, c’est à la doctrine même de la messe que la Réforme s’était attaquée. Après avoir tout d’abord, comme il convenait, donné à sa foi traditionnelle le rempart d’une définition contre ses ennemis du dehors, l’Église a pris également soin de la protéger contre les désordres qui pouvaient la menacer du dedans.

3° Portée de l’œuvre conciliaire. — Malgré l’œuvre de loyale réforme que le concile de Trente s’est préoccupé d’accomplir, on ne pouvait s’attendre à ce que son effort eût raison des préjugés que la passion polémique de ses adversaires avaient élevés à la hauteur d’un dogme. C’est pourquoi, aussi bien que dans la Confession d’Augsbourg, le papisticum missse sacrificium est réprouvé dans la Formule de Concorde (1578). Epilome, vu. 2, dans J.-T. Muller, Die symbol. Bûcher, p. 542. Cf. Sol. decl.. vii, 109, ibid., p. 671 : Reprobamus et damnamus etiam omnes alios ponti/icios abusas hujus sacramenti, imprimis vero abominalionem sacrificii missse pro vivis et defunctis.

C’est pourquoi les controversistes postérieurs n’ont pas cessé de reprendre les vieux griefs de Luther contre la messe catholique. Voir par exemple Chemnitz, Examen conc. Trid., pars II a, édit. de Genève, 1641, p. 332-369, qui suit pas à pas le décret de la xxiie session pour établir la pontificiæ missie abominalio ; J. Gehrard, Confeseio eatholica, t. II, pars II a, a. xv, édit. de Francfort, 1679, p. 1200-1250. Si les célèbres I.ini theologici de celui-ci n’ont rien sur la messe, leur dernier éditeur, J. Fr. Cotta, a eu bien soin de combler cette lacune. Voir Loc. theol., t. x, Tubinguc, 1770, Suppl., p. 446-459. Fn regard de ces diverses attaques, le meilleur spécimen de la controverse catholique est encore constitué par les deux livres de Bellarmin, De sacriflcio missse, dans Opéra omnia

édit. Vives, Paris, 1872, t. iv, p. 296-434, qui suivent l’ordre même de concile de Trente.

Généralement moins agressive de forme, l’opposition de la Réforme reste aujourd’hui encore tout aussi résolue au fond. Voici, pour ne citer qu’un seul exemple, le jugement formulé par un des plus modérés parmi les historiens protestants du dogme, R. Seeberg, Dogmengeschichle, t. iv b, p. 797 : « Tous les artifices d’exégèse et de dialectique ne sauraient pourtant dissimuler que la messe est, dans l’ensemble de la doctrine chrétienne, un corps étranger. Cette conscience explique la polémique implacable des réformateurs contre ce morceau de la tradition ecclésiastique. » Et c’est assez dire l’effort qui s’imposeaux théologiens catholiques pour défendre, sur le double terrain de la synthèse dogmatique et de l’histoire, la foi dont le concile de Trente a promulgué la solennelle expression.

D’autre part, le dogme du sacrifice de la messe soulève toutes sortes de questions théologiques sur ses éléments, sa nature et ses effets. Elles ne se posèrent jamais plus clairement qu’après la définition dogmatique : comme toujours, après avoir affirmé la foi, il s’agissait de l’expliquer. « Il aurait fallu des volumes pour résoudre tous les problèmes touchés par la scolastique à ce sujet sans être résolus en formules nettes », Ad. Harnack, Dogmengeschichle, t. iii, 4° édit., p. 704, et l’auteur semble reprocher aux Pères de Trente d’avoir négligé cette tâche. C’est confondre le rôle du magistère et celui de la théologie. Il appartient à l’autorité de fixer la tradition authentique de l’Église, à l’École d’en entreprendre l’analyse et d’en tenter la systématisation.

Au concile de Trente l’Église doit la promulgation officielle, contre les négations protestantes, de cette croyance au sacrifice eucharistique dont elle avait paisiblement vécu jusque-là. Mais un effort restait à faire pour en élaborer la théorie, effort d’autant plus intense que la matière était ici plus complexe et plus discutée. A cette œuvre, dont la tradition fournissait tout au plus les matériaux, allaient désormais s’adonner les théologiens postérieurs. Kn l’absence de toute monographie, constatée par O. ScheeL art. Opfer, dans Die Religion in der Gegentnart und der (leschichte, t. iv, Tubinguc, 1913, col. 975, il ne reste, pour connaître les positions de la Réforme au sujet de la messe et de la définition que le concile de Trente lui opposa, qu’à consulter les indications, ici particulièrement rapides et naturellement fort tendancieuses, qui sont contenues dans les histoires générales du dogme. Les plus utiles sont : Ad. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichle, 4e édit., t. III, Tubingue, 1910 ; F. Lools, Leit/aden 7111Il Sludium der Dogmengeschichle, 1e édit., Halle, 1906 ; H. Seeberg, Lehrbuch der Dogmengeschichle, t. iv, en deux parties, Leipzig, 1917 et 1920. Quelques brels renseignements sont également fournis par F. Katlenhusch, art. Messe, dans Reulencyclopàdie fur protestantische Théologie und Kirche, t.xii, Leipzig, 1903, p. 690-694, et F. Chaponnière, art. Messe, dans Encgclopédie des sciences religieuses, t. IX, Paris, 1880, p. 107-109.

Il n’existe pas davantage de monographie catholique. Mais cette période est assez largement traitée dans les ouvrages qui ont retracé [’histoire de la systématisation théologique en la matière : H. I.âmmer, Die uortridentinischkathohsche Théologie, Berlin, 1858 ; Fr. Renz, Die Gesehichte des Messopfer-Begriffs, Frisingue, t.n, 1902, p. 1-176 ; M. Lepin, L’idée du sacrifice de lu messe d’après les théologiens, Paris, H121°), p. 241-331. Les" uns et les autres doivent d’ailleurs être complètes par le recours aux actes de la xir session du concile île I rente, publiés par Et, Flises,

Concilium Tridenlinum, t. viii : Actorum purs l’Fribourgen-B. , 1919. Étude sommaire de ces derniers par P. Jonglas, Die Lehre des Konztls von Trient Ùber das heilige Messopjer, dans Ronner /cilsehri/l /tir Théologie und

Seelsorge, 1925, t. 11, p. 193-212.

J. Rivière.