Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/574

Cette page n’a pas encore été corrigée

1133 MESSE AU CONCILE DE TRENTE, LE DÉCRET : TENEUR DOGMATIQUE 1134

par là les adopter ou les interpréter officiellement.

b) Condamnation des erreurs protestantes. — A la doctrine ainsi déduite en tente sérénité il ne restait plus qu'à joindre la condamnation des erreurs qui la menacent : c’est l’objet des deux premiers canons.

Can. I. Si quis dixerit in Si quelqu’un (lit que dans missa ii on offerri Deo veruni la messe n’est pas offert à et proprium sacriflelum, aut Dieu un vrai et propre sacriquod olïerri non sit aliud lice, on que être offert ne quam nobis Cliristum ad signifie pas autre ebose que nianducandum dari, A. S. le fait pour le Christ de nous

Denzinger - Bannwart, n. être donné en nourriture,

948 ; Cavallera, n. 1096. qu’il soit anathème.

La première phrase de ce canon ne fait que dégager la doctrine diffuse dans le chapitre, en affirmant qu’il y a ici un « sacrifice véritable et proprement dit ». Formule très suffisante pour exclure la notion d’un sacrifice métaphorique, translato nomine særificium, qui figurait encore nommément dans le projet du 6 août, p. 754, mais a disparu des rédactions subséquentes. En revanche, là où ce texte disait formellement : missam esse særificium, le concile a substitué l’expression plus réservée : in missa offerri… særificium, reprise, intentionnellement sans nul doute, du projet rédigé en 1552. Theiner, t. i, p. 646. C’est évidemment la même doctrine, mais avec une nuance de subtilité qui a probablement sa source dans la diversité des éléments dont se compose la messe. Le concile n’a pas voulu dire que tout cet ensemble de prières et de gestes liturgiques est un verum et proprium særificium : il suffit à l'Église que ce « vrai et propre sacrifice » y soit contenu, ' sans qu’il soit besoin de savoir au juste en quel endroit et même avec la certitude que ce n’est pas partout. On entendra dans le même sens le missw særificium dont il est question aux canons 3 et 4.

A cet énoncé du dogme catholique essentiel le concile joint la réprobation expresse de l’erreur protestante qui consistait à équiparer sans plus le concept de sacrifice à celui de communion : ce qui était une manière d’annuler pratiquement celui-là. Cette phrase du canon se rattache à la partie du c. i qui marque la communion des apôtres à la cène, et le précepte de la renouveler au nom du Christ comme deux actes distincts et successifs.

Du sacrifice qu’affirme le canon 1, le suivant précise l’origine :

Can. 2. Si quis dixerit illis Si quelqu’un dit que, par verbis : Hoc facile in meam ces paroles : Faites ceci en commemorationcm Cliristum mémoire de moi, le Christ n’a non instituisse apostolos sapas institué ses apôtres cerdotes, aut non ordinasse prêtres, ou n’a pas disposé ut ipsi aliique sacerdotes qu’eux-mêmes et les autres offerrent corpus et sanguiprêtres offrissent son corps et nem suum, A. S. son sang, qu’il soit anathème.

Denzinger - Bannvvart, n.

949 ; Cavallera, n. 1096.

Ce canon avait essentiellement pour but de condamner les protestants, qui déniaient à cette parole du Christ toute signification à l'égard du sacerdoce et du sacrifice futurs. On le voit par l’art. 3 proposé aux théologiens de 1551, Theiner, t. i, p. 602, et par la question m soumise à ceux de 1562. Ehses, p. 719. Mais le projet du 6 août, ibid., p. 751, ne portait pas la phrase : instituisse apostolos sacerdotes, qui fut seulement introduite dans celui du 5 septembre, alors can. 3, p. 911. Elle était évidemment appelée par la logique, puisqu’on enseignait que « les apôtres et les autres prêtres ». apostoli et alii sacerdotes, can. 4, p. 754, avaient reçu à ce moment-là le pouvoir d’offrir le corps du Christ. Quelques Pères cependant, comme on l’a vii, ne croyaient pas opportun de trancher ainsi en passant une question qu’ils croyaient controversée. Le concile passa outre à leurs scrupules et maintint dans le canon 2, aussi bien que dans le c. i, le fait de

l’ordination des apôtres à la cène, qui était indispensable pour sauvegarder la corrélation du sacerdoce et du sacrifice.

Dans le projet du 5 septembre, l’ordre de nos canons 2 et 3 était interverti. A la dernière minute, on fit passer du troisième au second rang celui qui visait l’institution du sacrifice eucharistique, de manière à ce qu’il fût à la suite immédiate du canon 1 er qui en affirme la réalité. Ce détail de distribution révèle le souci de faire cadrer l’ordre des canons avec celui des chapitres. Un avantage logique en est résulté par surcroît : celui de mieux grouper les enseignements de l'Église sur la vérité du sacrifice de la messe, qui forme ainsi très nettement l’unique objet de cette première section.

3. Nature du sacrifice eucharistique.

Suivant l’adage : operatio sequitur esse, l’efficacité du sacrifice de la messe dépend tout à la fois de sa nature en même temps qu’elle contribue à l'éclairer. C’est pourquoi ces deux thèmes se mêlent un peu au cours du c. ii, où il n’est pourtant pas impossible de les distinguer.

Et quoniam in divino hoc sacrificio, quod in missa peragitur, idem ille Christus continetur et incruente immolatur qui in ara crucis semel seipsum cruente obtulit, docet sancta synodus særificium istud vere propitiatorium esse… t’na enim eademque est hostia, idem nunc oflerêns sacerdotum ministerio qui seipsum tune in cruce obtulit, sola offerendi ratione diversa,

DenzingerBannwart, n. ! H0 ; Cavallera, n. 1088.

Ht parce que, dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ est contenu et immolé" d’une manière non sanglante, qui s’est offert luimême une seule fois sur l’autel de la croix d’une manière sanglante, le saint concile enseigne que ce sacrifice est véritablement propitiatoire… C’est, en effet, une seule et même hostie, et le même l’offre maintenant par le ministère des prêtres qui s’offrit alors lui-même sur la croix, la seule différence étant dans la manière de l’offrir.

Comme on le voit, le but du concile est ici d'établir le caractère propitiatoire de la messe. Mais, pour en justifier l’affirmation, il est conduit à l’eneadrer de prémisses dogmatiques sur la nature de ce sacrifice, dont son efficacité est ensuite la conséquence. Ce thème était déjà touché au chapitre précédent, où l’on voit que le Christ, « après s'être offert lui-même une seule fois, par sa mort, sur l’autel de la croix », offre ensuite à Dieu le Père « son corps et son sang sous les espèces du pain et du vin », ordonnant à ses apôtres d’en faire autant, de sorte que la nouvelle Pàque, c’est « lui-même immolé par l’Eglise sous des signes visibles grâce au ministère des prêtres ». Mais ces données sont ici reprises en vue de les mieux préciser.

L’idée dominante est d’affirmer l’absolue identité du sacrifice de la messe et du sacrifice de la croix. En effet, « le même Christ y est contenu » et le concile d’ajouter un peu plus loin, en reprenant les éléments constitutifs du sacrifice, qu’il y a dans les deux la même hostie, una eademque hostia, et le même prêtre, idem offerens. Toute la différence est dans les modalités accidentelles, dont deux sont spécialement relevées : le sacrifice de la croix fut sanglant, tandis que celui de la messe ne l’est plus ; là c’est le Christ qui s’offrit en personne, au lieu qu’il s’offre ici » par le ministère des prêtres ». Ce disant, le concile ne faisait que reproduire les principes élémentaires de la foi traditionnelle.

En vain y chercherait-on après cela le moindre essai de spéculation systématique. L’histoire établit que les théories futures sur l’essence du sacrifice de la messe n’existaient pas encore et le concile, en tout cas, a eu bien garde d’incorporer les ébauches qui en purent se produire dans son sein. Sans doute y est-il parlé