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1129 MESSE AU CONCILE DE TRENTE, LE DÉCRET : TENEUR DOGMATIQUE 1130

évidemment être rattachées à ce qui était dit un peu plus haut de la « foi » à garder et des « hérésies » à combattre sur le mystère de l’eucharistie ». Ainsi la messe est formellement incluse dans ce dépôt divin dont l'Église sait avoir la garde. La nature de cet oh et et la teneur des formules employées à son endroit s’accordent à faire du texte qui va suivre une solennelle expression du magistère ecclésiastique. En conséquence, le décret devra servir de norme à la prédication : cette mesure pratique achève d’en indiquer la souveraine valeur.

b) Canons. — De ce prologue qui ouvre le décret il faut rapprocher le c. îx qui le termine en introduisant les canons destinés à lui servir de complément.

Mais parce que, à rencontre de cette vieille foi fondée sur le saint Évangile, les traditions des apôtres et la doctrine des saints Pères, beaucoup d’erreurs ont été répandues de notre temps, qu’on voit se produire en grand nombre toutes sortes d’enseignements et de disputes, le saint concile, après avoir mûri cette matière en de nombreuses et graves délibérations, d’un accord unanime, a résolu de condamner ce qui s’oppose à cette très pure foi et sainte doctrine et de l'éliminer de la sainte Église par les canons ci-après.

Quia vero adversus veterem hanc in sacrosancto Evangelio, apostolorum traditionibus sanctorumque Patrum doctrina fundatam fidem hoc tempore multi disseminati sunt errores, multaque a multis docentur atque disputantur, sancta synodus, post multos gravesque lus de rébus mature habitos tractatus, unanimi omnium consensu qure huic purissinue fidei sacrneque doctrinse adversantur damnare et a sancta F.cclesia eliminare per subjectos hos canones eonstituit.

Denzinger - Bannwart, n. 247 ; Cavallera, Thésaurus, n. 1095.

Ce texte confirme de tous points l’impression qui résultait déjà du prologue, savoir que les précédents chapitres avaient pour but et pour objet de promulguer la foi de l'Église. Le concile prend même ici la peine d’en rappeler expressément les sources : « Évangile », « traditions des Apôtres » — celle-ci est une addition par rapport au projet du 5 septembre — « doctrine des Pères ». On ne saurait mieux marquer que cet exposé doctrinal sur la messe appartient à la révélation.

Mais cette « foi » est aujourd’hui menacée par une profusion d' « erreurs » : ce terme plus théologique a été substitué au mot libelli que portait le texte primitif. Le contexte oblige à prendre dans le même sens les « enseignements » et « disputes » dont la mention suit. Il s’agit évidemment là des polémiques soulevées par les adversaires, ainsi que des doctrines disséminées par eux, et non pas du paisible travail des écoles catholiques.

Après en avoir mûrement délibéré, le concile veut opposer quelques canons à celles de ces erreurs qui lui paraissent porter la plus grave atteinte à la foi de l'Église. Comme dans les autres décrets, nous avons ici une série de définitions négatives, qui complètent la doctrine positive des chapitres. Il y a donc lieu de réunir, pour les éclairer l’une par l’autre, ces deux parties solidaires d’un même enseignement.

2. Réalité du sacrifice eucharistique.

Tout l’essentiel de la foi catholique sur la messe est indiqué dès le prologue, quand le concile y affirme sa volonté de définir qu’elle est un verum et singulare sacrificium.

a) Exposition de la doctrine catholique. — A ce dogme fondamental sont consacrés le premier chapitre et les deux premiers canons, c’est-à-dire la partie de beaucoup la plus substantielle du décret.

Sans nul doute pour mieux marquer la place du sacrifice eucharistique dans l'économie de la révélation, le décret débute par quelques lignes de synthèse dogmatique sur les deux grandes phases du culte religieux selon le plan divin. L’ancienne Loi n’avait qu’un

sacerdoce imparfait et qui ne pouvait aboutir à la « consommation ». C’est pourquoi Dieu a voulu lui substituer le sacerdoce du Christ, seul capable de parfaire l'œuvre de notre sanctification. Il s’agit d’embrasser dans toute sa plénitude cette fonction sacerdotale du Sauveur. Une seule vaste phrase, d’une extraordinaire densité, en rappelle, classe et enchaîne les moments successifs.

Is igiUir Deus et Dominus Ainsi donc, bien que notre

noster, etsi semel seipsum in Dieu et Seigneur dût s’offrir

ara crucis morte intereedente lui-même une seule fois à

Deo Patri oblaturus erat ut Dieu son Père par sa mort

a^ternam illic redemptionem sur l’autel de la croix, en vue

operaretur, quia tamen per d’y réaliser une rédemption

mortem sacerdotium ejus éternelle, cependant, parce

extinguendum non erat, in cœna novissima, qua nocte tradebatur, ut dilectse sponsæ suæ Ecclesiæ visibile, sicut hominum natura exigit, relinqueret sacrificium, quo cruentum illud semel in cruce peragendum repraîsentaretur, cjusque memoria in

que son sacerdoce ne devait pas s'éteindre par la mort, à la dernière cène, la nuit même où il était livré, pour laisser a son épouse bien aimée l'Église, comme le réclame la nature humaine, un sacrifice visible propre à représenter ce sacrifice san finem usque sa-culi permaneglant qui allait s’accomplir

ret, atque illius salutaris virtus in remissionem eorum quæ a nobis quotidie committuntur peccatorum applicaretur, sacerdotem secundum ordinem Melchisedec se in seternum constitutum declarans, corpus et sanguinem suum sub speciebus panis et vini Deo Patri obtulit ac sub earumdem rerum symbolis apostolis, quos tune Novi Testamenti sacerdotes constituebat, ut sumerent

une fois pour toutes sur la croix, a en prolonger le souvenir jusqu'à la fin des siècles, ainsi qu'à en appliquer la vertu salutaire à la rémission de nos péchés quotidiens, se déclarant lui-même comme prêtre établi pour l'éternité selon l’ordre de Melchisedec, il offrit à Dieu son Père son corps et son sang sous les espèces du pain et du viii, les distribua sous ces mêmes symboles aux Apôtres qu’il

tradidit, et eisdem eorumque établissait alors comme ple in sacerdotio successoribus ut offerrent præcepit per hsec verba : Hoc facile in meam commemoralionem, uti semper Iicclesia catholica intellexit et docuit.

Denzinger -Bannwart, n. 938 ; Cavallera, n. 1087.

très du Nouveau 'testament, et leur donna, à eux ainsi qu'à leurs successeurs dans le sacerdoce, l’ordre de les offrir par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi, comme l'Église catholique l’a toujours compris et enseigné

Quatre thèmes consécutifs forment la charpente de ce long développement : affirmation du sacrifice unique de la croix, sa perpétuation dans l'Église par un rite visible, première oblation du sacrifice eucharistique à la dernière cène, mission donnée aux apôtres et à leurs successeurs de l’offrir à leur tour. C’est visiblement la messe qui en forme le centre, dont le concile veut exposer ici la signification dogmatique et l’institution historique.

A la base de tout le dogme du salut, il faut placer l’oblation sacerdotale du Christ sur la croix. Pour répondre aux imputations protestantes, le concile ne manque pas de noter en passant, d’après Hebr., îx, 12 et 26, qu’elle devait être unique et son efficacité à jamais définitive. C’est en quelques lignes une ébauche de l'économie rédemptrice sous son aspect de sacrifice expiatoire, comme ailleurs, sess. vi, c. vu. Denzinger-Bannwart, n. 799, le concile l’avait présentée sous son aspect de mérite et de satisfaction.

Bien loin de rester solitaire, le sacrifice de la croix est destiné, selon les plans de Dieu, à se continuer sous une forme rituelle dans la famille chrétienne. De ce fait le concile signale une double raison : raison christologique, pour établir la perpétuité du sacerdoce du Christ sur la terre ; raison ecclésiologique, pour donner à l'Église le sacrifice visible dont notre nature a besoin. A l’occasion de cette dernière sont énumérées les principales fins qui justifient l’institution du sacrifice eucharistique, savoir de « représenter » le sacrifice