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1135 MESSE Al" CONCILE DE TRENTE, HISTOIRE DU DÉCRET ?

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Entre temps, les commissaires s’étaient mis à l’œuvre pour rédiger un nouveau décret conforme aux desiderata des Pères. Il fut prêt le 5 septembre, p. 909-912. Du précédent il ne retenait que le pistil général : mais l’ordonnance et la rédaction en étaient entièrement nouvelles. Suivant le désir unanime, il se présentait sous une forme plus courte et plus simple. Les trois longs chapitres d’exposition dogmatique y étaient réduits à deux. Suivaient six chapitres touchant les problèmes d’ordre pratique, dont chacun ne comprenait que cinq ou six lignes et parfois moins encore. In dernier chapitre servait de préface à neuf canons, qui sont faits à peu près des mêmes matériaux que ceux du 6 août, mais plus condensés et répartis d’une manière plus logique. C’est ce projet qui allait devenir quasi instantanément le décret définitif.

La discussion commença le 7 septembre et put s’achever le jour même. P. 912-915. l’n des opposants, l’évêque de Modène, Gilles Foscarari, informant ironiquement le cardinal Morone de questo bel miracolo, l’expliquait par cette circonstance que les Pères, n’ayant pas eu assez de temps pour étudier le texte soumis à leur appréciation, s’en étaient pour ainsi dire débarrassés par des placet de complaisance. Lettre du 7 septembre, citée p. 915, n. 2. Quoi qu’il en soit de cette insinuation, toujours est-il que l’approbation fut à peu près complète et unanime.

L’n point, comme il fallait s’y attendre, réveilla les dissentiments antérieurs : savoir la question du sacrifice du Christ à la dernière cène. Suivant les préférences de la majorité, la commission avait introduit dans son premier chapitre l’affirmation de cette doctrine dans les mêmes termes que nous y lisons maintenant. Ce succès ne suffisait pas encore au cardinal Madruzzo de Trente, qui souhaitait que le verbe obtulit y fût renforcé des deux compléments pro nobis et vernm særificium. Beaucoup de prélats se rallièrent dans la suite à cet amendement.

Les adversaires furent les mêmes que dans les discussions précédentes, savoir surtout l’archevêque de Grenade, les évêques de Braga et de Modène. Au témoignage de celui-ci, p. 915, n. 2, pour ménager les opposants, la commission avait repris ailleurs dans le projet du 6 août, p. 731, la formule mitigée : ut est palrum (ou plurimorum patrum) sententia et l’avait appliquée au sacrifice de la cène. Mais les légats auraient fait sauter cette parenthèse. Beaucoup de Pères émirent le vœu qu’elle fût rétablie.

A ce premier objet de discorde un second vint s’ajouter. Le projet contenait un canon 3, qui aggravait le canon 4 du texte précédent, pour dire que le Christ avait institué prêtres » ses apôtres par les paroles : Hoc facite. Contre quoi l’archevêque de Grenade fit valoir que cette question regardait plutôt le sacrement de l’ordre, et qu’au surplus elle était fort discutée entre théologiens. Aussi proposait-il de faire disparaître ce canon. Son sentiment fut partagé par un bon nombre d’évêques, notamment ceux de Braga, de Messine, de Terni, de Ségovie, de Veglia, de Modène, de Calamon, de Vich, d’Orense, de Léon, d’Ostuni, de Città San Severo, de Feltre, avec lesquels d’autres prélats se déclaraient plus ou moins complètement d’accord. Mais la majorité se montra favorable au projet tel qu’il était proposé, évidemment le concile avait hâte d’aboutir.

Outre ces deux problèmes de fond, la séance du 7 septembre fit surgir, comme toujours, des amendements assez nombreux sur divers détails de rédaction. La plupart furent pris en considération par les commissaires, et c’est de là que proviennent les minimes différences que ce projet présente avec notre texte actuel. Mais rien ne fut changé sur la question du sacrifice de la cène, ni sur l’ordination des apôtres.

A la séance du 16, p. 954-956, l’archevêque de Grenade, soutenu par l’évêque de Braga, essaya d’une suprême tentative sur ce dernier point. Il attira l’attention des Pères ;  ; /, antequam doç/ma fldei constituant, omnia prius diligenter et mature consideraie velint. Bappelant, en conséquence, la diversité des opinions chez les théologiens et les Pèresde l’Église, il demandait que l’affaire fût remise à la session prochaine, où elle pourrait être plus amplement débattue. Cette intervention souleva un gros incident. La majorité voyait une sorte d’injure à prétendre revenir sur une question déjà tranchée par le concile ; mais l’archevêque de Grenade avait aussi quelques partisans. Entre les deux groupes s’échangeaient les Cris et les objurgations ; les Pères avaient quitté leurs places pour discuter les uns avec les autres ou faire le siège des légats : ce n’était partout que tumulte et confusion.

Cependant, au milieu de ce que l’évêque de Modène appelait avec quelque emphase des accidenti terribilissimi, p. 955, n. 1, le cardinal Hosius finit par obtenir un moment de silence et s’efforça de se poser en médiateur. Après avoir rappelé à l’ordre l’assemblée trop houleuse, il essaya de montrer que les divergences n’étaient, en somme, qu’apparentes. Car les paroles de la cène donnaient aux apôtres le pouvoir sur le corps naturel du Christ, tandis que celles qui suivent la résurrection visaient la juridiction sur son corps mystique.

Pour tirer au clair cette situation confuse, les légats demandèrent aux Pères de se prononcer individuellement. Quelques-uns demandèrent que la question fût renvoyée ; d’autres souhaitaient qu’on usât de formules moins précises ou qu’on fît état de la distinction exposée par Hosius. Mais il y eut une grosse majorité de placet. En conséquence, il fut résolu qu’aucun changement ne serait fait au texte proposé.

4. Le chapitre des abus.

Dans l’intervalle de ces délibérations dogmatiques, la commission de sept prélats nommée pour s’occuper des abus relatifs à la messe avait poursuivi activement sa tâche. Elle tint séance les 24, 25, 26, 31 juillet, 5 et 8 août. Ce jour-là, elle put remettre au cardinal légat Hercule.de Gonzague, archevêque de Mantoue, un long mémoire, p. 916-921, qui fut ensuite résumé en un plus court, p. 921-924, à la date du 24 ou du 25. Les abus, ramenés à deux genres principaux, savoir la superstition et l’avarice, y étaient rangés sous les rubriques suivantes : de la messe elle-même, du célébrant et des ministres, des ornements, du lieu, du temps, des assistants.

Toutes sortes d’observations y étaient colligées, qui donnent un jour assez curieux sur les mœurs de l’époque. Il y est question pour les blâmer de préfaces apocryphes, de messes sèches ou célébrées plusieurs fois par jour. On relève l’abus des messes en série fixe ou qui comportent un nombre déterminé de cierges. Des prêtres baissent la tête en élevant l’hostie, jusqu’à empêtrer celle-ci dans leur chevelure, ou risquent de renverser le calice à force de vouloir le montrer. Aux paroles et gestes liturgiques ils en ajoutent de leur cru : les uns célèbrent avec une indécente précipitation, les autres avec une importune lenteur ; il y en a qui lèchent le patène après la communion ou qui soulignent les paroles de la consécration comme s’ils prétendaient ajouter quelque chose à leur valeur. Les premières messes sont le prétexte à de véritables festins et beuveries, les linges trop souvent sales et les ornements mal tenus. D’autre part, on laisse s’introduire dans l’église des mendiants ou des chasseurs avec leurs chiens et leurs éperviers. On apporte à l’autel des cadavres en pleine putréfaction. Nos commissaires se scandalisent même que les franciscains célèbrent les pieds et les jambes nus.

Au milieu de ces remarques plus ou moins impor-