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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), PATRIARCHES, XVIIIe SIÈCLE

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verain pontife le même Pietro Craveri da Moretta dont nous savons l’attitude, et, pour lui donner plus d’autorité, le lit sacrer évoque titulaire d’Énos. Relation du cardinal Antonelli, 21 sept. 1784, ibid., p. 567568.

Dans l’intervalle, le patriarche avait quitté le Carme !, vers le milieu de juin 1782, pour se rendre au Liban. Il voulait se défendre contre les attaques répétées de ses ennemis et régler, une fois pour toutes, la question de son entretien.’Abboud, Relazioni, t. ir, p. 453-456 de la partie arabe ; Biographie du patriarche, p. 152-153. Il alla trouver l’Émir de la Montagne, Joseph Cliihàb, et lui exposa le but de son voyage, le priant de faire nommer comme arbitres les deux patriarches catholiques, melkite et arménien, personnages intègres et au-dessus de tout soupçon. L’émir Joseph approuva l’idée. Cependant, malgré ses instances et celles de. son ministre, l’illustre cheikh maronite Sa’d El-Khouri, le vicaire patriarcal et ses partisans n’acceptèrent pas de paraître en face de leur victime. Lettres de Sa’d El-Khoury et du patriarche melkite dans’Abboud, Relazioni, t. ii, p. 457 sq. ; Biographie du patriarche, p. 156 sq.

Mgr Craveri repartit pour le Liban. Parmi les documents dont il était porteur, figuraient deux brefs, l’un pour l’émir Joseph Chihâb et l’autre pour l’épiscopat, le clergé et le peuple maronites. Il choisit pour secrétaire un jeune prêtre, Joseph Tian (plus tard patriarche), qui venait de terminer ses études à Rome, un soggetto di molta probitàe capacità. Relat. d’Antonelli, op. cit., t. ii, p. 568. Le visiteur apostolique et Joseph Tian s’embarquèrent à Livourne dans les derniers jours de novembre 1783 et arrivèrent à Alexandrie le 12 janvier. L’évêque d’Énos jugea plus oportun de se faire précéder au Liban, pour préparer les voies, par son secrétaire. Il remit donc à ce dernier les lettres de Rome et d’autres qu’il écrivit lui-même. Tian arriva à Beyrouth le 6 mars 1784 et exécuta sans tarder les ordres de son maître. Ce fut une déception générale lorsqu’on apprit que le patriarche n’était pas réintégré dans ses fonctions, et que le pape reprochait aux maronites d’avoir désobéi à ses ordres. La déception s’accrut encore lorsqu’on apprit l’identité du nouveau délégué. On se rappelait trop ses anciens procédés. Aussi pria-t-on Tian de retourner à Rome en qualité de délégué national, chargé de défendre la cause de son Église auprès du Saint-Siège et de demander la réintégration du patriarche. Le jeune prêtre maronite resta quelque temps perplexe. Mais, ayant étudié de près les faits et constaté l’injustice des accusations lancées contre Joseph Estéphan, il répondit à l’appel de ses compatriotes. Il lui avait fallu peu de temps, du reste, pour voir clair dans la situation. Homme du pays, il en connaissait les usages ; il pouvait se mêler au peuple et l’amener à lui parler avec confiance.

Épiscopat, clergé, notables remirent les lettres à Tian. Le patriarche écrivit, de son côté, pour expliquer les actes dont on dénaturait l’intention et se soumettre au jugement du Saint-Siège. Il copia de sa main la formule de rétractation telle qu’elle avait été rédigée à Rome et la signa. Porteur de tous ces documents, Tian quitta le Liban et se dirigea vers Chypre pour y rencontrer Craveri. Il tenait à lui exposer d’abord la situation telle qu’il la jugeait. La démarche était plus que correcte ; l’évêque d’Énos ne l’apprécia point. En acceptant de défendre la cause de son patriarche, Tian perdait, aux yeux du délégué, les qualités de probité et d’impartialité qu’il s’était plu, d’abord, à reconnaître en lui. Aussi l’accueil fut-il glacial. Sans se laisser décourager, Tian poursuivit son voyage. Le 7 juillet 1784, il était à Livourne et> quelque temps après, à Rome. Il s’y trouvait en pays de connaissance,

et se mit à l’œuvre aussitôt. Ses conversations, ses rapports clairs et bien documentés projetèrent la lumière sur les accusations portées contre Estéphan : les mobiles de l’opposition apparurent sous leur vrai jour. Le résultat de ce travail fut celui que Tian espérait. Le 21 septembre 1784, la congrégation particulière pour les maronites, enfin tirée de son incertitude, prononça, en faveur du patriarche, le verdict définitif, homologué ensuite par lettres apostoliques du 28 du même mois. Voir les documents dans’Abboud, op. cit., t. ii, p. 473-474 de la partie arabe, 567-604 et 607-614 de la partie italienne ; Biographie du patriarche, p. 181-188.

Joseph Tian porta au Liban les précieux documents qui témoignaient de sa victoire et de la sollicitude pontificale envers sa nation. Il fut réservé à l’évêque d’Énos d’aller lui-même au Kasrawân pour y promulguer solennellement les ordres du Saint-Siège. Ce fut le. Il février 1785.’Abboud, Biographie du patriarche, p. 178 sq. Le bref apostolique Maximum nobis du 28 sept. 1784 fait état, il est vrai, d’un retour du patriarche à des sentiments meilleurs. A notre avis, il s’agit plutôt là d’une clause de style. Les chefs d’accusation étaient, en effet, si graves que jamais le Saint-Siège n’aurait rétabli Estéphan dans ses fonctions patriarcales, s’il n’avait constaté l’innocence de l’inculpé.

Sur l’ordre du Saint-Siège, Estéphan réunit un synode à’Aïn-Chaqiq, du 6 au. Il septembre 1786. Texte dans’Abboud, op. cit., t. ii, p. 493-524..Mais Pie VI cassa les actes de cette assemblée lamquam memoralo Libanensi concilio contraria perniciosaque recto animarum regimini, ac liberlatis juriumque episcopalium Isesiva. Bref Cumnon sine, 15 décembre 1787, dans Jus pontifie, t. iv, p. 327-328. Le ton de la lettre pontificale reflète, sans doute, une survivance, dans les milieux de la curie, des intrigues de naguère. Une lettre de Michel El-Khazen du 15 mars 1789 au préfet de la Propagande porte bien à le croire. L’ancien vieaire patriarcal se plaignait de mesures qu’il avait pourtant admises lui-même à l’assemblée de’Aïn-Chaqiq et qu’il devait encore admettre, plus tard, au synode de 1790. Voir sa lettre dans Anaïssi, Collectio, p. 154-156. Quoi qu’il en soit, l’attitude du patriarche, au synode de’Aïn-Chaqiq, reste, au point de vue juridique, à l’abri de tout reproche : il ne signa les actes qu’avec la réserve formelle de l’approbation de Rome : on ne peut donc dire qu’il ait contrevenu à aucune loi. Cf. le synode dans’Abboud, ibid., p. 523.

Pie VI ordonna la tenue d’un nouveau synode, sous la présidence de Germanos Adam, métropolite melkite d’Alep, désigné comme délégué apostolique. Le synode fut assemblé, du 3 au 18 décembre 1790, au couvent de Békorki ; il avait pour principal but de pourvoir à l’application du synode du Mont-Liban et des instructions pontificales. A la ix" session, les Pères décrétèrent le transfert du siège patriarcal au couvent de Békorki. Texte synodal dans’Abboud, op. cit., t. ii, p. 537-603. Les actes de cette assemblée furent confirmés en partie par le Saint-Siège. Lettre de la Propagande, 9 juillet 1796, dans Anaïssi, Collectio, p. 160166. Le patriarche Joseph Estéphan mourut le 22 avril 1793. Prélat de haute culture, écrivain facile, profondément versé dans les sciences ecclésiastiques, il a laissé de nombreux écrits. On a de lui, entre autres, plusieurs offices de saints, dignes d’une place de choixdans la littérature syriaque.

Le successeur d’Estéphan ne fut élu que le 10 septembre 1793, les évêques n’ayant pu se réunir avant cette date, à cause d’une épidémie de. peste qui ravageait le pays. L’assemblée électorale porta son choixsur Michel Fadel, archevêque de Beyrouth, qui dépêcha à Rome, pour solliciter le pallium et la confirma f.

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