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1123 MESSE AU CONCILE DE TRENTE, HISTOIRE DU DÉCRET 1124

de Sainte-Agathe continuait, séance du 17, p. 764 : Quod si non apponereïur, videremur modo non idem sentire et ex conseqiienti sentire cum hæreticis qui id negant. Plus brutalement, l'évêque de Coïmbre avait dit, le 13, p. 763 : Qui contrarium lenel sumil argumenta hæretieorum, ajoutant contre toute évidence : Cum nullus catholicorum id asserat. Un peu plus modéré dans ses expressions, Lainez devait dire pareillement, p. 786-787 : Nemo conlradicit nisi primo Lutherus et ejus sequaces.

Jusque dans le sein du concile, les contradicteurs ne manquaient pourtant pas. Témoin des sentiments de la commission, dont il faisait partie, l’archevêque deLanciano déclarait, le 11, p. 758 : De oblatione Christ i in cœna omissa est quia id non habetur in Scripùira neque in traditione. A cet argument négatif s’en ajoutaient de positifs. La principale question portait sur le caractère expiatoire de la cène, qui paraissait à plusieurs attenter au sacrifice de la croix. Ainsi l'évêque de Veglia, séance du 18, p. 766 : Nulla enim oblalio expiatiua fuit nisi illa erucis. Le prélat ne voulait, au mieux, voir dans la cène qu’une oblation au sens large : Dici autem potest aliquo modo oblatio illa actio Christi in cœna, sicuti alise Christi actiones, non autem verum sacrificium.

Par mesure de transaction, un certain nombre auraient consenti à parier d’un sacrifice d’action de grâces. Ainsi les évoques de Braga, p. 757 ; de Brugnatô, p. 764 ; de Ségovie, p. 765 ; de Modène, p. 767768. D’autres, en tout cas, ne se croyaient pas sûrs de pouvoir aller plus loin. Tels les évêques d’Adria, p. 771 : de Larino, p. 772 ; de Funfkirchen, p. 777. et de Luni-Sarzana, p. 783.

Bien entendu, des réponses étaient exposées à ces difficultés ou scrupules et l’on exposait, comme le fit, le 18, l'évêque de Paris, p. 765-766, que le caractère expiatoire de la cène lui venait de ce qu’elle fut un seul et même sacrifice avec celui de la croix. Plus subtilement, p. 778, l'évêque d’Alméria distinguait entre sacrificium expialorium et reconciliatorium ou reconciliativum, c’est-à-dire rédempteur ; ce dernier n'étant autre que celui du Calvaire, la cène peut néanmoins constituer un sacrifice expiatoire ou propitiatoire par anticipation. « Mais il est visible, note Lepin, p. 303, que les objections produites ont impressionné rassemblée. » Le général des servîtes, .I.-B. Miliavaca, résumait assez bien le pour et le contre, à la séance de 26, p. 786 : Cliristum se obtulisse in cœna mullis raiionibus comprobavil ; contrarium vero defendi posse oslendil, in quam partem ipse declinavit, et mullo minus quod non obtuleril expiatorie : Dans ces conditions, il semblait à l'évêque d’Orense, le 22, p. 774, quela bonne règle était de s’abstenir : Non ponantur incerta pro certis. Position réservée qui avait toutes les sympathies de Séripando, ibid., n. 4. Voir dans le même sens, p. 781, le vœu de l'évêque de Sutri. C'était comme le premier acte d’un débat que nous verrons se ranimer.

c) Fond du projet : Questions subsidiaires. — On a cherché à surprendre la notion du sacrifice eucharistique qui se faisait jour dans ces discussions, pour conclure que, pas plus que de celles qui s'étaieiit produites dix ans plus tôt, il n’en ressort de précise.

Pour éclairer le caractère sacrificiel de la cène, l’idée la plus nette que l’on voit se produire, c’est qu’elle est le commencement de la passion. Nain in cœnæ oblatione cœperal pati, notait l'évêque de Paris. P. 765. A la différence de la croix, l'évêque de Campagna, Marc Laureus, y reconnaissait tout au moins « une douleur de contrition ». Séance du 21 août, p. 773. Ce qui amenait plusieurs Pères à déclarer que la vie tout entière du Christ eut en soi le caractère d’un sacrifice. Ainsi les évêque de Leiria, p. 769-770 ; de Ségorbe,

p. 774 ; de Léon, p. 777, et Jacques Lainez, p. 787.

Mais la question de ce qui fait l’essentiel du sacrifice de la messe et la raison de sa valeur expiatoire ne fut pas davantage tranchée, malgré le désir exprimé par l'évêque de Veglia. Séance du 18, p. 766. On y parla beaucoup d’oblation, mais généralement sans en préciser la nature. L'évêque d’Alméria voulait qu’elle fût distincte de la consécration, séance du 23, p. 777778, tandis que celui de Tortosa soutenait, le 25, p. 781-782, que les deux actes sont identiques. Mais d’aucuns semblent déjà réclamer autre chose. Ainsi Lainez, quand il définit le sacrifice, p. 787 : consecrutio cum aliqua myslica actione.

Cette « action mystique ». que le général des jésuites ne définit pas davantage, était ainsi précisée, le 22, par l'évêque de Léon, André Cuesta, p. 777 : Missam esse sacrificium hac ratione quia Christus aliquo modo moritur et a sacerdote mactatur. Nam sacerdos ex vi sacramenti séparât corpus a sanguine, licet per concomilarttiam ulrumquc simul sit cum anima et divinilule. « Au concile même, fait remarquer Lepin, p. 317, il ne semble pas que l’orateur ait fait beaucoup d’impression. Aucune voix ne fait écho à la sienne. » Le nom de cet évêque espagnol n’en doit pas moins être retenu comme un des premiers témoins de cette théorie du > glaive mystique » qui devait se développer après le concile. Voir sur lui F. Renz, p. 203-210, qui le rapproche de Lessius. Sur ce problème spéculatif, on ne relève donc pas, dans l’ensemble, de changement appréciable par rapport à l'état de choses antérieurement constaté. Voir plus haut, col. 1116.

En outre, le projet du 6 août suscita plusieurs observations de détail. On y entendit les habituelles réserves sur la langue liturgique. P. 766 et 768. L'évêque d’Ostuni ne voulait pas qu’on parlât de foi au sujet de l’usage qui consiste à mêler un peu d’eau au vin du sacrifice. Séance du 23, p. 779. Un plus grand nombre s’opposaient à ce que l’on condamnât ceux qui prononcent le canon à haute voix. Voir les évêques de Naxos, p. 756 ; de Braga, p. 757 ; de Calamon, p. 768. Sur quoi l'évêque de Caorle rappelait, p. 761, le ca.s de la messe d’ordination. L'évêque de Nîmes était d’avis qu’il fallait, tout en les tenant pour licites, restreindre les messes privées. Séance du 24, p. 779780.

Beaucoup de remarques portèrent sur les canons, dont la principale était que leur ordonnance ne correspondait pas à celle des chapitres, que le canon 5, en particulier, n’y était expliqué nulle part. Ces observations, faites dès le Il par le cardinal Madruzzo et adoptées par l'évêque d’Otrante, p. 755, furent souvent répétées dans la suite. D’autres, comme l'évêque de Lavant, p. 773, et celui de Mazzara, p. 776, proposaient de grouper les deux ou trois derniers canons en un seul. Plus théologien, l'évêque de Nîmes, Bernard del Bene, s’opposait à ce qu’on sanctionnât d’un anathème le canon 10, relatif à la célébration en langue vulgaire, et il notait avec raison, d’une manière plus générale : Neque omnes canones icqualiler anathemate damnandi sunt, cum aliqui sint erronei, aliqui scandalosi, etc. Séance du 24, p. 780.

Des suggestions positives furent aussi faites sur ces divers points, qui n’ont plus aujourd’hui d’intérêt du moment que le projet du 6 août allait être purement et simplement abandonné.

3. Discussion des Pères du concile : Projet du 5 septembre. — Sur la question du sacrifice de la messe un problème imprévu était venu se greffer, lorsque, le 22 août, p. 775-776, l’empereur avait fait officiellement demander la communion sous les deux espèces pour les laïques. Cette dé.ibération, qui commença le 27 août pour se continuer jusqu’au 6 septembre, p. 788-909, n’intéresse pas notre sujet.