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1121 MESSE AU CONCILE DE TRENTE, HISTOIRE DU DÉCRET 1122

La discussion du deuxième groupe de questions commença le 29 juillet et occupa seulement quatre séances Elles ne soulevaient pas, en effet, de problème important. Nos consulteurs n’eurent aucune peine à justifier les pratiques de la liturgie catholique attaquées par les protestants ; mais aucun ne semble avoir qualifié d’hérétiques les positions de ceux-ci, comme l’avaient fait généralement les commissaires de 1551. A noter que l’espagnol François de Sanctio admettait trois langues liturgiques, p. 743, savoir : le latin, l’hébreu et le grec, en souvenir du titre de la croix.

Forcément les questions 12 et 13 ramenèrent le problème de la réalité du sacrifice eucharistique : de ce dernier article César Ferrant faisait remarquer avec raison qu’il était identique au premier. P. 741. A ce sujet, le même François de Sanctio écarte les prières du sacrifice proprement dit, cum debeal esse res quæ Deo dicatur et ofjeratur et comedatur, p. 743, et le mineur Aloïs de Borgonovo définit en ces termes le rapport de la messe au Christ, p. 745 : Missa autem, licet a sacerdote celebretur, Iota tamen Christi aetio est et nihil nisi Christi nomine in ca agitur. Mais le problème avait été suffisamment étudié par les précédents consulteurs. Aussi la discussion fut-elle vite terminée.

Chemin faisant, quelques théologiens, comme Pierre de Soto, p. 726, et le jésuite Jean Cuvillon, p. 738, n. 2, avaient attiré l’attention du concile sur les abus relatifs à la messe. On a vu qu’une commission spéciale avait reçu mission d’en faire le recensement.

2. Discussion desPères du concile : Projet du 6 août. — Ces travaux préliminaires des consulteurs fournirent aux commissaires chargés de la rédaction les éléments d’un projet qui fut rendu public le 6 août. Il se composait de quatre chapitres et de douze canons, p. 751-755, le tout suivant de très près l’ordre et parfois le texte préparé les 18-20 janvier 1552. La discussion s’ouvrit quelques jours après et ne remplit pas moins de dixsept séances, du Il au 27 août, p. 755-788, au taux de deux séances par jour à partir du 22.

a) Forme du projet. — Dès le premier jour, Louis Xuccius laissait prévoir à un correspondant que cette exposition serait maltraitée », per esser troppo longa. P. 751, n. 3. En effet, cette observation était formulée dès le Il parle patriarche d’Aquilée, p. 755 : Prolixitas non videtur convenire dignitati synodi, neque rationes reddi debent.

Au grief superficiel de longueur s’en ajoutait un plus fondamental sur le caractère de justification que présentait le texte projeté. L’opinion du patriarche fut reprise le même jour par l'évêquede Rossano, J.-B. Castagna, qui se donna la peine d'énumérer, p. 758-759, tous les inconvénients qu’il y avait pour l’autorité du concile à préciser ses considérants. Tel semblait aussi être l’avis de l’archevêque de Sorrento, quand il disait, p. 757 : Non addantur nuctoritates ; sufficit auctorilas Ecclesiæ. Mais d’autres opposaient que le rôle du concile est également d’enseigner. Ainsi l'évêque de Città, p. 780, et celui de Lucques, p. 783 : … Cum prœcipue munus conciiii sit non solum delerminare articulas fidei sed docere.

De ce conflit théorique dépendait le sort qu’il convenait pratiquement de faire à l’exposé doctrinal qui ouvrait le décret. Le patriarche d’Aquilée voulait qu’on le supprimât entièrement et plusieurs Pères, dans la suite, se rangèrent à cet avis radical. Il est curieux que cette partie du texte fût lâchée même par des membres de la commission qui en avait assumé la rédaction, comme, par exemple, l’archevêque de Lanciano. P. 758. A sa place il proposait aliqua preelatiuncula. Solution mitoyenne qui devait recueillir de nombreux suffrages : præfatio nuda uno solo capite distincta, précisait l'évêque de Lavant. P. 773. L'évêque de Volturara prenait même la peine de soumettre

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

au concile un spécimen dûment réduit. P. 770.

Cependant la doctriiui ne manqua pas de défenseurs, Un des commissaires, l’archevêque de Grenade, rappela qu’il en existait une dans le projet de 1552 et qu’il y aurait inconvénient à paraître la renier ; on paraîtrait avoir peur. Séance du Il août, p. 756. De même l'évêque de Lésina, p. 768, et celui de Lucera. P. 770. L'évêque d’Ortuni ouvrait son âme à des craintes encore plus hautes : Alias cogitarent omnes defuisse nobis rationes ad stabiliendam catholicam verilatem. Séance du 23, p. 778. Tout au plus l'évêque de Modène demandait-il qu’on fit suivre cette doclrina d’une note qui lui laisserait une autorité moindre que celle des canons. Séance du 19, p. 767. Cette suggestion resta d’ailleurs isolée, et tout autant la proposition faite par l'évêque d’Orviéto, qui, trouvant les canons nimis nudi, demandait qu’on ajoutât à chacun sua declaratio et doctrina. Séance du 26, p. 785.

En tout cas, les avis étaient à peu près unanimes sur la longueur excessive du texte proposé. Seul l'évêque de Nocera appelait de ses vœux doclrina quæ uberrima fiât. P. 783. Chez la plupart des autres Pères, on retrouve comme une sorte de refrain le désir qu’elle soit brevior et dilucidior.

b) Fond du projet : Le sacrifice de la cène. — Une seule question grave fut débattue, mais qui eut le don de diviser autant, semble-t-il, que de passionner les Pères du concile : c'était de savoir, comme en 1552, s’il faut ou non tenir la cène pour un véritable sacrifice.

Il paraît qu’il y avait eu force discussions à ce sujet parmi les membres de la commission. Lettre de Louis Nuccius, en date du 6 août, citée p. 751, n. 3. Pour éclairer son jugement, le cardinal Séripando avait réuni ou fait réunir un dossier, encore inédit, p. 786, n. 4, de textes favorables à l’opinion affirmative ; mais il était lui-même acquis à la thèse contraire. C’est probablement sous son influence que, « malgré l’accord des théologiens en ces séances préparatoires », Lepin, p. 302, le chapitre i du décret attribuait au Christ l’institution du sacrifice eucharistique et la fixait à la dernière cène, mais sans dire qu’il eût, à ce moment là, offert lui-même un sacrifice. La prétention était trop remarquable pour n'être pas remarquée.

Dès la première séance, les opinions s’entrechoquèrent. Tandis que le cardinal Madruzzo demandait qu’on interprétât les parotes Hoc facite, comme signifiant que le Christ venait d’offrir le sacrifice qu’il ordonnait de renouveler et que l'évêque d’Otrante rappelait le précédent de 1552, voir plus haut, col. 1116, l’archevêque de Grenade et l'évêque de Braga tenaient cette doctrine pour insuffisamment certaine et, par conséquent, son insertion pour superflue. P. 755-757.

La thèse affirmative semble avoir eu de beaucoup le plus grand nombre de partisans. Elle était notamment soutenue, le 13, longa oralione, par l'évêque de Capo d’Istria, p. 762 ; le 18, par l'évêque de Paris, Eustache du Bellay. P. 765-766. Vers la fin des débats, l'évêque d’AIife éprouvait encore le besoin d’y consacrer une démonstration en règle, séance du 26, p. 784, et les séances se clôturèrent le 27 sur une très ample déposition faite dans ce même sens par le général des jésuites, Jacques Lainez. P. 786-788. La seule différence notable consistait en ce que les uns se contentaient de revendiquer en général le caractère sacrificiel de la dernière cène, tandis que les autres, la plupart même, en affirmaient expressément la valeur propitiatoire. Ainsi les évêques de Zengg en Croatie et de Fiesole, p. 768, de Paris, p. 765, de Leiria, dont les explications s'étendirent sur les deux séances du 19 et du 20 août, p. 768-770, et bien d’autres.

.Aux arguments théologiques d’aucuns enjoignaient de politiques. Rappelant le projet de 1552, l'évêque

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