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1119 MESSE AU CONCILE DE TRENTE, HISTOIRE DU DÉCRET 1120

a) Méthode de travail. — Dès le 19 juillet, treize articles étaient soumis aux discussions de ces derniers. P. 719. Au lieu d'être, comme en 1551, des propositions empruntées aux docteurs du protestantisme, il se présentaient sous la forme théologique de questions. Sauf cette différence de rédaction, la matière en était à peu près la même, mais dans un ordre moins rigoureusement logique. On y posait tout d’abord (n, . 1-2) la question fondamentale de savoir si la messe est un sacrifice et si, en l’affirmant, on fait tort au sacrifice de la croix. Puis il s’agissait de l’institution de ce sacrifice et de ses fruits possibles (n. 3-4). Venaient ensuite les problèmes pratiques : messes privées, addition d’eau au viii, prétendues erreurs du canon, usage de la consécration à voix basse, de la langue latine ; des messes en l’honneur des saints, des vêtements et cérémonies liturgiques (n. 5-11). Les deux questions finales (n. 12-13) revenaient aux problèmes de fond, en invitant à se demander si l’immolation du Christ est identique au fait qu’il se donne à nous en nourriture, si la messe est seulement un sacrifice de louanges et d’action de grâces ou aussi de propitiation.

Pour aller plus vite en besogne, une méthode de travail plus stricte qu’autrefois était minutieusement déterminée. P. 720. Tous les consulteurs ne seraient pas appelés à donner leur avis. Parmi les théologiens de Sa Sainteté, les légats en choisiraient quatre : deux séculiers et deux réguliers. Trois seraient pris parmi les théologiens des princes, au choix de leurs ambassadeurs ; un seul parmi les théologiens des cardinaux légats, quatre au plus parmi ceux des évoques, trois dans les divers ordres réguliers désignés par leurs supérieurs. Chacun de ces théologiens ne pourrait parler au maximum qu’une demi-heure, sous peine d'être interrompu d’office par le maître des cérémonies, et il leur était recommandé de se tenir plutôt en dessous. La matière leur était également délimitée : un premier groupe de dix-sept étudierait les sept premiers articles, tandis que les autres se prononceraient sur les suivants. Aux uns et aux autres il restait toujours permis de présenter des communications écrites sur ce qu’ils n’auraient pas pu traiter de vive voix.

En même temps, deux commissions furent nommées par les légats. P. 721. La première aurait à rédiger l’exposé doctrinal et les canons relatifs à la messe. Elle se composait de neuf prélats : Pierre Guerrero, archevêque de Grenade ; Léonard Marini, dominicain, archevêque de Lanciano ; Jean Antoine Panthusa, évêque de Littere ; Jean Jacques Barba, augustin, évêque de Terni ; Gaspard Casale, également augustin, évêque de Leiria (Portugal) ; Pierre Danès, évêque de Lavaur ; Antoine Gurroniero ou Corrionero, évêque d’Alméria ; Jérôme Trevisano, dominicain, évêque de Vérone ; François Zamorra, général des observantins. La seconde commission, dont faisaient partie sept prélats, était chargée de réunir les abus en matière de messe.

Quelques membres de l’assemblée proposèrent alors, p. 722, au lieu d’ouvrir un nouveau débat, de reprendre purement et simplement le décret déjà préparé en 1552. Cette manière de voir ne fut pas suivie pour la raison qu’alors le concile n’avait plus que 70 Pères, tandis qu’il en comptait aujourd’hui 180. Il semble qu’il y ait eu aussi quelques réclamations au sujet du temps réservé aux théologiens consulteurs. Les légats défendirent leurs prescriptions limitatives : quod illis adimitur Palribus additur. Néanmoins la mesure ne fut pas suivie dans toute sa rigueur. Le jésuite Salmeron s’y déroba le premier, voulant avoir la liberté di dire quanto si sentisse dettar dallo Spirilo, et bien d’autres après lui. Ibid., p. 722, n. 3 ; cf. p. 751, n. 2. Du

moins en resta-t-il la consigne suffisamment observée d’une certaine concision.

b) Aperçu des opinions. — C’est dans ces conditions que les consulteurs commencèrent leurs travaux, le mardi 21 juillet, pour les poursuivre, au cours de quatorze séances, jusqu’au 4 août. Procès-verbal, ibid., p. 722-751. Suivant le programme fixé au début, les sept premiers articles occupèrent les dix premières séances jusqu’au 29 juillet, p. 722-741, tandis que les quatre dernières furent consacrées aux six autres. Cette proportion répond assez exactement à l’importance des problèmes soulevés.

Ainsi qu’on pouvait s’y attendre, c’est surtout l’article premier qui retint l’attention de nos théologiens : il motiva, comme dix ans plus tôt, d’abondantes dissertations sur le fait du sacrifice eucharistique. Salmeron donna l’exemple, le 21 juillet, en développant ce thème per duas continuas horas… docte et pie. P. 724. Dans la suite, il rencontra de nombreux imitateurs. Toutes les variétés d’argumentation scripturaire, patristique, canonique ou rationnelle, y furent tour à tour abordées.

Peut-être y peut-on remarquer une plus grande place qu’autrefois faite à la preuve de tradition. Pierre de Soto, le 22 juillet, en défendait le principe : d’autres s’attachèrent à en montrer l’application, en particulier, le 26, p. 733-734, Diego de Païva, qui se mit en mesure de prouver, contre les protestants, que le sacrifice de la messe ne fut pas inconnu à l'Église des quatre premiers siècles. Le portugais François Foreiro accordait à la tradition tellement d’importance que, sans elle, les paroles de la dernière cène ne lui paraîtraient pas suffisantes pour établir l’institution du sacrifice eucharistique par le Christ. Séance du 24 juillet, p. 731-732. Déclarations un peu imprudentes qui choquèrent l’assemblée, et que son compatriote Diego de Païva prenait soin d’amender à la séance du surlendemain. P. 733.

A la démonstration de la foi catholique s’ajoutait naturellement la réponse plus ou moins copieuse aux objections. Un des premiers, l’espagnol Gaspard de Villalpando y fait état, pour discréditer ses doctrines, des entretiens de Luther avec le démon. Séance du 29 juillet, p. 739. L’argument devait être repris par Lainez, le 6 septembre. P. 888.

Cette discussion fit aussi apparaître quelques divergences. La première et la principale porta sur la relation du Christ à Melchisédec : Salmeron l’avait placée à la dernière cène, 21 juillet, p. 724 ; il fut combattu, le lendemain, p. 725, par le séculier espagnol François Torrès, qui la voulait plutôt rattacher à la croix. Opinion qui devait être longuement réfutée, le 27, par le portugais Melchior Cornélius, lequel s’appliquait à prouver que Melchisédec a offert un véritable sacrifice, type du sacrifice eucharistique. P. 735. Sur les fruits de la messe, l’espagnol Ferdinand de Bellogiglio critiquait, au passage, la doctrine de Cajétan, ut non applicetur nisi iis qui meruerunt ut eis applicetur, p. 730, sans probablement se rendre compte qu’il atteignait parla saint Augustin. Mais, dans l'-ensemble, les consulteurs ne firent guère que reprendre, chacun à sa façon, les positions classiques de la théologie.

Une fois mise in tuio la réalité du sacrifice de la messe, la réponse aux autres questions allait de soi. La plupart des théologiens n’en parlent même pas et ceux qui en traitent ne le font qu’en quelques mots. A propos de l’institution du sacrifice eucharistique, on peut retenir cette opinion, émise par Diego de Païva, p, 734, et que nous avons déjà rencontrée, voir plus haut, col. 1108 : Si etiam Christus non instituisset eucharistiam uti sacrificium, poluisset Ecciesia eam consliliiere, quia sacramentum et sacrificium non sunt inter se contraria.