Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/563

Cette page n’a pas encore été corrigée
1111
1112
MESSE AU CONCILE DE TRENTE, HISTOIRE DU DÉCRET


Cette distinction entre la consécration et roffrande procédai l d’une méthode beaucoup trop formaliste. Plus tard on devait mieux apercevoir, comme l’avait déjà fait J. Clichtoue, que ces deux actes peuvent parfaitement être simultanés et que rien n’oblige à placer le centre du sacrifice eucharistique ailleurs que dans la consécration.

.5. Fins du sacrifice de la messe. — Suivant l’adage : Operatio sequitur esse, la notion du sacrifice eucharistique commande la manière d’en comprendre l’efficacité.

Étant donné que toute la valeur sacrificielle de la messe tient à sa relation avec le sacrifice unique de la croix, il ne saurait être question de lui attribuer des fruits propres, mais seulement de nous appliquer les effets de celui-ci. Missam celebramus ut… virlus et meriium passionis Christi applicetur secerdoti celebranli et illis pro quibus célébrât. A. de Castro, Adv. hær., art. Missa, fol. 293 v°. Cf. Kling, Sum. doct. chr., cvii, p. Il : Offerimus Christum Patri… orando ut in nobis efficax sit promerita salus per sacrificium crucis et nobis impertiatur. Dans ce sens, mais dans ce sens seulement, on peut parler d’efficacité ex opère operato au sujet de la messe : Cum enim nos dicimus sacrificium missæ efficacissimum esse ex opère operato, ad opus illud respicimus quod per Christum in ara crucis operatum est. J. Hofmeister, Judicium de articulis, Mayence, 1559, fol. O 5.

C’est ainsi qu’on peut et doit reconnaître à la messe un caractère propitiatoire : Petimus ut propler ipsum corpus et sanyuinem Christi, quibus salus nostra est acquisila, nostrorum omnium… pro quibus sufjragia fiunt velit Deus misercri. Kling, Catech. cath., t. III, c. xiii, Cologne, 1562, p. 160. Non ut peccatorum remissionem et animarum nostrarum salulem jam primum promereamur, précise P. Boulenger, 7nsI. christ., I. VI, fol. 190, sed ut… Deo gratias agamus pro salute nobis in cruce impelrata, et ibi promeritam peccatorum remissionem et redemptionem… nobis adjungamus et vindicemus.

Mais l’idée générale de la religion selon l'économie chrétienne invite à subordonner cet effet à celui de la glorification désintéressée de Dieu. C’est pourquoi Driedo adopte la définition du sacrifice donnée par Gerson : De ratione sacrificii est esse oblationem sacralam Deo tanquam universali omnium domino. Unde reconciliationis efjectus ad ralionem sacrificii extrinsecus se habet. De captiv. et red., c. ii, a. 5, fol. 49 v°. Cf. ibid., c. i, fol. 9 v° : Sacrificium esse reconciliationem aut propitiationem pro peccatis… occidentale est illi ex intentione sacrificantis inlendenlis hoc ipso placare Deum iralum. En conséquence, le prix de la messe consiste en ce qu’elle nous permet d’offrir à Dieu le Christ sous les espèces, et à nous approprier par ce moyen l’acte incessant de son oblation religieuse dans le ciel. Voir Lepin, p. 276-278.

Dans ces perspectives, c’est l’acte de l'Église qui reste au premier plan pour la plupart de nos auteurs. Ainsi chez Driedo, op. cit., c. ii, art. 5, fol. 51 r° : Verum Christi corpus et sanguinem… de manu Dei, invisibili Spirilus sanctificatione, accipiens Ecclesia simul et ipsum et seipsam offert Deo Patri. De même Hosius, Conf. cath. fidei, c. xli, fol. 39 r° : Quam ille obtulit in cruce hostiam eam Patri sislimus, supplices oranles ut illius conlemplalione nobis placatus et propitius esse., velit. Et encore Kling, Catech. cath., t. III, c. xui, p. 159 : Missa est tanquam annuncians oratio nostra ad Deum Patrem, ut propter mérita Filii sui hsec nobis concédât, et est acceplum nuncium apud Patrem quia secum defert passionem et mortem Filii sui dilecti. Néanmoins l’auteur ajoute : Et hujus dilecti sanguinis vox clamât et impetrat ea nobis.

Cet élément mystique, toujours sous-entendu

mais ici expressément dégagé, devient le premier et presque l’unique chez Cajétan, De sacrif. missæ, c. iv : Quemadmodum Christus per proprium sanguinem penetravit ceelos, persévérons sacerdos in œlernum ad interpellandum pro nobis.., ila persévérât nobiscum per cucharistiam immolatitio modo inlercedendo pro nobis. Comme dans la question de l’essence du sacrifice de la messe, il était normal de retrouver ici les mêmes nuances, suivant que les auteurrs s’attachent de préférence à l’oblation de l'Église ou à l’immolation personnelle du Christ.

Au total, on peut voir que le demi-siècle qui suivit l’explosion de la Réforme fut une période féconde pour le problème de la messe. Non seulement les théologiens de l'Église firent face aux novateurs en affirmant contre eux la réalité du sacrifice eucharistique, mais ils commencèrent, pour le défendre d’une manière plus efficace, à mieux en expliquer la nature. Leur œuvre présente donc moins d’intérêt pour l’histoire du dogme lui-même, où tout l’essentiel était acquis depuis longtemps, que pour celle de la théologie. On y trouve assez exactement le reflet de la tradition médiévale, tout entière dominée par la notion d’offrande ; mais on y peut aussi découvrir çà et là les signes précurseurs des préoccupations nouvelles qui allaient caractériser le prochain avenir en vue de ramener le sacrifice de la messe à des cadres plus précis.

III. DÉFINITIONS DU CONCILE DE TRENTE. Quel

que fût le mérite de ces premiers défenseurs de l'Église, le besoin devait se faire sentir d’opposer aux négations de la Réforme une plus haute autorité. Étant donnée l’importance de la messe dans l'économie de la foi catholique et l’attitude si violemment agressive prise à son endroit par les diverses fractions du protestantisme, le concile de Trente ne pouvait pas ne pas mettre cette question au programme de ses travaux. Ils aboutirent, après une série d’abandons et de reprises, au décret de la xxiie session (17 septembre 1562).

I. histoire du DÉchjst.

Aussitôt après la justification (13 janvier 1547), le concile aborda le problème des sacrements. En raison de son étendue, la matière fut divisée en plusieurs séries : sacrements en général, baptême et confirmation (17 janvier), eucharistie (3 février). Le questionnaire soumis aux théologiens sur ce dernier point ne comprenait que les problèmes proprement sacramentaires. Mais, entraînés sans doute par la logique du sujet, les consulteurs, au terme de leurs délibérations (6 mars), proposaient déjà d’y joindre la condamnation d’un article ainsi conçu : Eucharistiam non esse verum sacrificium. Dans Concilium Tridentinum, t. v : Act. pars altéra, édit. Ehses, p. 1008.

Cette suggestion ne pouvait surprendre les légats. Mais le cardinal Cervino avait son plan, qui était de réserver la messe posl omnium sacramentorum absolutionem. Saisis de cet ordre du jour dans l’assemblée du 7 mars, les Pères du concile l’approuvèrent à la quasi-unanimité. Diaire de Severoli, dans Cojic. Trid., 1. 1 : Dior, pars I", édit. Merkle, p. 137 ; Journal de Massarelli, ibid., p. 623.

Dans l’intervalle, le concile était transféré à Bologne et demeurait suspendu pendant quatre ans. Les séances ne reprirent qu’en 1551, d’où sortirent les décrets de la xme session sur l’eucharistie (Il octobre), puis de la xiv € sur la pénitence et l’extrême-onction (25 novembre). Dès le 10 octobre, une session ultérieure était prévue pour le 25 janvier suivant, qui serait consacrée au sacrifice de la messe. A. Theiner, Acla genuina ss. conc. Trid., t. i, p. 529. Le 24 novembre, ibid., p. 600, on décidait d’y joindre le sacrement de l’ordre et les travaux préparatoires commençaient, en effet, sans retard.