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1105 MESSE, AFFIRMATIONS CATHOLIQUES EN FACE DE LA RÉFORME 11.06

Nouveau Testament enseigne, lui aussi, Hebr., v, 1, la permanence d’un sacerdoce et d’un sacrifice visibles dans l'Église. Où trouver ce sacrifice en dehors de l’eucharistie ? A quoi les adversaires objectaient l’enseignement de la même épître, x, 10, sur l’unique ablation du Christ qui suffit à nous justifier. Mais nos auteurs de répondre qu’il s’agit là du sacrifice de la croix, dont précisément la messe tire toute sa vertu : Loquitur Paulus de oblatione victimx, hoc est cruenli sacrificii…, a quaomnia sacramenta et etiam sacri ftcium missa : habent effleaciam.

Cette argumentation peut passer pour un aperçu du parti que les catholiques tiraient de l'Écriture contre les adversaires de la messe. Mais à ces textes fondamentaux les controversistes ne manquaient pas d’en ajouter bien d’autres. Toute la première partie du traité de Jean Eck, De sacri ficio missas, est consacrée à la preuve par l'Écriture, édit. de Paris, 1527, fol. 165, tandis que la troisième, ibid., fol. 112-176, défend cette vérité contre les sophismes de Luther. Non seulement l’auteur s’applique à corser, par l’appel à I.ev., xxi, 7 et Num., xxviii, 2, l’attestation du sacrifice perpétuel, qui doit être offert sous la forme du pain, et fait intervenir le symbolisme de l’agneau pascal, mais il prend soin de montrer la portée sacrificielle des paroles de l’institution eucharistique. C. ix, fol. 41-46. Sous des formes plus ou moins analogues, qui varient seulement avec l'érudition et le but de chaque auteur, la justification scripturaire du sacrifice eucharistique tient aussi la plus grande place chez les auteurs de la même période. Voir Làmmer, op. cit., p. 261-269.

L’argument traditionnel n'était pas non plus négligé, Et missam fuisse sacrificium in primitiva Ecclesia abunde teslantur et huic sententiæ sufjragantur S. Patres, affirment les rédacteurs de la Confutatio. Mais ils se contentent, brevitalis gratia, de citer saint Ignace d’Antioche et saint Irénée. John Fisher, Assert, luth, confutatio, a. xv, Londres, 1523, p. cclxvii, donnait, lui aussi, la réalité du sacrifice eucharistique comme id quod omnes orthodoxi Patres affirmant unanimiter, et apportait à l’appui trois textes de saint Cyprien, de saint Jean Chrysostome et de saint Augustin. Le dossier est déjà plus considérable dans Defensio régie asserlionis, c. vi, 1-6, Cologne, 1525, p. lviii-lxi.

Chez Jean Eck, au lieu d’une simple esquisse, on a déjà toute une démonstration De usa sacrificii missee in Ecclesia, qui remplit la deuxième partie de son traité, fol. 65 v°-lll, et met en œuvre la liturgie, les Pères, les papes et les conciles. Dans ces pages improvisées en pleine lutte, il y a comme une petite somme de théologie positive, qui, malgré des défauts tels que l’utilisation des Fausses Décrétales, fait le plus grand honneur à la science du temps.

Il restait à défendre la messe contre une difficulté spécieuse, que l'Écriture et la raison théologique contribuaient à entretenir, savoir qu’il n’y a pas de sacrifice sans immolation et que la foi chrétienne n’en connaît qu’une seule, savoir l’immolation du Christ sur la croix. A quoi la Confutatio répondait en rappelant la double manière dont se réalise l’unique oblation du Fils de Dieu : Semel oblalus est in cruce effuso sanguine ; hodie offertur in missa ut hoslia pacifica et sacramentalis. Tune offerebatur passibilis in forma visibili, hodie offertur in missa velatus mysteriis impassibiliter. Plus nettement Jean Eck, Enchir., loc. xvii, p. 194-195, avait distingué l’oblation du Christ en effective et commémorative : Gemina siquidem est oblalio Christi, … una qua semel corpus suum vivum et sanguinem Dco Patri obtulit in ara crucis… ; altéra vero oblatio sacramentalis es/, qua quotidic in Ecclesia Christus offertur et sumitur a sacerdolibus in sacri ficio missx… in commemorationem… oblationis prioris in

cruce semel peractæ. Voir de mèmcBerlhold Pirstinger, Tewtsche Theologey, édit. Reithmeier, Munich, 1852, lxv, 3-4, p. 458-459.

La même distinction servait à expliquer l’efficacité de la messe sans attenter à la vertu souveraine de la croix. Il ne s’agit plus ici de création, mais seulement d’application : Christus, note Jean Eck, ibid., p. 196, semel oblationem perfecit in ara crucis et effeclus ejus quotidie derivatur ad nos. Bien loin d’ailleurs que cette application soit automatique, elle demande comme condition préalable, conformément à la doctrine catholique de la justification, la foi et la charité des assistants. Ainsi C. Wimpina, Anacephalseosis, ii, 6, fol. liv a, n. 69, et Henri VIII, Adsertio septem sacram., 1523, p. 26. Mais elle peut aussi profiter aux défunts qui sont membres du corps mystique. J. Eck, Enchir., loc. xxxviii, p. 407.

En terminant, la Confutatio touche à la question des messes privées. Non pas qu’on veuille blâmer l’usage d’avoir une missa communis dans chaque église, mais seulement la prétention d’interdire les autres. Si imam missam utilem arbilrantur, quanlo utiliores essent plures missæ ! Et il n’y a pas lieu d’exiger absolument la communion des fidèles ; mais il reste qu’on ne saurait trop la souhaiter : Utinam sic omnes essent dispositi ut quotidie hune panem digne sumere valerent. Jean Eck avait également traité avec autant de soin que d’ampleur De privalis missis, loc. xxxviii, p. 400-411, et revendiqué, en conséquence, pour le célébrant, ibid., p. 411-424, le droit d’en appliquer à son gré les fruits. Berthold se préoccupe, op. cit., lxvt, 5-6, p. 467-468, de justifier spécialement la perception d’un honoraire.

Ces indications suffisent à faire voir que les théologiens catholiques, loin d'être pris au dépourvu par l’attaque dirigée contre la foi au sacrifice de la messe, assumèrent vaillamment la charge de la défendre et surent trouver dans l’arsenal de la tradition des armes pour le faire efficacement.

Explication théologique.

Il était difficile d’affirmer la foi de l'Église sans y mêler quelques essais

d’interprétation. Cette œuvre théologique était d’autant plus nécessaire que les négations protestantes s’accompagnaient d’arguments rationnels ou procédaient de postulats tacites auxquels un travail d’analyse scientifique permettait seul de répondre avec succès.

Voilà pourquoi les premiers apologistes de la messe s’en faisaient, à l’occasion, les théologiens. A plus forte raison en fut-il ainsi chez les auteurs que leur tournure d’esprit portait davantage à la spéculation ou que leur entrée plus tardive dans la controverse obligeait à y intervenir avec une doctrine plus étudiée. Sous l’effort des uns et des autres, la théorie de la messe était appelée à recevoir un notable développement, en précision aussi bien qu’en étendue. Mais la remarque a été déjà faite avec raison par le protestant R. Seeberg, Dogmengeschichte, t. IV b, p. 753, que ces divers auteurs ne font que « reprendre l’ancienne doctrine scolastique », sans aborder encore « les spéculations de la scolastique récente ». Cf. ibid., p. 795. De ce jugement l’enquête méthodique de M. Lepin, op. cit., p. 258-291, est l'éclatante confirmation.

1. Définition du sacrifice.

On ne conçoit plus aujourd’hui d'étude sur la inesse sans une définition préalable qu’on s’efforce de rendre applicable à tous les sacrifices en général, et de vérifier ensuite dans le cas particulier de celui-ci. Telle n’est pas encore la méthode suivie par nos théologiens, et c’est là peutêtre ce qui les distingue le plus de ceux qui viendront après le concile de Trente.

Il est bien vrai que les négations de la Réforme faisaient sentir le besoin de définir le sacrifice, et l’on