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MESSE ET REFORMATEURS, ZWINGLE


voque et en font une formule commode pour donner une apparence de satisfaction aux témoignages traditionnels qui parlent de sacrifice à propos de la messe, alors qu’on en supprime visiblement la réalité.

3° Témoignages postérieurs, --Il suffira de quelques indications pour montrer que la Réforme n’a plus abandonné, à l'égard de la messe catholique, cette attitude agressive.

En 1533. Luther publiait contre la « messe borgne » un nouveau pamphlet plus passionné que les précédents : Von der Winkelmesse und Pjafjenweihe, Y., t. xxxviii, p. 195-256, qui fut aussitôt traduit en latin par Juste Jonas, De missn privata et unctione sacerdotum. Wittenberg, 1534. L’ouvrage offre cette particularité de s’ouvrir par une dispute avec le diable, ibid., p. 197-205, qui se livre à une âpre critique de la messe privée sans que le réformateur soit capable de rétorquer pertinemment ses objections. A l’encontre des controversistes catholiques, qui se sont copieusement égayés de cette singulière lucta cum diabolo, des apologistes protestants ont pris soin de montrer qu’il s’agit là d’un simple procédé littéraire et non d’une expérience vécue. Voir A. Freitag, L’eber die Entwùrfe Luthers zu den Schri/len Von der Winkelmesse, etc., Liegnitz, 1905, p. 16-18.

La violence dont Luther y faisait preuve parut choquante, même à quelques-uns de ses partisans, voir une lettre d’Amsdorf en date du 28 janvier 1534, dans Enders, Lulher’s Briejwechsel, t. ix, p. 342, et on l’accusa de reprendre à l'égard de l’eucharistie le radicalisme de Zwingle. Aussi jugea-t-il bon de s’expliquer sous la forme d’une lettre publique à l’un de ses amis, W., t. xxviii, p. 262-272, où il déclare réserver ses censures à l’idolâtrie papiste sans vouloir porter atteinte à l’usage légitime du sacrement tel que la Réforme l’avait conservé.

Toujours éloigné de ces excès de plume, Mélanchthon s’appliquait à maintenir sa physionomie doctrinale à la foi de la nouvelle Église. Dans les remaniements qu’il fit subir à ses Loci theologici, la question de la messe prit une plus grande place ; mais l’auteur se contente d’y résumer, sans modifications sensibles, l’exposition de l’Apologia. Voir Loc. theol., édit. de 1535, dans Corp. Réf., 1. 1, col. 480-485 ; édit. de 1543, ibid., col. 871-876.

L’occasion allait, d’ailleurs, bientôt se présenter, pour les dirigeants de la Réforme, de formuler une nouvelle confession de foi. Invités par le pape Paul III à un concile qui devait se tenir à Mantoue, les protestants d’Allemagne répondirent par les « articles de Smalcalde », février 1537. Ils furent rédigés par Luther et souscrits par les principaux réformateurs.

Une large place y est faite à la messe, et de manière à mettre plus en évidence que ne le faisait V Auguslana le caractère dogmatique de la question. On commence, en effet, par poser en principe le rôle unique du Christ Rédempteur et la justification par la foi en ses mérites, à l’exclusion de toutes les œuvres. Art. Smalc., ii, 1, dans J.-T. Millier, op. cit., p. 300. Suit un article second consacré à la messe, ii, 2, p. 301-305, qui est immédiatement exclue comme incompatible avec la foi énoncée à l’article précédent : Quod missa in papatu sit maxima et horrenda abominalio, simpliciter et hoslilitere diametro pugnans contra arliculum primum.

Ce verdict de condamnation est appuyé sur cinq arguments, à l’adresse des « papistes les plus sensés », en vue d'établir que la messe est un hominum inventant : invention inutile, au surplus, puisque la communion peut se faire autrement ; dangereuse, à cause des abus qu’elle engendre ; impie, parce qu’elle attente au sacrifice du Christ. De cette institution malfaisante d’autres funestes conséquences ont découlé : Ceterum

draconis cauda ista (missam intelligo) peperil multipliées abominationes et idololalrias, savoir la croyance au purgatoire avec toutes les superstitions qu’elle entraîne, la pratique des pèlerinages, la création des confréries, le culte des reliques, l’usage des indulgences.

Une fois le problème ainsi posé, on conçoit aisément qu’il n’en est pas de plus capital. Au cours de cet article, ibid., 10, p. 302, Luther atteste l’attachement que les papistes portent au dogme du sacrifice eucharistique : Sentiunt quidem optime cadenle missa radere papalum. De son côté, il n’a pas une moindre résolution de le combattre : Ego etiam per Dei opem in cinercs corpus meum redigi et concremari paliar priusquam ut missarium oentrem (expression qui lui est familière pour désigner les prêtres)… sequiparari Christo Jesu. Ainsi la question de la messe devenait de part et d’autre, entre l'Église catholique et la Réforme luthérienne, une question de vie ou de mort.

II. Églises réformées.

Il n’en va pas autrement dans les branches secondaires de la Réforme. Au contraire, la négation de la présence réelle, qui les distingue du luthéranisme, y développe, à l'égard de la messe catholique, une plus radicale hostilité.

Doctrine de Zwingle.

En attendant la querelle

sacramentaire, qui devait les mettre aux prises d’une manière si violente, les réformateurs de Suisse et d’Allemagne marchaient en plein accord. « Même en matière de sacrements, …jusqu'à l'été de 1523, la doctrine de Zwingle est très semblable à celle de Luther. » F. Loofs, Leitfaden zum Studium der Dogmengeschichte, 4e édit., Halle, 1906, p. 797. Ce n’est pas du moins la question de la messe qui risquait de les diviser.

Dans les 67 articles que Zwingle défendit en colloque public le 29 janvier 1523 et qui sont comme le programme de sa réforme, figure un article xvin ainsi conçu : « Que le Christ, qui s’est offert lui-même une seule fois, est pour l'éternité un sacrifice perpétuel et efficace pour les péchés de tous les croyants. D’où il suit que la messe n’est pas un sacrifice, mais le mémorial du sacrifice et la garantie de la rédemption que le Christ nous a value. » Opéra omnia, édit. Schuler et Schulthess, Zurich, t. i, 1828, p. 154. Un long traité en langue allemande suivit cette conférence, où ces divers articles sont successivement expliqués et justifiés. Sur la question de la messe, voir Uslegung, 18, ibid., p. 232-261. L’auteur s’applique à y montrer par l'Écriture que le sacrifice du Christ est unique et, suivant, la conception développée par Luther, que l’eucharistie n’est pas autre chose, comme du reste les autres sacrements, qu' « un signe et un gage » de la promesse divine, p. 240, un « testament » incarné dans le rite d’un repas d’amitié. P. 252.

Quelques mois après (août 1523), Zwingle reprenait la question, sous une forme plus théologique et plus positive, dans son traité De canone missæ epichiresis, ibid., t. iii, p. 83-116. La liturgie catholique de la messe et la doctrine sacrificielle qu’elle respire pour ainsi dire à chaque ligne y sont rejetées au nom des Écritures : Si Christus unquam dixissel : Ile, offerte mihi vel Patri meipsum, non injuria dédisses oblationi nomen missae… Nunc, cum Christus edere ac bibere solummodo jubet, nonne peccas cum aliud ex ipso lacis quam ipse se fecerat ? Ibid., p. 90. Chacune des paroles du canon est ensuite réfutée suivant la même méthode. Zwingle voulait cependant conserver, pour la célébration de la cène, plusieurs des rites reçus, voire l’usage de quelques vêtements sacrés. Il dut se défendre sur ce point, dans une lettre à Géroldsegg, contre certains extrémistes qui regrettaient ces concessions, propres à ménager indûment, sinon à ramener, les superstitions catholiques. De canone missie libelli apologia, ibid., p. 117-120.

Malgré ces attaques, la messe gardait encore ses