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MESSE ET RÉFORMATEURS, SYMBOLES LUTHÉRIENS


primer toutes les messes, privées ou publiques, telles qu’elles se font maintenant et de consacrer seulement l’eucharistie, à l’exemple du Christ, pour la distribuer aux fidèles, lui tout cas, si un prêtre veut absolument, extra exemption Christi, dire la messe pour se communier lui-même, qu’il ait soin de n’être jamais seul et de donner également la communion a d’autres. Ibid., p. 438-430.

Un peu plus loin, ibid., p. 457, Luther se montre plus déterminé : Cum ergo ex lus omnibus probetur, conclut-il. missas nonnisi Salanæ operalione et communi errore mundi in sacrificiel versas esse adversus Evangelium et fidem et caritatem, quæ hac machina abolentur, tota fiducia abrogandæ sunt universæ nobis qui christiani esse volumus. A la, place, il faut établir un service unique aussi rapproché que possible de la dernière cène : … Curandumque ut rursus ad formam et institutionem Christi quam proxime accedamus, scilicet ut singulis dominicis diebus, et iis solis, ’et unira lantum eucharistia consecretur, sicut modo fit in die Pascæ.

Pour donner à son manifeste une plus grande extension, Luther en publia une édition allemande, Vom Missbrauch der Messe, W., t. viii, p. 477-563. Aussitôt qu’il eut retrouvé la liberté de son action publique, il ne cessa plus de s’élever en chaire contre la messe, d’agir auprès des princes et des Églises pour en obtenir la suppression. Voir dans l’édition de Weimar, t. xviii, p. 8-11, l’indication des sources relatives à cette campagne, qui aboutit, en 1525, à la publication, d’un nouveau pamphlet, Vom Greuel der Stillmesse ( « De l’abomination de la messe basse » ), ibid., p. 22-36.

Dans l’intervalle, pour fournir un directoire positif à ses fidèles, il avait publié une Formula missæ et communionis (1523), t.xii, p. 205-220, qui fut bientôt traduite en allemand par Paul Speratus et obtint le plus vif succès. En attendant la vernacula missa qu’il appelait de ses vœux, p. 210 et 218, le réformateur se contentait d’une sélection dans les rites et prières de la liturgie reçue, de manière à en retenir quæ pura et sancta sunt, p. 211, mais en ayant bien soin d’exclure tout ce qui sentirait le sacrifice. Il n’est même pas opposé aux ornements, niorfo pompa et luxus absit. P. 214. Déjà cependant quelques essais avaient eu lieu çà et là de messes en idiome national. Voir J. Smend, Die evangelischen deutschen Messen bis zu Luthers Deutscher Messe, Gôttingue, 1896. L’uniformité souffrait de ces initiatives divergentes. C’est pourquoi Luther fut prié de composer un modèle qui pût être universellement adopté. Sur ces préliminaires, voir la note des éditeurs de Weimar, t. xix, p. 44-52. Cette » messe allemande », ibid., p. 72-113, fut prête à Noël 1525 et officiellement introduite dans les Églises à partir de 1526. Voir A. Drews, art. Gottesdiensl, dans H. Gunkel-O. Scheel, Die Religion in Geschichte und Gegenwart, t. ii, col. 1576-1577, et P. WolfT, art. Hauptgottesdienstordnung, ibid., col. 1875-1880.

Avec la théologie de la messe, Luther finissait donc par en modifier également la liturgie. Sa réforme atteignait ainsi tout à la fois la notion du sacrifice eucharistique dans le dogme et sa place dans le culte chrétien. Il est vrai que, pour ne pas heurter les habitudes populaires, bien des formes extérieures y subsistaient encore du cérémonial traditionnel : mais ce n’étaient plus que des apparences vidées de leur contenu.

Symboles officiels.

Aussitôt que vint pour la

Réforme l’heure d’affirmer tes doctrines, à rencontre de l’Église, en professions solennelles de foi, un point aussi essentiel de son programme ne pouvait pas ne pas y entrer.

1. Confession d’Augsbourg (1530). — En effet, la messe fait l’objet d’une exposition très étendue, sinon très explicite, dans la Confession d’Augsbourg, qui fut

DICT. DE THÉOL. CATH.

la première en date et reste le symbole le plus important des Églises luthériennes. Conf. Aug., ii, 3(= art. xxiv de l’édition allemande), dans J.-T. Millier, Die symbolischen Bûcher der evangelisch-lutherischen Kirche, 11e édit., Gutersloh, 1912, p. 51-53.

Nulle part peut-être la rédaction de ce célèbre document n’est plus habile ni plus modérée. La messe ne figure pas dans la première partie, consacrée aux articuli fidei præcipui, mais seulement dans la seconde, parmi les articuli in quibus recensentur abusus mutati, après la question de l’usage du calice pour les fidèles et celle du mariage des prêtres. Ce qui est évidemment calculé pour laisser entendre qu’il s’agit là de problèmes purement disciplinaires.

Falso accusantur Ecclesiæ nostræ quod missam aboleant. Retinetur enim missa apud nos et summa reverentia celebratur. Déclaration rassurante I On pousse même le scrupule jusqu’à proclamer un conformisme liturgique à peu près complet : Servantur et usitatæ ceremoniæ fere omnes. La seule différence est que des chants en langue vulgaire y sont ajoutés aux hymnes latines, et rien ne saurait être plus naturel tout à la fois et plus bienfaisant. Après cela, le peuple y est invité à la communion et préparé à la recevoir par de pieuses instructions sur le prix du sacrement. Pareil culte est évidemment fait pour procurer la gloire de Dieu et le bien des âmes. D’où cette conclusion légèrement ironique : Ilaque non videntur apud adversarios missæ majore religione fieri quam apud nos.

Après cette profession positive de religion eucharistique, la Confession se fait agressive sur les abus dont souffre l’Église sur ce point. C’est un vieux grief de tous les bons chrétiens, publica et longe maxima querela omnium bonorum virorum, que beaucoup de prêtres célèbrent la messe tantum propter mercedem aut stipendium, ou bien contra interdictum canonum. Pour couper court à ce désordre, il n’y avait pas de moyen plus efficace que d’abolir les messes privées, quum fere nullæ privatse missæ nisi quæslus causa fièrent. La Réforme n’aurait pas eu besoin de prendre cette initiative si les évêques n’avaient si longtemps toléré des abus contre lesquels ils n’ont pas eu le courage de réagir. Qui s’ait si les malheurs actuels de l’Église ne sont pas le châtiment de ces sacrilèges impunément multipliés’? Fortasse dat pœnas orbis tam diulurnæ profanationis missarum.

Le mal s’est aggravé par suite de certaine conception théologique, aux termes de laquelle le Christ aurait satisfait pour le péché originel et institué la messe comme oblation pour les péchés quotidiens. D’où est venue l’idée courante que la messe aurait une vertu expiatoire : Hinc manavit publica opinio quod missa sit opus delens peccata uiuorum et mortuorum ex opère operalo.

Il est intéressant de noter qu’ici la Réforme rend un involontaire hommage à la croyance commune en la valeur sacrificielle de la messe. Sur la foi de quelles autorités ou de quelles légendes cette publica opinio est-elle rattachée à une sotériologic qui restreindrait l’œuvre rédemptrice du Christ au péché d’origine pour réserver les autres au sacrifice des autels ? La théologie catholique n’est pas responsable de cette étrange division, proposée par quelque docteur sans autorité. Toujours est-il que par ce biais s’introduit la dogmatique protestante de la messe.

A la foi catholique ainsi présentée on reproche d’être doublement en contradiction avec les Écritures. Car, d’après Hebr., x, 10 et 14, la passion du Christ vaut non solum pro culpa originis sed eliam pro omnibus reliquis peccatis. De même saint Paul enseigne que nous sommes justifiés par la foi : ce qui exclut que nous le puissions être ex opère missarum. La messe n’a pas d’autre signification que celle d’un sacrement

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