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MESSE ET RÉFORMATEURS, LUTHER

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piamus, hoc vero demus. P. 523-524. Si quelques fôrI mules de la liturgie parlent encore de sacrifice, il faut l’entendre des oraisons qui accompagnaient jadis le rite de l’offrande et qui lui ont survécu. P. 524-525.

Il est d’ailleurs notable que l'âpreté même de son opposition oblige le réformateur à convenir que la tradition lui est contraire. Est longe impiissimus Me abusus, s'écrie-t-il dès le début de son attaque, ibid., p.- 512, quo jaclum est ut fere niltil sit hodie in Ecclesia receplius ac magis persuasum quam missam esse opus bonum et sacrificium… Rem arduam et quam forte sit iinpossibile convelli aggredior, ut quæ tanto sœculorum usu firmata omniumque eofisensu probala. Cf. p. 522523 : Inaudit a et stupenda dico… Jam et alterum scandalum amovendum est… quod missa creditur passim esse sacrificium qiiod ofjertur Deo. In quam opinionem et verba canonis sonare videntur… Accedunt his dicta sanctorum patrum, tôt exempta lanlusque usus per orbem constanter obserualus. Tout cela n’en est pas moins par lui résolument écarté. Quid mihi de mullitudine et magnitndine erran/ium ? Fortior omnium est veritas. P. 522.

Si cette doctrine de la messe marquait une réaction systématique à rencontre des idées reçues, elle ne tendait pas encore à modifier les habitudes de la vie chrétienne. Au peuple le réformateur faisait toujours une obligation d' « entendre la messe » le dimanche et il prenait même, contre la fréquentation déjà excessive des petites chapelles, la défense des anciens canons qui prescrivent l’assistance à la messe paroissiale. Decem prœcepta, W., 1. 1, p. 443. Il n’interdisait pas davantage aux prêtres de célébrer, pourvu qu’ils interprétassent les formules du missel dans le sens de sa théologie du sacrifice, et qu’ils n’eussent pas d’autre but que de communier les fidèles et de prier pour eux. Les messes privées lui paraissent acceptables pour la dévotion personnelle du prêtre au même titre que la communion pour les laïques. Même les « messes votives » ne sont pas condamnées, ni l’honoraire qu’elles comportent, pourvu que le ministre se garde de prétendre par là offrir un sacrifice, et dirige son intention sur les prières qu’il adresse à Dieu pour les vivants ou les morts. C’est seulement dans le cas contraire que Luther se dresserait contre lui au jugement de Dieu. De capliv. bab., W., t. vi, p. 524-525.

Bien que l’application en fût restreinte au domaine spéculatif, des principes n’en étaient pas moins posés, dont l’influence n’allait pas tarder à se faire sentir sur le terrain des faits.

2. Développement de la Réforme.

En effet, il ne s’agirait bientôt plus d’interpréter seulement la messe, mais de la supprimer. Ici le premier signal ne fut pas donné par Luther lui-même, mais par les augustins de Wittenberg.

Sans doute, dès le 1° août 1521, lettre à Mélanchthon, dans E. L. Enders, Luther' s BriefLvechscl, n. 449, t. iii, p. 208, le réformateur encourageait ses partisans à restaurer V institution Christi. C'était, disait-il, sa première pensée pour le moment où il reviendrait parmi eux et, dès maintenant, il se proposait de ne plus jamais dire, pour son compte, de messe privée. Mais son internement à la "Wart bourg lui interdisait alors les initiatives pratiques.

En attendant, son confrère Gabriel Zwilling, devenu prédicateur des augustins au couvent de Wittenberg, s'élevait en chaire contre l’abus des messes et, le 29 septembre, fête de saint Michel, commençait à introduire de graves modifications dans la liturgie traditionnelle, en vue de rétablir l’ancienne pratique de la messe célébrée par un seul prêtre, ainsi qu'à distribuer la communion sous les deux espèces. Ces actes soulevèrent quelques oppositions, et le prince Frédéric le Sage fit ouvrir une enquête, suivie d’une confé rence, pour ramener les moines à la raison. Mais les idées de Zwilling faisaient rapidement leur chemin, à tel point que le prieur Helt interdit la célébration des messes privées dans l'église conventuelle, en même temps qu’il y ordonnait l’usage du calice pour les laïques. Bientôt la ville entière fut en ébullition. Mélanchthon se montrait favorable à cette réforme et déclarait ne voir dans les messes privées rdsi merum ludibrium, mera scena. Lettre du 9 octobre à W. Link, éditée sous le nom de Bugenhagen et faussement rapportée à l’an 1527 dans Corp. Reform., 1. 1, col. 894-895.

A son tour, l’Université accueillait des thèses de plus en plus hardies, et Mélanchthon y soutenait une série de (55 propositions, ibid., col. 477-481, qui, sans toucher aux côtés pratiques du problème, déniaieut à la messe, suivant les positions antérieures de Luther, tout caractère de sacrifice en insistant sur le sacerdoce universel. Sur l’histoire de cette période, voir l’exposé fait par les éditeurs de Weimar, t. viii, p. 399-406.

L’annonce de ces événements fit tressaillir l'âme de Luther dans sa solitude : il en exprima sa joie et son approbation dans son traité De abroganda missa privata, ibid., p. 411-476, dont la préface est datée ex eremo, die omnium sanctorum, soit le Ie ' novembre 1521, et qui fut livré au public en janvier de l’année suivante. Il félicite ses confrères de s'être attelés à la destruction de ce scandale que sont les messes privées, cum sit ferme capul omnium. W., t. viii, p. 412. Dans cette œuvre urgente sa dissertation vient leur donner du renfort.

Une protestatio initiale rappelle encore une fois le principe de sa méthode : il ne s’agit pas d’invoquer les traditions, même les plus respectables, mais de suivre l’enseignement de Dieu dans les Écritures. Non, inquam, quæritur ut sancti vixerint aut dixerint, sed ut vivendum Scriptura dictet. Non de facto sed de jure quieslio nobis est. Sancti errare potuerunt docendo cl peccare vivendo : Scriptura errare non potest docendo nec credens Mi peccare potest vivendo. P. 414. Il s’applique donc à montrer comment l'Écriture ne connaît d’autre sacerdoce que celui du Christ, auquel participent également tous les chrétiens. D’où il suit que la prétention d'ériger la messe en sacrifice ne saurait être qu’une impiété : Missas quas sacrificia vocant esse summam idolatriam et impietatem. P. 417. On ne peut en attribuer l’origine qu'à Satan : Quicquid citra Scriptura ; autoritatem fit, præsertim in iis quæ pertinent ad Deum, id manifestum sit ab ipso Satana profectum esse. P. 426. Le seul sacrifice autorisé par l'Écriture, en dehors de la croix, est celui de notre mortification et de notre pénitence. P. 420-421.

Ces prémisses dogmatiques sont suivies d’une deuxième partie, consacrée à la messe elle-même, où Luther reprend avec plus de détail la théologie eucharistique esquissée dans ses précédents ouvrages, en vue de montrer que la cène, étant un testament et un repas de communion, ne saurait être un sacrifice. P. 431445. Puis il s’attache à la réfutation des arguments invoqués par les catholiques, p. 445-457, l’un des principaux, à son sens, étant celui des prétendues apparitions rapportées par la légende, qu’il ramène à des œuvres démoniaques. Après quoi le traité dévie en invectives contre l’autorité pontificale.

On voit que la réprobation du sacrifice de la messe est absolue et qu’il n’est plus question, comme dans le De captivitate babylonica, de lui conserver ce caractère en raison tout au moins des prières que le prêtre y prononce. Cette nuance marque le progrès qui s’est accompli chez Luther dans le sens de la négation totale. Par voie de conséquence, il n’admet plus de célébration eucharistique, si ce n’est en vue de la communion, le prêtre célébrant devant se faire, lui aussi, communier par un autre. Le mieux serait donc de sup-