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    1. MESSE DANS L’EGLISE LATINE##


MESSE DANS L’EGLISE LATINE, LA THÉOLOGIE NOMINALIS1E

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et /'mis œdis sacrx est allure, et finis altaris est oblalio quæ est signum honorificenliiv Dei ; sic Deus lotum munilum creauit in uno mine settrnitatis, quasi œdem unam sacram. in quo ultare est Christus. et ipse oblalio est suprenuv honorificentiæ Dei. in quo coincidit allure cum oblatione, ut ipse sit finis completus, tam creaturarum quam causée enatiortis earum. Excitât., I. IV, Ex sermone : « Vidi civitatem sanctam », Opéra, p. 452.

Cette « oblation d’honneur suprême rendu à Dieu » se continue dans le sacrifice eucharistique. Nous y trouvons le Christ qui est là notre hostie, notre autel, notre sacrifice. Là s’accomplit l’acte sacerdotal du corps mystique. Nous offrons en lui, nous nous immolons en lui, nous nous conformons à lui en communiant à lui, afin d’obtenir en union avec lui la vie éternelle : Omnes ibi sacramentum Deo Patri obtulimus ; omnes in Christo immolati ; omnes ad ipsius communionem admissi. Usque ad altare, hoc est usque ad ipsum Christum qui in nobis est, et nos ipsos in Mo ; et quod Deus Pater hanc oblationem recipiet, et nos ipsius in Christo Jesu suæ communionis participes faciet et seterna vita reficiet… Excitât., t. IV, Ex sermone : « Memoriam fecit mirabilium », Opéra, p. 446-447. Nicolas de Cues fait ici un écho magnifique à la définition de saint Augustin : Sacrificium christianum mulli unum corpus sumus.

Gabriel Biel connaît la définition de Gerson aussi bien que celle de saint Augustin, il pense qu’en somme celle-là revient à celle-ci : Sacrificium cullus quidam est soli Deo débitas… sive, ut alii dicunt, est oblatio jacta Deo in recognitionem supremi dominii, et redit in idem. Expos., lect. lxxxv, fol. 252 d. Les analyses du théologien de Tubingue vont à approfondir cette notion d’oblation sacrificielle, et à marquer le rapport qui existe entre l’oblation unique du Christ au Calvaire, et les multiples oblations de l'Église à l’autel.

Ce rapport est sous certains aspects un rapport d’identité. — Biel le souligne avec les expressions de saint Ambroise : Ecce dicit B. Ambrosius quod unum est sacrificium quod obtulit Christus et quod nos ofjerimus quamvis non eodem modo ofjeratur. Lect. liv, fol.. 143. Ailleurs il dit que la messe contient le même sacrifice : In 7Vum sent., dist. VIII, q. i. Il entend ici par sacrificium le sacrifice au sens passif, c’est-à-dire la chose offerte en sacrifice. La raison de l’identité du sacrifice de l’autel avec celui de la croix, c’est en effet l’identité de victime offerte sur l’autel aux mêmes fins que sur la croix, à savoir l’apaisement de la justice divine offensée, et l’imploration du salut éternel. Voilà pourquoi notre messe est à bon droit appelée un sacrifice. In /V’um sent., dist. XII, q. n ; Expos., lect. lxxxv, fol. 253 d.

Cependant entre l’oblation de l’autel et celle du Calvaire, il y a des différences qui touchent à l’offranet à la chose offerte.

A la croix, c’est Jésus-Christ lui-même qui offrit en personne et tout seul par une démarche actuelle, immédiate, allant jusqu'à la mort et obtenant une fois pour toutes la rédemption : Semel oblalus est in semetipso Christus, tantum quotidie immolatur in sacramento quod ita intelligendum est quia in manifestalione sui corporis semel in cruce pependit, offerens seipsum hostiam vivam, passibilem et mortalem, vivorum et mortuorum redemplionis efficacem. Lect. lui, fol. 143. Dans ce sens il n’y a qu’une seule oblation, qui n’est pas à répéter par le Christ lui-même actuellement, immédiatement, formellement à chaque messe : Xoslra oblatio non es’t reiteralio suæ oblationis. Lect. Lin, fol. 143. Maintenant à l’autel, c’est l'Église qui offre conjointement au Christ : agrégée comme un corps à la tête, elle entre en participation active au sacerdoce du Christ pour offrir la victime jadis immo lée sur la croix, et s’offrir avec celle-ci afin de s’approprier les fruits de la rédemption. La messe est l’acte sacerdotal du corps mystique. Biel développe cette doctrine augustinienne, lect. lxxxv. fol. 253rf, en commentant le' texte : Hoc est sacrificium christianorum : mulli unum corpus sumus.

Cette action de l'Église ne s’extree point toutefois à l’autel sur le même plan que celle du Christ : celle-là est subordonnée à celle-ci en tant qu’elle n’agit que par sa vertu. En revanche, ce n’est plus la personne du Christ qui offre par elle-même à l’autel comme sur la croix ; à la messe elle n’offre que par notre entremise ; c’est encore le Christ, mais par nous. Biel, avec plus de précision encore que ses prédécesseurs, développe cette idée traditionnelle : la messe est le sacrifice de l'Église. Il distingue à l’autel un double offrant : l’un qui offre immédiatement et personnellement, l’autre qui offre médiatement et principalement.

Le premier c’est le prêtre qui consacre ; l’autre, celui qui offre médiatement et principalement, c’esl l'Église : Primus est sacerdos consecrans et sumens sacramentum quia ita in persona sua auctorilate tantum divina hsec perficit quæ nemo alius in sic offerendo secum concurrit ; offerens vero médiate et principaliter est Ecclesia militons in eufus persona sacerdos offert cujus est in offerendo minister. Est enim hoc sacrificium lotius Ecclesiæ. Lect. xxvi, fol. 50 d. Ainsi, il n’y a pas de messe proprement privée ; en chaque messe, c’est bien l'Église tout entière qui tient comme offrante le rôle principal, et qui, par le fait, est intéressée.

De la part de la chose offerte, il y a aussi une différence. Au Calvaire la victime offerte fut effectivement immolée ; dans l’oblation de l’autel, on commémore sans la renouveler l’immolation passée en la représentant ; non propter iteratam mortem, sed per morlis semel passæ rememorativam reprœsentationem. Lect. xxvii, fol. 54 ; cf. lect. lui, fol. 143 : Ab ipso quidem oblatum est in mortem, a nobis non in mortem, quia Christus resurgens ex morluis jam non moritur, sed in morlis recordationem ofjertur a nobis. Unde nostra oblalio non est reileratio suæ oblationis, sed reprœsentatio.

Bref, l’unité du sacrifice chrétien n’exclut pas selon Biel une certaine pluralité. L’unité se prend de la chose offerte en sacrifice, numériquement une, toujours la même de la croix à la messe, du fait que l’immolation effective du Calvaire a constitué une fois pour toutes la victime de l’autel : « Notre victime, c’est celle qu’a faite le Calvaire et qu'éternise le ciel. » M. de la Taille, Esquisse, p'. 21. Elle se prend aussi de l’unité du geste oblateur du Christ, en tant qu’il n’est point répété indéfiniment par lui, mais suffit surabondamment à parfaire la rédemption. Elle se prend enfin de l’unité du corps mystique qui agit dans l’oblation d’une façon conjointe et subordonnée à l’action du Christ au Calvaire. La multiplicité vient de la diversité des oblations de l'Église à travers l’espace et le temps ; cette diversité n’est point étrangère à l’unité du sacrifice du Calvaire, puisqu’elle ne fait que commémorer ce sacrifice, contenir et offrir la même valeur, en appliquer les fruits. La messe est essentiellement le sacrifice de l'Église qui perpétue celui du Christ au Calvaire, en se subordonnant à lui pour nous l’appliquer. In IVum sent., dist. VIII, q. i.

2. Valeur du sacrifice eucharistique.

Les vues de

nos auteurs sur la nature de la messe comme oblation de l'Église essentiellement subordonnée à l’unique oblation rédemptrice du Calvaire entraînent des conséquences pratiques touchant l’appréciation, les facteurs et l’utilisation de la valeur de la messe. Elles leur permettent de critiquer justement les erreurs plus ou moins répandues dans le peuple touchant la valeur du sacrifice chrétien.