Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/543

Cette page n’a pas encore été corrigée

1071 MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LA THÉOLOGIE NOMINALISTE 1072

nion, sensibili masticulione et calicis sumptione. Excitalionum, t. IV, Ex sermone : « Memoriam fecit mirabilium », Opéra, p. 447.

D’autres, à la suite de saint Thomas, insistent davantage sur la valeur significative de la consécration, soit qu’ils voient cette signification dans la seule consécration du calice, soit qu’ils la trouvent mieux exprimée dans la double consécration distincte. Ainsi Noël Hervé : « La passion est signifiée plus expressivemenl par le sang que par le corps, et surtout par le sang répandu qui suppose la blessure. » In I V ura sent., dist. VIII, q. ii, Paris, 1647, p. 342. De même Thomas de Strasbourg, In IV" m sent, dist. XI, q. ii, a. 3, ad l UIn, Venise, 1564, fol. Î17 : « La consécration du sang doit se faire à part, distincte, afin que soit expressément signifié que, dans la passion du Christ, son sang a été séparé de son corps par effusion. » Même idée et expressions semblables chez Nicolas de Lyre. In Matth., xxvi ; In Lucam, xxii.

Gerson et Biel unissent très intimement la consécration et la communion comme représentation sensible de la passion du Christ.

Figurée déjà par les espèces du pain et du viii, la séparation du corps et du sang, dit Gerson, l’est encore par la double communion du prêtre' à ces espèces. Tract, contra hæresim de communione laicorum sub utraque specie, dans Opéra omnia, t. i, col. 460.

D’après Biel, la signification de L’eucharistie est complexe. C’est surtout le vin consacré dans le calice qui représente le mieux la mort sanglante, soit au moment des paroles de la consécration, soit dans la communion : « Dans la passion s’est opéré notre rachat par l’effusion du sang, cela est signifié par le sacrement du sang sous l’espèce liquide du vin. Dans la communion, l’effusion du sang est également signifiée : In sumptione sub specie vini, redemptio nostra per sanguinis Christi cfjusionem. Lect. lii, fol. 135 a. C’est avec raison que l’on dit : ceci est le calice de mon sang, « parce que le sang du Christ est signifié comme répandu pour notre rançon et servi en breuvage pour notre réfection. Mentionné seul, le sang resterait à l'état indéterminé ; mis en rapport avec le calice, il est offert comme répandu et présenté pour être bu ». Ibid., fol. 136. Ce qui rend plus expressive encore cette représentation du sacrifice du Calvaire, c’est que le sang est consacré séparément dans le calice, de même qu’autrefois il a été séparé du corps du Sauveur : Unde ad reprœsentandum distinclius passionem Christi in immolatione hujus sacrificii, sanguis separatim in calice consecratur, quia in passione Christi sanguis a corpore Christi fuit separatus. Lect. liv, fol. 143 d. Le pain consacré figure plutôt l’incarnation et l’union du corps mystique à son chef. Lect. lii, fol 135. Aux yeux de Richard de Médiavilla, les espèces du pain et du vin sont le signe non seulement du corps naturel du Christ, mais aussi de son corps mystique, la sainte Église. In IV am sent., dist. VIII, a. 1, q. I, p. 96 ; dist. XI, a. 2, q. i, p. 138.

b) La messe comme oblation par l'Église de la victime jadis immolée au Calvaire. — Nos théologiens ne se contentent point de souligner le caractère représentatif de la messe et sa participation réelle à l’efficacité du sacrifice du Calvaire, lorsqu’ils veulent justifier l’appellation de sacrifice qui appartient évidemment au sacrifice de l’autel. Ils éprouvent parfois le besoin de préciser en quoi consiste le sacrifice eucharistique.

Dans ce dessein, ils s'éclairent des définitions anciennes et nouvelles du sacrifice ; un certain nombre, et des meilleurs, s’avançant dans la voie tracée par saint Augustin et plus récemment par Pierre Lombard, saint Thomas, saint Bonaventure, et surtout Duns Scot, aiment à chercher dans l’idée d’oblation le trait essentiel de la constitution du sacrifice de la messe.

a. Anciennes dé/initions. — Ils continuent d’abord à s’inspirer des définitions traditionnelles de saint Augustin et de saint Isidore.

Ainsi saint Bernardin († 1444), De cultu sanctissimse Trinitatis, serin, ix, 9, c. ii, Opéra, Lyon, 1650, t. i, p. 39 : Sacrificium dicitur ex hoc quod homo facit aliquid sacrum.

Saint Antonin va mettre sur le même plan que les anciennes définitions la définition récente de saint Thomas ; bien plus il semble donner celle-ci comme la définition propre du sacrifice : Proprie lamsn, secundum Thomam, dicitur sacrificium, quum aliquid fi ! circa res Deo oblatas. Unde sacrificium dicitur quia homo facit aliquid circa sacrum ut quum frangitur, comeditur et benedicitur. Sum. theol., part. III, tit. xii, c. ix, § 3, t. iii, col. 543. Il éclaire la définition thomiste par celle d' Isidore : Sacrificium dicitur tanquam sacrum factum, quia prece mijstica consecratur pro nobis in memoriam passionis. Conformément à ces vues, l’action exercée autour de la matière offerte paraît réalisée à la messe, au milieu de la prière mystique qui rend cette matière sacrée, par les différents rites de la fraction, de la consécration et de la communion, les paroles dites et les signes de croix accomplis ; tout cela est opéré pour signifier la passion. Ibid., et tit. xiii, c. v, t. iii, col. 587-589.

b. Définitions nouvelles par l’oblation. — Gerson propose une définition, nouvelle plus encore par la forme que par le fond ; elle est ainsi conçue : « Une oblation faite à Dieu, en reconnaissance de son souverain domaine. » Tract, super Magnificat, i, Opéra, t. iv, col. 413.

Cette définition comprend deux éléments. Dans le premier : « oblation faite à Dieu », Gerson, selon l’esprit de saint Augustin et de saint Thomas, à la suite d’Alexandre de Halès, de Guillaume de Paris, et de Duns Scot, met particulièrement en relief le rôle de l’oblation dans le sacrifice. Dans le second : « en reconnaissance de son souverain domaine », il souligne le but du sacrifice. Comment le sacrifice en général et le sacrifice eucharistique en particulier témoignent-ils cette reconnaissance ? Est-ce par un acte de destruction de la matière offerte, qui proclamerait ainsi le domaine absolu de Dieu sur sa créature '? Certains théologiens le penseront plus tard. Gerson, lui, ne fait nulle part appel à cette idée, et il semble bien qu’elle soit en dehors de la perspective dans laquelle il envisage le sacrifice. Sa description de la messe ne comporte que l’idée d’offrande agréable et non celle de destruction : « Sous la seule apparence d’un peu de pain sur l’autel, d’un peu de vin dans le calice, nous consacrons et nous offrons en parfum de suavité au Seigneur un sacrifice incomparablement plus agréable. » Ibid., iii, col. 419. Il oppose ici le sacrifice nouveau aux sacrifices de la Loi ancienne qui comportaient de multiples égorgements d’animaux.

Les vues de Nicolas de Cues, comme celles de Gerson, vont à définir, sous une même inspiration traditionnelle, le sacrifice eucharistique par l’oblation. En quelques mots, d’une profondeur magnifique, le grand mystique marque la place de « la suprême oblation » au centre du plan divin, et fait voir les liens qui unissent les mystères de la création, de l’incarnation, de la messe et de la consommation de tous dans l’unité de la vie éternelle.

Dieu est l’Architecte qui, par la création, construit le temple du monde au centre duquel il veut un autel, et sur cet autel une oblation toute de gloire. Le Verbe incarné est à la fois, comme l’ont dit Paschase et Hincmar, l’autel, le prêtre et la victime de ce sacrifice : Sicut arlifex concepit œdem sacram, quæ non est œdes sacra sine altari, ut altare sit pars œdis sacrse,