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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LA THÉOLOGIE NOMINALISTE


soit par des auteurs contemporains, exégètes, prédicateurs ou théologiens mystiques. Citons les principaux : parmi les exégètes. Nicolas de Lyre (f vers 1349), liibliorum sacrorum cum glossa ordinaria et Nicolai Lyrani expositionibus litterali æ morali, additionibus insuper et replicis, Lyon, 1545 ; Alphonse de Tostat († 1 155), Opéra omnia, Cologne, 1613, 16 vol. in-folio : parmi les controversistes mystiques, Gerson († 1429). Opéra omnia, Anvers, 1706 ; Nicolas de Cues († 1461). Opéra, Laie, 1565 ; parmi les sommistes, disciples de saint Thomas : saint Antonin († 1459), Summa theologica in IV partes distributa, Vérone, 1740, 4 in-fol. : Denys le Chartreux, Summa fidei orthodoxie. Anvers, 1569, 2 in-fol. ; Silvestre de Priérias (Mazolini), voir ci-dessus, col. 474 sq.), Summa summarum, Lyon, 1519.

Il faut faire une place à part parmi les sources de la théologie de la messe, à la fin du xve siècle, à la vaste synthèse doctrinale, morale, canonique, liturgique et ascétique de Gabriel Biel († 1495) sur les paroles et les rites du sacrifice eucharistique : Sacri canonis missse expositio resolutissima, litteralis ae mistica, in-fol., Bàle, 1510. Elle s’impose d’abord à l’attention du théologien par l’ampleur des questions qui y sont posées et résolues. Le lecteur se rendra facilement compte de cette ampleur à parcourir l’excellente table qui se trouve à la fin de l'édition de Bâle, particulièrement aux mots sufjragia pro de/unctis, applicatio fructus missæ et sacrificii, conseerationis materia, forma, hostiæ fractio, frequentatio, institutio, expositio canonis, où les questions de la valeur de la messe sont traitées plus à fond qu’on ne l’avait fait jusque-là. Elle s’impose non moins par la largeur de son témoignage sur la messe. Elle ne nous apporte point sans doute des vues originales, Gabriel Biel a conscience d'être un écho ; il déclare lui-même avoir tout emprunté à ses anciens maîtres ; en fait la comparaison de son Expositio avec le Correclorium de son maître Eggeling montre que le disciple a incorporé à son ouvrage tout l’enseignement du maître. Voir Franz, Die Messe im deutschen Mittelalter, p. 537-555. Mais cette dépendance à l'égard de la tradition vivante dans l'école ne fait-elle point la valeur de son témoignage ? « Comme il pratique un sage éclectisme, comme il expose bien les idées d’autrui, on peut dire qu’en lui on entend presque toute l'École. » Art. Biel, t. ii, col. 817.

Cette synthèse s’impose enfin à l’attention du théologien par la place qu’elle tient dans l’histoire au moment le plus critique de la doctrine de la messe. N’est-elle point professée et écrite vingt ans seulement avant Luther. Le réformateur l’a connue et étudiée ; il en a apprécié l’importance, puisqu’il déclare lui-même que le livrt de Biel sur le canon de la messe est le meilleur que possèdent les catholiques. Tischreden, édit. Weimar, T. R., t. iii, n. 3146, 3722. Luther sur ce point a vu juste. Mais ceci précisément le condamne. Les écrits du théologien de Tubingue, Y Expositio missse aussi bien que les résumés qui en dérivent, Epithoma expositionis canonis missse, Tubingue, 1499, Expositio brevis et interlinearis sacri canonis missæ (Hain, Reperlorium, n. 3178-3182), peuvent fournir une réponse pertinente à ces deux questions que pose le mouvement réformateur contre la messe : L’enseignement catholique du temps méritait-il les attaques dont il fut l’objet de la part des réformateurs ; préparait-il la réforme ? Une étude approfondie de l’idée de la messe dans Biel. serait, croyons-nous, la meilleure démonstration historique de la rupture de continuité qui existe entre l’enseignement traditionnel du dernier des scolastiques, et les diatribes novatrices de Luther contre la messe.

2° Le témoignage des documents. — Ce témoignage porte principalement sur deux points : la nature et la valeur du sacrifice eucharistique.

1 Nature du sacrifice eucharistique. — La messe y apparaît comme un sacrifice essentiellement subor donné à celui du Calvaire : elle est de celui-ci le mémorial efficace, l’oblation faite par l'Église.

a) La messe mémorial ou représentation efficace de l’immolation rédemptrice. — a. Tous nos auteurs, à la suite des grands maîtres, sont unanimes à voir dans l’immolation du Christ à l’autel une simple image ou figure commémorative de l’unique immolation réelle du Calvaire. Plusieurs, selon la pensée et la formule même de saint Thomas, insistent sur ce fait que la messe ne représente pas seulement le sacrifice de la croix, mais nous en applique les fruits.

Selon Bichard de Médiavilla, elle est une « immolation » représentée ; elle « nous met sous l’influence de la passion et fait descendre ses effets jusqu'à nous ». Super I Visent., dist. XII, dist. XIII, t. iv, p. 158, 165.

D’après Denys le Chartreux, « la raison pour laquelle la célébration de ce mystère est appelée immolation du Christ est qu’elle est une image représentative de l’immolation du Christ sur la croix, et qu’elle nous faits participants du fruit de la passion du Seigneur. » Sum., t. IV, a. 116, t n. p. 275. Elle est appelée hostie ou sacrifice, d’après Durand de SaintPourçain, parce que c’est un spécial mémorial de la passion du Seigneur. In IVum sent., dist. VIII, q. i, n. 9, fol. 267 a. Nicolas de Lyre affirme qu'à la messe il n’y a pas réitération du sacrifice (par excellence), mais commémoraison quotidienne de l’unique sacrifice jadis offert sur la croix. In Hebr., x, op. cit., t. vi, fol. 152.

Gabriel Biel insistera à son tour sur l’unité de l’oblation rédemptrice et le caractère commémoratif de la messe. <"elle-ci est « l’image représentative de la passion qui est la vraie immolation du Christ ». Expos., lect. lxxxv, fol. 253. Il n’y a qu’une seule oblation du Christ qui implique de sa part une intervention personnelle, immédiate, rédemptrice : c’est l’oblation du Calvaire. Notre oblation n’est pas la réitération de cette unique oblation, elle en est la représentation : Hœc quidem una causa fuit instilutionis sacramenii, ut ipsius esset signum memoriale et representativum istius summi sacrificii quod reapse oblulit in cruce… InChristo semel oblata est hostia ad salulem sempiternam polens… Unde nostra oblatio non est reiteratio suse oblationis, sed reprsesentalio. Leet. liv, fol. 143. On appelle sacrifice et oblation la consécration et la communion eucharistique pour deux raisons : parce que ces deux rites représentent la passion et en sont le mémorial, parce qu’il sont le principe causal et actif des mêmes effets : Sed ex aliis duabus causis eucharisliæ elebratio et sumptio sacrificium est et oblatio : tum quia illias sacrificii veri… reprœsenlativa est et memoriale, tum quia similium effectuum operativa et principium causale. Lect. lxxxv, fol. 253.

b. En quels rites de la messe se trouve réalisé ce caractère figuratif, unanimement reconnu, au sacrifice eucharistique ?

Les opinions sur ce point restent assez divergentes comme elles l'étaient d’ailleurs dans la tradition antérieure ; cependant la pensée de saint Thomas s’impose de plus en plus.

Durand de Saint-Pourçain rappelle le vieux symbolisme augustinien des grains de blé moulus et des raisins pressés pour signifier l’amertume de la passion. In IV" m sent., dist. XI, q. iv, ad 2um, n. 13, fol. 276. Denys le Chartreux fait intervenir la fraction comme sacrement de la passion. Sum., 1. IV. a. 106, n. 3, p. 269. Nicolas de Cues voit le mémorial sensible de la mort du Christ surtout dans la commu-