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MESSE DANS L’EGLISE LATINE, SAINT THOMAS

C

de la communion sous les deux espèces une image de la passion. III- 1 q. lxxvii, a. 7 ; q. i.xxiv, a. 1 : In hoc sacramento quod est memoriale dominicæ passionis, scorsum sumitur partis ut sacramentum corporis, et vinum ut sacramentum sanguinis.

L’autel lui-même, tout comme la célébration de l’eucharistie dans son ensemble, fait penser à la passion. Sicut celebratio hujus sacramenti est imago reproes’entativa passionis Clirisli, ila altare est reprsesentativum crucis ipsius, in qua Christus in propria specie immolatus est. III a, q. lxxxiii, a. 1, ad 2um.

De même le prêtre visible ne fait que figurer le prêtre insivible au nom et dans la vertu duquel il consacre. C’est ainsi que le Christ est à la messe quodammodo, prêtre et hostie. III a, q. lxxxiii, a. 1, ad 3um. Ainsi donc, la représentation sensible de la passion est attachée à l’ensemble de la messe, mais plus particulièrement, à la consécration. A raison de ce caractère figuratif, la messe est appelée, est dite un sacrifice, elle possède la raison essentielle de sacrifice. Ce n’est là cependant qu’un aspect de l’eucharistie.

b. La messe est une oblalion sacrificielle — On peut affirmer sans crainte, avec M. Lepin, op. cit., p. 189, qu’aux yeux de saint Thomas, l’oblation tient une place nécessaire et importante dans le sacrifice de la messe. Cela résulte de la façon dont le saint Docteur parle de l’objet, du prêtre et de la valeur de l’oblation eucharistique.

a) L’objet de l’oblation. — Au commencement de la messe, pour saint Thomas, comme pour la liturgie, il y a tout d’abord l’offrande matérielle du pain et du vin qui est nôtre avec sa faiblesse, et qui est destinée à devenir le corps du Christ par la consécration. Di ce point de vue de l’oblation initiale le docteur angélique parle du vin qui est offert à part ; par là s’explique ce qu’il dit de l’offertoire : Sic igitur, populo prœparato, consequentur acceditur ad celebralionem mijslcrii, quod quidem et offertur ut sacrificium, et consecratur et sumitur ut sacramentum. Unde primo peragitnr oblatio, secundo consecratio malcriec oblalæ, tertio cjusdem perceptio. III a, q. lxxxiii, a. 4. Il oppose ici l’offertoire, partie de la messe où se fait l’oblation sacrificielle à la consécration et la communion, qu’il met plutôt en rapport avec le sacrement. Mais, remarquons-le, il ne s’agit ici que d’un aspect, l’aspect initial, visible du sacrifice. Sous cet aspect il y a la réalité invisible, l’oblation principale de la victime du Calvaire : Sacerdos in persona omnium sanguinem offert et sumit. III a, q. lxxx, a. 12, ad 3um ; il y a l’unique hostie du Nouveau Testament qui fonde l’unité de sacrifice. III a, q. lxxxiii, a. 1, ad lum. A quel moment précis s’accomplit cette offrande principale de la victime ? Saint Thomas ne semble point préoccupé de résoudre cette question. Sans doute il écrit : Hoc sacramentum perficitur in consecralione eucharisties in qua sacrificium offertur. IIl a, q. lxxxii, a. 10. Mais, comme le contexte l’indique, par consécration notre auteur entend plutôt ici l’acte de confection du sacrement dans son ensemble que le moment précis, que la partie centrale de la messe opposée aux autres parties. Consecrare entre ici en parallèle avec baptizare ; il est pris par saint Thomas comme synonyme de celebrare. Abslinere a consecralione équivaut à a celebratione abslinere. La confection du sacrement est ici opposée à l’usage du sacrement. La préoccupation ne va donc point à déterminer le moment précis où s’opère à la messe le sacrifice, mais à montrer la nécessité qui s’impose au prêtre non chargé d’âmes de célébrer quand même, car s’abstenir de consacrer, c’est-à-dire de célébrer, serait par le fait s’abstenir du sacrifice. Pourquoi ? Parce que c’est dans la consécration, c’est-à-dire dans la confection du sacrement

qu’est offert le sacrifice. De là, on conclura seulement que l’oblation du sacrifice est inséparable de la confection du sacrement. Ce n’est qu’indirectement, du fait que, pour saint Thomas, le moment essentiel de la confection du sacrement se trouve dans le moment précis de la consécration, que l’on déduira que l’oblation principale du sacrifice a lieu à ce moment. Saint Thomas laisse d’ailleurs entendre qu’au Supra quæ propilio, le sacrifice est accompli : Petit hoc sacrificium peractum esse a Deo acceptum. IIP, q. lxxxiii, a. 4.

Enseigne-t-il à la suite de saint Augustin et de ses disciples l’offrande de l’Église à côté de celle du Christ dans le sacrifice de l’autel ? Il faut reconnaître tout au moins que, si le saint Docteur fait allusion à cette doctrine, il n’a point mis dans une lumière aussi vive que ses prédécesseurs augustiniens cette vue traditionnelle et liturgique. En commentant les prières qui concernent à la messe l’union de l’Église et du Christ, il est plus préoccupé de présenter cette union comme un effet du sacrement que comme une matière de l’oblation sacrificielle, q. lxxiv, a. 1, 6.

P) Le prêtre de l’oblation. — Le Christ n’est point seulement offert comme hostie sur l’autel ; il est d’une certaine façon le prêtre de l’oblation eucharistique. Le sacrifice de l’autel n’est point autre en effet que le sacrifice de la croix, il en est la commémoraison : Sacrificium quod quotidie in Ecclesia offertur non est aliud a sacrificio quod ipse Christus obtulit, sed ejus commemoratio, unde Augustinus dicil, in l. X, De civilate Dei, c. XX ; « Sacerdos ipse Christus offerens, ipse et oblatio, cujus rei sacramentum quolidianum esse voluit Ecclesise sacrificium. » IIP, q. xxii, a. 3, ad 2um. Comment concevoir ce rôle sacerdotal du Christ à la messe ? Faut-il considérer son oblation comme simplement virtuelle, en tant que l’intention et le mérite de son sacrifice historique continuent à valoir devant Dieu, à la façon d’un acte moral unique jamais rétracté, ou bien peut-on la concevoir comme actuelle, c’est-à-dire comme un acte nouveau répétant le premier ? Saint Thomas, en fait, ne dit expressément nulle part qu’à l’autel le Christ s’offre actuellement lui-même : il ne semble connaître d’oblation actuelle du Christ que celle jadis réalisée au Calvaire et que s’approprie l’Église : Et hoc modo semel oblata est per Christum quod quotidie per membra ipsius offeri possit. In IVum sent., dist. XII, expos, text.

C’est le même point de vue dans la Somme, où il traite du sacerdoce éternel du Christ. Dans l’office de ce sacerdoce il distingue deux choses : l’oblation elle-même du sacrifice sur la croix, et la consommation du sacrifice qui consiste à amener le monde entier à obtenir la fin du sacrifice, c’est-à-dire l’union à Dieu. Il n’y a point à renouveler la mort, la passion, la vertu de l’unique oblation qui dure éternellement. IIP, q. xxii, a. 5, corp. et ad 2um : Licet passio et mors Christi non sint iteranda, tamen virtus illius hoslise semel oblattç permanet in mlernum. Il n’y a qu’à appliquer cette vertu, qu’à faire participer l’Église à l’oblation du Christ, qu’à communiquer aux fidèles le vrai sacrifice du Christ. Enfin saint Thomas souligne aussi d’une part l’unité de l’oblation faite par le Christ lui-même, et d’autre part la multiplicité des oblations faites par ses membres. III a, q. lxxxiii, a. 1.

Pourquoi le Sauveur demeure-t-il cependant à l’autel le prêtre principal, et pourquoi le prêtre humain n’est-il seulement qu’un mandataire ? Parce que celui-ci n’agit, ne parle qu’au nom et dans la vertu du Christ au moment de la consécration : Sacerdos gerit imaginem Christi in cujus persona et virtute verba pronuntiat ad consecrandum, et ita quodammodo idem est sacerdos et hoslia. Ibid., ad 3um. Sans doute saint Thomas ne dit nulle part que le prêtre humain offre