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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, LES GRANDS SCOLASTIQUES


um iniquitas, … Tradidit et se Filius, et hoc ex churitule. lbid., col. 608. Saint Thomas s’inspirera de la môme pensée dans sa théologie du sacrifice rédempteur.

c. Le sacrifice eucharistique ne comporte point, enfin, pour lui, de destruction : Baudouin insiste, en se recommandant de saint Augustin commenté par Lanfranc, sur le caractère figuratif de l’immolation de l’autel : Immolatio hœc non est occisionis, sed significations et reprœsenlationis. Ibid., col. 772 B. Cet auteur se tient donc, en définitive, comme le remarque M. Lepin, op. cit., p. 161, sur la position très simple de Pierre Lombard et de ses disciples.

c) Innocent III. — Le traité De sacro altaris n.ijslcrio libri sex, P. L., t. cc.xvii, col. 773-916, de Lothaire de Segni (Innocent III, f 1213) est à la fois, par rapport à la théologie du xiie siècle, un écho et un reflet, et par rapport à la théologie de l'âge suivant une source souvent consultée. Plusieurs chapitres de cet ouvrage ont un rapport direct au sacrifice de la messe.

L’auteur y insiste sur la part active de l'Église. A la suite de Pierre Lombard, il rappelle que le prêtre offre le sacrifice, non point en son nom propre, mais au nom de toute l'Église. L. III, c. vet vi, col. 843 et 845. « Hors de l'Église, dit-il, on n’offre point validement le sacrifice de la messe. Extra unitatem Ecclesiæ non est locus offerendi sacrificium unitatis. C. ix, col. 848 D. Il met aussi en relief cette vérité traditionnelle que le sacrifice rentre dans le culte de latrie et qu’il n’est offert qu'à Dieu seul. C. v, col. 843. Acte d’adoration, il s’adresse également aux trois personnes de la Trinité. C. viii, col. 847. Il est offert pour tous les fidèles, vivants et défunts, appartenant au corps de l'Église, en vue de leurs biens spirituels et temporels, le tout pour le salut éternel. III, v, vi et vii, col. 843-846.

La consécration en est le cœur et le point culminant, cor divini sacrificii. IV, i, col. 851. Innocent III ne songe point d’ailleurs à présenter la double consécration comme une image de la séparation du corps et du sang de Jésus-Christ. Il voit cette image dans les cérémonies liturgiques instituées par l'Église. C’est pour mettre devant nos yeux cette image que l'Église a joint aux paroles de la messe des signes nombreux. Dans le canon les paroles ont surtout trait à la consécration, les signes à l’histoire de la passion. Ainsi les signes qui sont faits après la consécration sur le corps divin du Sauveur, représentent ce qui s’est passé durant la semaine sainte jusqu'à la mort du Seigneur. V, ii, col. 888.

Bref, la messe est le mémorial salutaire qui figure, représente, rappelle le sacrifice sanglant du Calvaire, non seulement parce qu’elle est dans ses cérémonies l’image physique de la passion, mais parce qu’elle contient la victime de cette passion et nous en applique les mérites. III, iv, col. 842 et 843 ; IV, xliii, col. 883 et 884.

d) Les conciles et les professions de foi du XIIe siècle. — L'Église sans doute n’a point au xiie siècle à intervenir comme au xie par une série de réunions conciliaires contre une erreur eucharistique semblable à celle de Bérenger ; elle a cependant occasion de toucher à la question du sacrifice de la messe dans les décrets ou professions de foi qu’elle édicté surtout contre les cathares.

Ainsi, au concile de Lombers près d’Albi, en 1176, on rappelle en face de l’hérésie que seul le prêtre a pouvoir de consacrer le corps du Christ, on affirme la vertu toute-puissante des paroles consécratoires, malgré l’indignité du ministre, on déclare que le corps du Christ ne peut être consacré que dans les églises. Mansi, Concil., t. xxii, col. 162, 163.

En 1210, le concile de la province de Sens tenu à Paris condamne les amauriciens : ceux-ci, en vertu d’une erreur connexe à leur panthéisme, affirmaient

la présence du Christ sous les accidents du pain et du vin avant les paroles de la consécration, qui ne produiraient pas, mais constateraient seulement la présence réelle. Ibid., col. 809.

l’n décret synodal d’Odon de Paris implique une décision ferme sur le moment de la consécration et de l'élévation : l’rxcipitur presbyleris ut, cum in canone missse incœpcrinl qui pridie lenentes hosliam, ne élèvent eam statim nimis aile, ita quod possit ab omnibus uideri a populo, sed quasi unie pectus detineant donec dixerinl : iioc est corpus meum, et tune élèvent eam ut possit ab omnibus videri. Ibid., col. 682.

En 1208, Innocent III, dans une lettre à l'évêque de Tarragone, mentionne une profession de foi imposée aux Vaudois. Elle vise à la fois l’objet, le prêtre et les conditions de validité du sacrifice de la messe, quelles que soient les dispositions morales du célébrant. Mais celui-ci doit être prêtre, et prononcer avec une intention « fidèle » les paroles traditionnelles. Epist., cxc.vi, P. L., t. ccxv, col. 1511.

Enfin la définition portée par le IVe concile du Latran formule et résume nettement la doctrine précisée et défendue par les théologiens de l'époque contre les erreurs bérengariennes et vaudoises, soit au point de vue de la transsubstantiation, soit au point de vue du sacrifice. Una vero est fidelium universalis Ecclesia, in qua idem ipse sacerdos et sacrificium Jésus Christus… Et hoc utique sacramentum nemo potest conficere nisi sacerdos qui fuerit rite ordinalus. Mansi, Concil., t. xxii, col. 982. Nous avons là, rappelé dans une incidente, comme en passant, l’essentiel de la doctrine traditionnelle sur la vérité du sacrifice de la messe. La messe est une œuvre divine, potestate divina, où le Christ est prêtre et victime tout à la fois. Le ministre humain de ce sacrifice est le pr ; tre ordonné selon la volonté du Christ.

IX. Les grands théologiens du xme siècle. — La longue période qui va du IVe concile du Latran à l’apparition de l’erreur protestante ne connaît point de controverse qui intéresse directement le sacrifice eucharistique.

A Ja fin du xive siècle et au commencement du xve, Wiclef et Jean Huss propageront sans doute des erreurs eucharistiques : mais celles-ci viseront surtout la transsubstantiation et n’attaqueront pas directement la messe. Aussi les questions de vérité et d’essence du sacrifice eucharistique ne sont-elles point traitées ex professo par les théologiens de cette époque, comme elles le seront plus tard au moment de la controverse protestante. L’attention et l’effort rationnel se portent vers l’exposé précis de la doctrine sacramentelle de l’eucharistie et vers l’interprétation rationnelle de la transsubstantiation ; ils ne vont point à établir une synthèse achevée, définitive, qui, à la lumière d’une théorie générale sur la religion et le sacrifice, donnerait une définition précise de la messe.

Les meilleurs théologiens de cette époque se contentent, soit à l’occasion de l'étude des sacrifices anciens, soit dans leur analyse du sacrifice de la croix et de celui de l’autel, de résumer et d’approfondir l’enseignement de leurs prédécesseurs ; ils ramassent ainsi les matériaux, posent les bases, tracent les lignes de l'édifice futur beaucoup plus qu’ils ne l’achèvent et ne le couronnent. Parmi les principaux ouvriers de cette œuvre lente d'élaboration théologique, on peut distinguer des précurseurs, puis des chefs d'école.

Les précurseurs.

Dans ce commencement du

xin c siècle, si fécond en commentaires des Sentences et en œuvres synthétiques encore inédites, on. peut signaler quatre précurseurs immédiats de l’Ange de l'École : Alexandre de Halès († 1245). Guillaume d’Auvergne († 1249), saint Bonaventure († 1274), et le bienheureux Albert le Grand (tl280). Voir leurs articles et Lepin,