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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, PIERRE LOMBARD


jusqu'à nous la vertu de la croix. Dist. VIII, ii, 4, col. 857 ; dist. XI, n. 7, col. 864' ; dist. XII, n. 7, col. 8li(i.

Pierre Lombard, comme Pierre le Vénérable, comme les augustiniens, souligne le rôle actif de l'Église à l’autel : il en tire des conclusions sur la validité de la messe. Au sein de l'Église catholique, quelle que soit la qualité morale du ministre, le sacrifice s’accomplit… quia Spirilus Sanctus vivificat. En dehors de TÉglise, pour les excommuniés et les hérétiques notoires il ne peut être question de célébrer validement : ceux-ci nt peuvent parler au nom de l'Église. Autre raison : La messe, dit le Lombard, suppose au Jubé heec perferri l’intervention des anges ; l’hérétique et le schismatique ne peuvent escompter cet.te intervention : Éx his colligitur quod heereticus a catholica Ecclesia præcisus niqueat hoc sacramentum conficcre, quia sancti an’geli… lune non adsunt quando hæreticus vel schismaticus hoc mysterium temere celebrare prwsumit. Dist. XIII, n. 1, col. 868. Cette conclusion erronée sera rejetée par la théologie postérieure.

Tandis que le Maître des Sentences met surtout en évidence le rôle du prêtre comme mandataire de l'Église dans l’oblation eucharistique, il se tait sur les rapports de celui-ci avec le prêtre invisible. Le Christ dans cette perspective apparaît prêtre du sacrifice chrétien, surtout en ce qu’il fait offrir, sur son ordre, par l'Église l’oblation de son corps et de son sang rendus présents sur l’autel par la vertu de ses paroles. L’ensemble de la doctrine est d’inspiration augustinienne.

Conclusion. — La vérité du sacrifice eucharistique est tout à fait indépendante d’une immolation actuelle de la victime offerte. Dépend-elle, du moins, d’une représentation sensible de l’immolation passée ? M. Lepin pense que non : l’essence du sacrifice eucharistique, d’après lui, est constituée par autre chose qu’une immolation réelle ou figurative, savoir par l’oblation réelle du Christ réellement présent dans le sacrement. Op. cit., p. 156.

C’est, semble-t-il, ne point tenir assez de compte du premier aspect de la pensée du Lombard, selon laquelle la messe est appelée sacrifice, parce qu’elle est la représentation du sacrifice de la croix. Cet aspect n’exclut point le second : celui-ci le complète. Pour notre auteur, comme pour ses prédécesseurs, la messe est une réalité complexe à double aspect, l’un extérieur et visible, l’autre intérieur et invisible, tous deux essentiels. Par son extérieur, pain et viii, fraction et communion, elle est surtout rappel et représentation de la passion ; par sa réalité profonde, elle est. oblation actuelle ; substantiellement identique à celle du Calvaire. L’idée de la messe, telle que l’a décrite le Maître des Sentences, pourrait ainsi se définir : L’oblation par l'Église sur l’ordre du Christ, du corps et du sang du Seigneur, présents sur l’autel sous les signes commémoratifs de l’immolation passée, en vue d’appliquer aux fidèles la vertu de cette immolation rédemptrice.

Les successeurs immédiats de Pierre Lombard.


1. Les liturgistes. — Durant la seconde moitié du xiie siècle, plusieurs auteurs traitent de la messe au point de vue liturgique : Jean Beleth vers 1160 dans le Rationale divinorum officiorum, c. xxxiv-lii, P. L., t. coi, col. 43-58 ; Robert Paululus († 1178), De aeremoniis, sacramentis, officiis et observationibus ecclesiasticis, t. II, c. xi-xli, P. L., t. clxxvii, col. 416438 ; Pierre le Peintre, vers 1170, Traclalus de sacrosanctis venerabilis sacramenti eucharistiæ mysteriis, P. L., t. cevn, col. 1135-1154 ; Sicard de Crémone († 1215), Mitrale seu de officiis ecclesiasticis summa, 1. III passim, P. L., t. ccxiii, col. 89-148. On pour rait citer ici Lothaire de Segni, le futur Innocent III, De sacrofancto altari myslerio, P. L., t. ccxvii, col. 774-916. Comme son livre est aussi spéculatif que liturgique, nous l'étudierons plus loin comme un écho de l’enseignement à la fois scolastique et liturgique sur la messe à la veille du IVe concile du Latran.

a) Conception de la messe. — Tous ces auteurs mettent en relation le sacrifice de l’autel avec l’immolation sanglante de la croix, mais c’est pour affirmer, à la suite de Pierre Lombard et de la tradition, que l’immolation de l’autel n’est que sacramentelle, représentative, figurative de celle du Calvaire. Hoslia dicta est immolalio quod isthic Christus sacramentaliler immoletur, quod in verilute semel pro peccalis nostris in cruce est immolatus. Jean Beleth, Rationale, c. xlii, P. L., t. ccii, col. 51 : Sicard, Mitrale, t. VI, c. xiii, t. ccxiii, col. 320.

Robert Paululus, il est vrai, semble faire appel à l’idée de destruction pour éclairer la notion de sacrifice eucharistique. Il divise la messe en trois parties qui représentent comme trois actions ou trois formes du sacrifice. La première va de l’offertoire au Qui pridie, c’est l’oblation du serviteur. Elle consiste pour le serviteur qui est l’homme à renoncer au pain et au vin pour l’offrir à Dieu. En offrant ainsi les principaux aliments de sa vie, l’homme semble détruire cette vie, s’immoler, puisqu’il renonce à ce qui la soutient et ne veut désormais tenir que de Dieu ce qui lui est strictement nécessaire. Par cette union personnelle à l’immolation du corps et de l'âme du Christ, il devient participant de la passion. La victime secondaire qui est l’homme s’associe ainsi mystiquement, par l’immolation intérieure que figure le renoncement au pain et au viii, à l’immolation de la victime principale jadis réalisée au Calvaire et figurée maintenant sur l’autel. Ce que l’auteur veut inculquer ici, c’est l’union étroite du peuple chrétien à l’oblation du Sauveur : panem et vinum ofjerendo quæ in victu vitse animalis principalia sunt , seipsos et sua omnia, id est totum suum victum ofjerre dicantur. De ofj. eccl., II, xxix, P. L., t. clxxvii, col. 430. Cf. aussi col. 428.

Après l’oblation du serviteur, vient l’oblation du corps et du sang du Christ, du vrai et parfait sacrifice que le prêtre terrestre offre dans la vertu d’en haut. C. xxxii et xxxiii, col. 431 et 432. Cette seconde partie du sacrifice trouve son couronnement dans une troisième action qui se fait par la coopération du monde invisible : Rogat sacerdos per manus angeli sui, videlicet custodis, secum eo sacrificium perferri, ut virtuti sacramenti ipsius communicet, ut per corpus Christi quod in cselo est et de altari visibili in terra suscipitur, ad summam propitiationem Dei perveniat et ei uniri mersalur…, c. xxxiv, col. 433.

Sicard de Crémone s’inspire d’Amalaire dans son explication symbolique de la messe, et de Rupert dans sa conception de la victime du sacrifice eucharistique. A l’exemple de ce dernier, il distingue une double substance du sacrifice, l’une matérielle et terrestre, Mitrale, t. III, c. vi, P. L., t. ccxiii, col. 116. La substance divine, c’est le Verbe. Ad prolationem istorum verborum hoc est corpus meum, panis divinitus transsubstantiatur in carnem ; divina enim mater ialis substantiel hujus sacrificii est Verbum quod ad elementum accedens perficil sacramentum ; sic Verbum carni unitum efficit hominem Christum. Ibid., col. 129 B.

b) Critique de la consécration par contact ; messe des présanctifiés et messe apostolique. — L’attention que les théologiens de l'époque donnaient de plus en plus à la question du moment précis ou de la forme de la consécration, leur conviction de plus en plus raisonnée que cette forme consiste uniquement dans les paroles : « Ceci est mon corps » devaient amener les liturgistes, à