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MESSE DANS L'ÉGLISE LATINE, PIERRE LOMBARD


nobis impie occiditur, sed sacrificaiur, et hoc modo mortem Domini annunciamiis. Col. 358 ; cꝟ. 362.

On retrouver ;  ! lu même idée sur le caractère figuratif de la messe dans le fragment de traité attribué à saint Anselme. Epist.. IV.c.vn, P. L., X. clix, col. 257.

Sur les autres écrits de circonstance de l'époque qui peuvent fournir quelques indications sur la messe, voir Lepin, op. cit., p. 24-26.

b. Premières synthèses. — On s’attendrait à voir les auteurs des premières Sommes donner à la question du sacrifice eucharistique une belle place dans leur vaste plan d’ensemble. En fait, cette question n’est guère qu’effleurée. Dans l’eucharistie, ils considéraient surtout le point de vue du sacrement.

Ainsi Hugues de SaintVictor († 1141), dans le De sacramentis. ne consacre qu’une chapitre très court à la célébration de la messe ; c’est un résumé des définitions traditionnelles. De sacramentis christianæ fidei, t. II, part. VIII. c. xiv, P. L., t. clxxvi, col. 472. Un des disciples de Hugues de Saint-Victor et d’Abélard, peut être Hugues de Mortagne (voir M. Chossat, La Somme des Sentences, œuvre de Hugues de Mortagne, Louvain, 1924), dans sa Summa sententiarum, étudie l’eucharistie surtout comme sacrement. A noter cependant quelques indications relatives au sacrifice de la messe. Après avoir insisté sur la présence de la victime du Calvaire à l’autel, il met en relief le caractère figuratif de la fraction et de la communion par rapport à l’immolation de la croix : Cum igitur fran{jitur hostia, dum sanguis de calice in ora fideliurr Junditur, quid aliud quam Domini corporis in cruce immolatio ejusque sanguinis de latere efjusio désignais ? Tract. VI, c. viii, P. L., t. clxxvi, col. 145. En vertu du principe d’après lequel le prêtre à l’autel agit au nom de toute l'Église, l’auteur se rallie à l’opinion de ceux qui affirment l’invalidité des messes célébrées par les excommuniés et les hérétiques manifestes. Ibid., c. ix, col. 146.

Robert Pullus, dans ses Sentences, fournit aussi quelques indications sur le sacrifice. Il y traite de la matière du sacrifice, t. VIII, c. h ; du caractère figuratif du mélange d’eau et de viii, c. m ; de la représentation de la passion à la messe, c.iv. Il prouve c. vi, que l’eucharistie est validement consacrée par des prêtres indignes. P. L., t. clxxxvi, col. 961, 963, 964, 968. « Le peu de place donné à l'étude du sacrifice de la messe dans ces premiers essais de théologie scolastique montre clairement que l’attention des écoles n’est pas portée sur ce point… Le dogme du sacrifice n’ayant pas subi d’attaque directe, n’est l’objet d’aucune investigation particulièrement approfondie. » Lepin, op. cit., p. 26.

2° Pierre Lombard († 1164). — L’enseignement du Maître des Sentences sur la messe mérite un examen attentif, d’abord parce qu’il est un approfondissement de la pensée traditionnelle, mais surtout parce qu’il se trouve être, un écho assez riche de cette pensée et que son influence se fera sentir jusqu’au concile de Trente et au delà.

Comme ses devanciers immédiats, Pierre Lombard donne surtout son attention à l’eucharistie comme sacrement : il n’aborde ex professo la question du sacrifice qu'à la dernière page de la dist. XII du livre IV. Il pose ainsi le problème : On demande si ce que fait le prêtre est appelé au sens propre sacrifice ou immolation, et si le sacrifice est immolé chaque jour ou bien s’il n’a été immolé qu’une fois ? La question est complexe et ne va pas sans laisser dans l’esprit une équivoque. Faut-il prendre les deux termes sacrifice et immolation pour synonymes'? De l’emploi de ces deux mots distincts et plus encore de l’ensemble de la réponse qui va suivre, il résulte qu’ils ne sont poinl complètement équivalents.

A la question ainsi posée le Maître répond en montrant qu’il y a dans la messe un sacrifice parce que il y a sur l’autel représentation de L’immolation du Calvaire, et oblation de la victime jadis immolée.

1. La messe comme représentation du sacrifice du Calvaire. — « Ce qui est offert et consacré par le prêtre est appelé sacrifice et oblation, parce que c’est la mémoire et la représentation du vrai sacrifice et de la sainte immolation accomplie sur l’autel de la croix. Une seule fois le Christ est mort en croix et y a été immolé en lui-même, mais chaque jour il est immolé dans le sacrement, parce dans le sacrement il est fait mémoire de ce qui a été accompli une fois. » L. IV, dist. XII, n. 7, P. L., t. cxcii, col. 866. C’est dire que l’immolation réelle du Calvaire est le sacrifice par excellence, que la messe n’est sacrifice que par sa relation essentielle « au vrai sacrifice » accompli une seule fois sur la croix. Elle est un sacrifice relatif, souvenir et image du véritable sacrifice constitué par la mort rédemptrice de la croix. La représentation sensible de l’immolation passée ne consiste point dans une modification sensible qui affecterait le Christ impassible, soit au moment de la consécration, soit au moment de la fraction et de la communion. Ibid., n. 5, col. 865. Pierre Lombard ne voit point encore dans la double consécration l’image expressive de la séparation du corps et du sang qui eut lieu au Calvaire. Si la séparation des espèces l’intéresse, c’est au point de vue de la communion et de l’effet rédempteur signifié. Jésus-Christ, en choisissant le pain et le vin comme éléments du sacrifice, a voulu montrer qu’il a pris la nature humaine tout entière, corps et âme, afin de la racheter tout entière. Dist. XI, n. 6, col. 863.

Il place surtout la représentation sensible de l’immolation du Calvaire dans la fraction et la communion. Dist. XII, n. 6, col. 866.

2. La messe comme oblation de l'Église. — Mémorial et représentation sensible de l’unique immolation réelle du Calvaire, la messe n’est point seulement une image de sacrifice. D’accord avec l’ensemble de la tradition, le Lombard reconnaît en elle un sacrifice réel.

Sous l’aspect commémorât if et représentatif de la messe se cache une réalité sacrificielle : l’offrande de la victime duCalvaire. « Le passage si remarquable de saint Jean Chrysostome, reproduit par le Maître des Sentences ne contient pas seulement l’idée d’un rappel de la mort soufferte sur la croix, recordatio ; il y est aussi question d’une « offrande » de la victime autrefois immolée, ofjerimus, ofjertur. L’immolation, semble-t-on nous dire, est passée ; mais la victime est présente, et son oblation actuelle. Or cette double réalité de la présence de la victime et de son actuelle oblation paraît bien être ce qui constitue hic et nunc un vrai et réel sacrifice, malgré qu’on ait une simple image commémorative de l’immolation. » Ces paroles de M. Lepin, op. cit., p. 153, expriment bien la conclusion du Maîtredes Sentences lui-même : « De là il ressort que ce qui se passe à l’autel est un sacrifice et est appelé ainsi à juste titre. Le Christ a été offert une fois, et il est offert chaque jour, mais d’un manière différente autrefois et aujourd’hui. » Dist. XII, n. 7, col. 866. Le concile de Trente adoptera la même formule. L’identité d’oblation fonde l’identité de sacrifice ; de part et d’autre, c’est toujours la même victime offerte. La différence entre le sacrifice de l’autel et celui de la croix réside dans le mode de l’oblation. Sur la croix, le Christ s’est offert lui-même une fois en hostie efficace de rédemption d’une façon sanglante : sur l’autel, nous l’offrons et nous nous offrons conjointement avec lui, victimes d’un seul et même sacrifice non sanglant, dans le but de faire dériver